LNER 4468 Mallard vs. LNER 4489 Dominion of Canada : une comparaison de deux catalogues virtuels selon les normes du CIDOC

Matthew Gauthier
museonum
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11 min readDec 21, 2019

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LNER 4468 Mallard next to LNER 4489 Dominion of Canada at the Great Gathering, National Railway Museum, 9 November 2013.
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Les chemins de fer ont joué une importance non-négligeable dans l’histoire du développement industriel à peu près partout à travers le monde. Cela a particulièrement été le cas dans le développement du Canada. À une certaine époque, les locomotives à vapeur et le train constituaient des outils de prédilection pour acheminer les marchandises ou les passagers. La performance et l’aspect esthétique de ces locomotives a évolué avec le temps. Initialement, les locomotives à vapeur était de conception simples, petites et ne disposaient même pas de cabine pour abriter le mécanicien et le chauffeur. Toutefois, avec le temps l’efficacité des locomotives à vapeur tout autant que leur aspect esthétique sont devenus importants.

Né en 1876 à Édimbourg en Écosse, Herbert Nigel Gresley a rapidement compris l’importance de combiner ces deux aspects dans la conception des machines. En 1935, il conçoit les locomotives de classe A4 pour la compagnie ferroviaire britannique London and North Eastern Railway (LNER) (Hasted, 2013). Celles-ci sont fabriquées en utilisant des formes aérodynamiques qui favorisent la vitesse et les rend facilement identifiables. En tout, 35 locomotives de cette classe de locomotives ont été construites. Aujourd’hui, en 2019, seulement six d’entre elles sont conservées, dont trois qui sont toujours fonctionnelles mais utilisées à des fins mémorielles. Les trois autres sont maintenant préservées dans des musées ferroviaires, dans trois pays différents. La LNER 4468 Mallard est la seule qui soit conservée dans un musée britannique, le British National Railway Museum à York. La LNER 4496 Dwight D Eisenhower est présentée au National Railroad Museum dans l’état du Wisconsin aux États-Unis. Quant à la LNER 4489 Dominion of Canada, celle-ci constitue un des joyaux d’Exporail, le musée ferroviaire canadien situé à Saint-Constant.

Avec cet article nous nous étions proposé de comparer les fiches de catalogage en ligne de ces trois locomotives d’après les recommandations du Comité International pour la Documentation (CIDOC). Cependant, ces musées ne disposent pas tous d’une collection en ligne. En effet, Le National Railroad Museum aux États-Unis ne propose pas de catalogue de ses collections sur le web et nous l’avons contacté en vain. Nous l’avons donc exclue du périmètre de notre analyse. Ce travail consiste donc en une comparaison de la description documentaire des locomotives LNER 4468 Mallard et LNER 4489 Dominion of Canada au sein de leurs collections virtuelles.

Il nous paraît nécessaire de présenter au préalable les musées ainsi que leurs collections en ligne. Exporail est le plus grand musée ferroviaire au Canada et sans doute parmi les plus grands au monde de ce type. C’est l’Association canadienne d’histoire ferroviaire (ACHF) qui est propriétaire et gestionnaire d’Exporail. Le musée a été fondé en 1961 par l’association mais est seulement ouvert au public depuis 1965 (www.exporail.org/a-propos/). Aujourd’hui, Exporail constitue un musée phare de la région de la Rive-Sud de Montréal. Un établissement culturel qui présente la capacité de rehausser l’attractivité de la région et de la ville de Saint-Constant en lui donnant vie (Hamnett et Shoval, 2003, p. 229).

Bien que la création d’Exporail date des années soixante, ce n’est qu’une cinquantaine d’année après sa création que le musée a publié sa collection en 2016 en tirant parti des possibilités offertes par le médium du web. Cela est relativement tardif pour un musée de cette importance, si l’on considère que la numérisation des collections muséales a débuté dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Le micro-site de leur collection est accessible par l’intermédiaire du site web d’Exporail sous l’onglet « collections ». Pour retrouver la LNER 4489 Dominion of Canada, il suffit de faire de saisir son nom dans la barre de recherche. Le site en tant que tel n’est pas très complexe, son développement privilégie la simplicité d’utilisation.

Le National Railway Museum à York a été établi dix ans après Exporail, en 1971. L’institution est toutefois beaucoup plus importantes car elle accueillait 782,000 visiteurs au cours de l’exercice 2018/2019 (Making Digital History: Annual Review 2018–2019, p. 56). Sa collection conserve plus d’une centaine de locomotives ainsi que de nombreux autres véhicules ferroviaires. La collection en ligne du National Railway Museum à York s’inscrit aujourd’hui dans une plus grande collection virtuelle, celle du Science Museum Group (SMG). En effet, depuis 2017 les cinq musées réunis dans ce consortium Science Museum Group ont regroupé leur présence en ligne. Le résultat n’est toutefois pas nécessairement au bénéfice de la valorisation des collections. En 2018, le musée fait vertement son autocritique : « poor user experience, […] large volumes of out-of-date, duplicated and underperforming content, […] inward focused structure, reflecting the organisation and its projects rather than audience needs » (GLAMi Nomination: Science Museum Group Websites Relaunch, 2018).

Afin de pallier à ces inconvénients SMG a donc choisi d’entreprendre un projet intitulé « One Collection » qui a pour but, entre autres, de lancer une nouvelle collection virtuelle (GLAMi Nomination: Science Museum Group Websites Relaunch, 2018). Le projet « One Collection » aurait pu être le sujet d’un article à lui tout seul tant le projet est riche est intéressant. Quoiqu’il en soit, désormais la collection virtuelle du National Railway Museum à York peut être consulter son son site web. Pour retrouver le LNER 4468 Mallard dans la collection en ligne, il s’agit simplement de se rendre sur le site web du musée et d’écrire le nom, LNER 4468 Mallard, dans la barre de recherche et le site redirige l’utilisateur vers la page de la locomotive.

Il est important de bien comprendre en quoi consiste un catalogue ainsi ce que représentent les normes du CIDOC. Un catalogue se définit comme « a systematic group of records giving detailed information about the collection’s objects » (Lejeune 2007, p. 1). Ces fiches offrent aux utilisateurs de l’information détaillée et suivent souvent les normes internationales proposées par le Comité pour la documentation de l’organisation internationale des musées, le CIDOC. Relevons que les recommandations de la documentation muséale du CIDOC ne concernent pas spécifiquement les collections virtuelles, même si elles peuvent y être employées.

Ces recommandations décrivent 22 groupes d’informations minimales, ou catégories, nécessaires à la description « lors de l’établissement de registres d’objets des collections muséales » (Alice Grant et al. 2013 [1995], p. 1). Une « norme », telle que présentée par le CIDOC, « est une désignation convenue qui facilite l’obtention d’un résultat consiste » (Alice Grant et al.2013 [1995], p. 1). Ces recommandations pour la documentation muséale remplissent quatre objectifs : « assurer que responsabilité pour objets soit assumée […] faciliter la sécurité des objets […] offrir une archive historique au sujet des objets […] [et] offrir un accès physique et intellectuel aux objets » (Alice Grant et al.2013 [1995], p. 1–2).

Cette dernière phrase est importante, car c’est la notion qui relie permet de relier le catalogue virtuel à la définition du musée. Rappelons que d’après l’International Council of Museums, « un musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation » (ICOM, Statuts de l’ICOM art.3 §.1). Si un musée est réellement au service de la société et veut transmettre le patrimoine matériel et immatériel, alors il devient impératif qu’il propose un accès facilité à sa collection en ligne pour permettre à tout à chacun, indépendamment de sa localisation, d’y avoir accès afin d’en apprendre davantage.

En comparant simplement simplement le nombre de recommandations du CIDOC que l’on retrouve dans l’une et l’autre des collections virtuelles évoquées, on peut remarquer que le British Railway Museum présente plus d’information qu’Exporail. En effet, sur un total de vingt-deux champs de description, le National Railway Museum en renseigne partiellement douze tandis qu’Exporail n’en remplit que huit. D’un simple point de vue quantitatif, il semble que le National Railway Museum offre plus d’information par l’intermédiaire de son catalogue en ligne. Mais en s’intéressant de plus près au contenu des descriptions, le constat devient plus complexe.

La présentation des deux locomotives dans les collections virtuelles est très différente. Lorsque le National Railway Museum offre aux visiteurs virtuels quelques paragraphes de texte qui totalisent environ trois cent cinquante mots, pour présenter l’histoire et des informations pertinentes concernant la locomotive LNER 4468 Mallard, cette description en texte libre de pré-catalogage (à ne pas confondre avec la description structurée proposée par les recommandations du CIDOC) comprends plusieurs des catégories d’informations recommandés par le CIDOC.

En effet, si nous comparons simplement les catalogues, c’est-à-dire là où il y a un titre de catégorie et un donné, Exporail en offre six, sur les huit qu’on peut retrouver sur le site, que les visiteurs peuvent facilement repérer sans faire d’effort des informations recommandées par le CIDOC. Le National Railway Museum de son côté, en offre quatre sur douze. Les huit autres sont à rechercher dans la description plein-texte de « précatalogue » mentionnée ci-dessus. Alors, ces huit catégories ne sont pas clairement indiquées et doivent être déduites à partir de la lecture. Quatre catégories clairement renseignées dans la description n’est probablement pas un nombre d’information structuré suffisant pour le plus grand musée ferroviaire au monde.

Continuons cette comparaison en présentant plus avant les catégories renseignées les deux musées. Exporail communique de l’information sur les catégories suivantes : le marquage, les matériaux, les dimensions, la dénomination, le numéro, et le titre. Des images accompagnée d’une mention de droits d’utilisation est fournie sur leur micro-site. De son côté, le National Railway Museum propose dans son catalogue de l’information dans les rubriques suivantes : numéro, matériaux, mesure et description. Les huit autres catégories d’information qui concernent l’acquisition, les conditions de conservation, l’image de l’artefact, son emplacement, son nom, des informations sur sa production, son titre, les droits de reproduction, peuvent se retrouver dans le texte de la notice introduisant le catalogue ou ailleurs sur la page du catalogue, au sein des panneaux latéraux par exemple. En somme seulement deux des catégories d’information commune sont communiquées par les deux institutions, celles qui concernent les matériaux et le numéro.

Exporail offre le minimum de l’information pertinente. Le musée offre des informations sur les mesures, les matériaux, le nom, ainsi que les surnoms, mais reste qu’il y a quand même un manque d’information. Il n’y pas d’information sur les modalités d’acquisition de la locomotive LNER 4489 Dominion of Canada par le musée. De plus, il n’y a aucun détail sur la production de cette locomotive. Or, cette information peut être extrêmement utile pour des chercheurs qui veulent étudier la locomotive. C’est pourtant une information possédée par musée. Aussi, ces deux catégories d’informations auraient dû a minima faire partie de leur catalogue virtuel.

Du côté du National Railway Museum, le musée renseigne plus en détail la locomotive qu’Exporail. Mais leur catalogue n’est pas parfait. Il manque plusieurs catégories pertinentes afin d’être complet. Une d‘entre elles est assez déterminante pour la connaissance de l’appareil, puisque la fiche omet le nom de la locomotive. En fait, à aucun endroit de la page on ne peut obtenir sa dénomination exacte. En gras, au haut de la page, apparaît l’intitulé « London & North Eastern Railway steam locomotive ‘Mallard’ ». Plus loin, le nom de la locomotive a légèrement change pour « No 4468 ‘Mallard’». Et vers la fin du texte précédant les entrées de catalogue il est simplement écrit « Mallard ». Se pose donc la question de connaître la désignation privilégiée par le National Railway Museum pour cette locomotive ? Une information qui devrait pourtant être évidente.

Ces deux musées sont des établissements importants dans le domaine de musées ferroviaires. Ils disposent tous les deux de riches collections de véhicules ferroviaires et devraient faire tout en leur possible afin d’offrir aux visiteurs virtuels plus d’information concernant les pièces dans leur collection. La LNER 4468 Mallard et la LNER 4489 Dominion of Canada sont toutes les deux d’importantes locomotives à vapeur qui sont représentatives du mélange d’esthétique et d’efficacité. Le fait qu’elles ne soient pas documentées en détail dans les collections virtuelles est une perte potentielle pour la recherche d’information sur ces .

Ceci étant dit, de l’information qui se trouve dans des catégories non transmises est facilement accessible La sixième catégorie, par exemple, contenant le nom de l’institution, le nom de l’organisme subordonné de l’institution, l’adresse de l’institution, et le pays de l’institution, n’est présenté par aucun des deux musées directement. Néanmoins, cette information est extrêmement facile à retrouver et n’apparaît pas ici cruciale. Évidement, cela aurait été facile à faire apparaître dans le catalogue virtuel.

Par ailleurs, plusieurs des catégories proposées par le CIDOC ne sont pas directement applicables à ces locomotives. La troisième catégorie, par exemple, sur l’information concernant le retrait de l’inventaire et l’aliénation est hors de propos. Les deux locomotives n’ont évidemment pas été retirées ou aliénées de la collection. Il faut donc aussi prendre en considération que certaines des catégories de description ne sont pas toujours nécessaires.

Pour conclure, sur les trente-cinq locomotives de ce type qui ont été construites, seules six d’entre-elles sont conservées en 2019, dont trois dans des musées. L’un de ces musées, le National Railroad Museum, ne dispose pas de site de collection ce qui empêche l’amateur ou le spécialiste de connaître la locomotive LNER 4496 Dwight D. Eisenhower. Seules les descriptions de la LNER 4468 Mallard et de la LNER 4489 Dominion of Canada sont accessibles au public dans des collections virtuelles. En se fiant à la liste des catégories de descriptions recommandées par le CIDOC, il paraît clair que le National Railway Museum à York propose plus d’information sur son site, mais en réalité Exporail propose plus d’information systématique. Au final, si ces musées proposent tous deux un minimum d’information sur leurs locomotives respectives, peu d’information est disponible en commun dans les deux catalogues et on pourrait attendre que ces deux musées phares du ferroviaire à l’international offrent plus d’information sur leur collection au public.

MGauthier

Bibliographie

« À Propos. » Exporail, le musée ferroviaire canadien. https://www.exporail.org/a-propos/ accédé le 3 décembre 2019.

« Dominion of Canada — after Restoration — Come Back to Exporail June, 4th 2014 ». 2016. Accédé le 5 décembre 2019. http://collections.exporail.org/emfc/#details=ecatalogue.860

« GLAMi Nomination: Science Museum Group Websites Relaunch ». 2018. MW18 Museums and the Web 2018. https://mw18.mwconf.org/glami/science-museum-group-websites-relaunch/ accédé le 3 décembre 2019.

« ICOM — Définition d’un musée ». 2007. ICOM. (Statuts de l’ICOM art.3 §.1).

« London & North Eastern Railway Steam Locomotive ‘Mallard’ ». Science Museum Group Collection. Accédé le 6 décembre 2019. https://collection.sciencemuseumgroup.org.uk/objects/co205732/london-north-eastern-railway-steam-locomotive-mallard-steam-locomotive.

« Making Digital History: Annual Review 2018–2019 ». 2019. Publié par la Science Museum Group. https://www.sciencemuseumgroup.org.uk/wp-content/uploads/2019/06/smg-annual-review-2019.pdf accédé le 3 décembre 2019.

GRANT, Alice, Joséphine Nieuwenhuis, et Toni Petersen. « Recommandations internationales pour la documentation des objets muséaux : Les catégories d’information de CIDOC ». Alexandre Therrien (trad.) CIDOC, 2013 [1995].

HAMNETT, Chris et Noam Shoval. 2003. « Museums as Flagships of Urban Development ». Dans Cities and Visitors, Regulating People, Markets, and City Space, sous la direction de Lily M. Hoffman, Susan S. Fainstein et Dennis R. Judd, MA, Blackwell Publishing.

HASTED, Derrick. 2013. Sir Nigel Gresley: The Personality Behind the Engineer. http://www.gresley.org.uk/biog_has.htm accédé le 3 décembre à Wayback Machine.

LEJEUNE, Barbara. 2007. « The Effects of Online Catalogues in London and other Museums: A Study of an Alternative Way of Access ». Dans Institute of Archaeology S1 publié par UCL Institute of Archaeology.

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Matthew Gauthier
museonum
Writer for

Amateur American History historian and future museologist.