Mes cendres danseront
Je m’apprête à te rejoindre.
Une joie profonde ou une relation boiteuse empoisonnée?
Qui est profond?
Qui est le poison?
Ensemble, nous vaincrons le monde, ai-je dit,
Un jour.
Qu’en est-il aujourd’hui?
Qu’en est-il de nos réserves?
De nos secrets, de nos douleurs momifiées
Enfouies dans les amphores des tombeaux grandioses?
Qu’en est-il de notre ancienne,
De notre antique complicité
Repoussée à la mer,
Comme ces migrants sur des radeaux de fortune
Que plus personne n’ose accueillir
Au sein de leurs villes?
Et nos béquilles?
N’étions-nous pas les béquilles de l’un et de l’autre?
Sans toi, je ne peux non simplement pas marcher,
Sans toi, je ne veux pas marcher.
Sans toi, je suis une ombre qui danse derrière moi-même;
Je danse, je ne laisse aucune trace de vie dans mon enveloppe charnelle
Je vole, au-dessus des nuages illuminés par les lumières tardives d’une ville inconnue
Je vogue vers la rosée des aurores futures,
Je ne reviendrai pas.
Sans toi, je partirai
J’emporterai ma douleur ankylosante
Je ne reviendrai que pour emmener
Les cendres de mon corps
Dans un souffle
Vers un océan ou une terre inconnus
Car je n’appartiens
Qu’à un passé nomade
Ou à un future sans limites
Mais pas ici
Pas maintenant.
Et mes cendres danseront
Une valse folle
Au-dessus de la mer noire et du Caucase
Car elles voudront te rejoindre
Mais toi
Toi, tu balaieras de la main
Cette poussière
Et tu retrouveras goût à la vie
Et ce sera tout ce que je voudrai pour toi
Et ce sera tout ce que je voudrai pour nous.