Diagnostic cancer du sein: agir quand le ciel vous tombe sur la tête

Charlotte Mahr
myCharlotte
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9 min readMay 8, 2018

“Vendredi 18 avril 2008: on m’annonce que j’ai un cancer du sein.

J’ai un cancer du sein.

Oui, moi ! C’est bien cela. Eh bien ça fait un effet tout drôle de se dire ça, de se regarder dans la glace et de se répéter ces quelques mots.” Extrait de mon journal.

Revoilà la date anniversaire du diagnostic de mon premier cancer. J’y repense sans douleur, étonnée de constater que les souvenirs du déroulement de cette journée restent très nets. Je me vois descendre la rue des Martyrs à Paris en partant au travail, recevant un appel de ma gynécologue qui souhaite me voir le jour même car les “résultats de la biopsie ne sont pas très bons”. Le coup de fil passé à mon père en quittant le bureau à midi pour l’informer que je suis en route chez le médecin, sans me douter un instant de ce qui m’attend. Le diagnostic posé par ma gynécologue — elle me parle de “cellules cancéreuses” — paroles que je ne comprends pas en fait. J’appelle mon frère médecin pour lui dire que j’ai des “cellules cancéreuses” dans le sein et c’est lui qui prononce alors le diagnostic clair: “c’est un cancer du sein Charlotte.”. Le retour en métro, ligne 13, où je prends le temps d’écrire à mon supérieur que j’ai un cancer. Et puis subitement le flottement, ce sentiment d’être dans une bulle de coton, de tout entendre en sourdine, d’avoir l’impression que tout va très vite autour de moi, mais que le temps est totalement au ralenti en ce qui me concerne. L’envie de crier aux gens qui m’entourent “vous ne vous rendez pas compte, j’ai un cancer!!!”. Enfin l’annonce faite à ma famille proche mais géographiquement loin, ainsi qu’à mon conjoint qui se trouve en mission au Mozambique…Une journée extra-ordinaire, à part dans mon existence.

Raconter cette journée que j’ai vécue comme une sorte de traumatisme est un choix conscient : c’est le point de départ d’une tournure inattendue que prend alors ma vie. C’est un moment qui reste probablement gravé dans la mémoire de chaque personne qui reçoit un jour un diagnostic de ce type. Par ailleurs c’est également là que beaucoup de choses se jouent quant aux choix possibles. Car des choix il y en a et des décisions à prendre aussi.

Comprendre, structurer et se faire aider. Voilà en quelques mots les étapes qui me semblent importantes face au diagnostic

Comprendre dans un premier temps ce qui est en train de se passer, car la peur et l’angoisse font leur apparition en même temps qu’une avalanche d’informations qu’il peut être difficile à saisir. Prendre le temps de comprendre sans se laisser happer par le sentiment d’urgence et cette sorte d’abrutissement qui vous tombe dessus.

Avec du recul il me paraît utile de retirer — dans la mesure du possible — le sentiment d’urgence, de manière à prendre le temps d’assimiler ce qu’il se passe. Un cancer, bon, mais qu’est-ce-que cela implique au juste?

La question peut simplement être posée aux médecins: de combien de temps peut on disposer avant de démarrer les protocoles de soins, avant d’opérer? Cela permet de se renseigner sur le diagnostic reçu et de l’intégrer. De prendre des avis auprès de plusieurs médecins si on en ressent la nécessité, de constituer une équipe de soins encadrante avec laquelle on se sent en confiance, de prendre des avis sur les différents lieux possibles où suivre les traitements, d’en parler autour de soi etc.

Comprendre le diagnostic et les options qui se présentent à vous concernant le protocole de soins (thérapies que l’on va suivre) est un point de départ intéressant pour adhérer, accepter au mieux les traitements à venir. Cela permet de limiter le sentiment qu’on subit des traitements dont on ne comprend pas l’intérêt, dont on ne connaît que la réputation des effets secondaires. Comprendre par exemple ce qu’est une chimiothérapie (on ne sait pas forcément que ce sont des substances chimiques qui sont administrées par injection ou voie orale), que le porth-à-cat (ou PAC) existe, petit boîtier qu’on implante sous la peau et qui est relié à une veine afin de procéder aux injections de chimiothérapie en utilisant une veine plus solide que celles du bras. Une meilleure compréhension de la situation permet de faire face à la peur qui accompagne l’inconnu.

Prendre le temps d’écrire les informations données ainsi que les questions à poser, faire répéter les médecins — ils sont souvent sous pression car surchargés de travail — et faire quelques recherches pour se familiariser avec tout ce nouveau vocabulaire afin de comprendre ce qu’il se passe. C’est une première étape. On peut la franchir pas à pas.

Structurer ensuite, afin de mettre en place des repères et trouver des leviers d’action dans cette situation nouvelle

Il y a les démarches à faire pour organiser les traitements, la situation professionnelle et familiale, et toutes ces choses qu’on a peut-être laissé traîner et qui doivent tout à coup être réglées. Les informations reçues sont nombreuses, elles peuvent donner l’impression d’être perdu et d’avoir une mémoire de poisson rouge parce qu’on oublie tout. Lors de mon premier cancer la date de l’opération a été fixée le lendemain de mon diagnostic pour la semaine suivante. Je me suis retrouvée sous une pression énorme pour faire les démarches nécessaires, d’autant plus que j’allais me faire opérer dans un autre pays que mon pays de résidence, afin d’être entourée de ma famille. C’est ainsi que j’ai obtenu des renseignements erronés quant à la prise en charge de l’opération par la sécurité sociale française. Un “petit” détail qui m’a valu de vider mon compte épargne pour payer les frais de l’opération en attendant de régler la question onze mois plus tard avec la sécurité sociale. Mettre de l’ordre dans les démarches, prendre le temps de noter ce qui est à faire, réfléchir aux options qui existent pour organiser au mieux ce parcours, toutes ces étapes peuvent aussi se faire l’une après l’autre.

Lors du deuxième diagnostic, j’ai eu la chance que ma sœur ait pris le soin de constituer un fichier Excel complet sur des éléments divers et variés. Des séances de yoga, des massages spécialisés pré- et post- opératoire chez des kinésithérapeutes, de l’acupuncture, divers organismes et associations spécialisés dans le soutien aux patients atteints de cancer… Il y avait de tout pour tenter de traverser le deuxième cancer avec plus de douceur. Elle m’a proposé ainsi tout un champs d’action possible après avoir fait des recherches, parlé autour d’elle pour trouver des renseignements. Et elle m’a accompagnée, physiquement quand elle le pouvait, dans les prises de contact. Je n’ai pas accepté toutes les possibilités d’accompagnement, mais j’ai pu y réfléchir et choisir ce qui me convenait. Tranquillement.

Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible. Albert Camus, Extrait de “l’Été” du “Retour à Tipasa”, 1954

C’est sur ce point que mes deux expériences avec le cancer du sein — et surtout avec les traitements — ont été radicalement différentes : le fait de réaliser que j’avais un rôle actif à jouer dans le parcours de soins et que j’en assumais une part de responsabilité a été décisif. Le corps médical est chargé de m’indiquer les thérapies nécessaires pour lutter contre la maladie avec les moyens connus de la médecine. Je suis chargée de m’écouter, de comprendre que mon organisme réagit et d’agir pour le soutenir au mieux. Jusqu’à preuve du contraire la vie continue, autrement, certes, mais elle se poursuit et il y a des moyens de la rendre plus agréable malgré les circonstances. A cette fin il est intéressant de créer un cadre pour agir tout en ménageant ses efforts. Afin d’avoir la capacité à choisir et à faire, afin de traverser cette épreuve tout en étant en prise avec la réalité.

Intervient alors le troisième élément: s’entourer et se faire aider

Il n’est pas dans la nature de chacun de savoir se faire aider et ce n’était pas vraiment la mienne. “Charlotte a un caractère fort, c’est une battante, souriante de surcroît, optimiste, elle fait les choses avec courage”, voilà comment mes proches pourraient me caractériser. Mon langage courant est composé de “je peux y arriver, je supporte tout cela, tout ira bien, ça va passer”. Je me sais entourée par ma famille et mes amis, alors organiser une espèce de comité de soutien et d’aide pour les démarches anodines ou importantes ? L’idée ne m’effleure même pas. Accepter un soutien psychologique? Non merci, pas besoin. C’est moi qui rassure mon entourage sur mon état, sur le fait que les traitements ne sont pas affreux. Certes je suis très fatiguée mais fondamentalement tout va bien puisqu’il y a forcément pire comme situation, comme maladie et comme traitements. L’idée de ne pas chambouler toute ma vie à cause d’un pauvre cancer prend le dessus. Je veux garder ma vie “d’avant”, je continue à travailler au moins un peu, je reste en lien avec ma vie, normalement.

Ce n’est qu’après les traitements lourds et la reprise complète du travail, à 10.000 km de Paris que j’ai commencé à soupçonner qu’un soutien psychologique aurait sans douté été bénéfique. Qu’admettre et dire un peu plus souvent que “c’est dur” ce que l’on traverse, m’aurait aidé, moi et mon entourage, à comprendre que cette aventure est complexe, qu’elle laisse des traces et que ce n’est pas quelque chose de banal. Il y a beaucoup à écrire sur les questions de l’acceptation et de l’adaptation à cette situation nouvelle, j’y reviendrai ultérieurement.

Le point que je souhaite soulever dans l’immédiat, au moment du diagnostic, c’est l’importance de savoir se faire aider. De trouver quelques personnes qui sont là pour faire des recherches et des démarches avec vous.

Mon mari est celui qui a pris un rôle central pour coordonner tout mon entourage. Les proches se veulent bienveillants, proposent d’aider, d’être présents, demandent comment ils peuvent se rendre utiles. Je n’avais souvent pas la réponse ou tout simplement pas la force de formuler une demande claire. Tantôt la sensibilité de l’autre fait qu’il tombe à pic, comme ma sœur qui arrive à point nommé le jour où je n’arrive pas à sortir de mon lit et reste coincée, à contempler le plafond pendant d’interminables heures avec des pensées peu réjouissantes. Se lever et aller prendre une douche est un geste qui peut paraître banal, pourtant dans la vie d’une patiente en plein traitements ça peut être un moment de répit essentiel. On a alors besoin parfois de la présence de quelqu’un pour faire ce geste ou de quelqu’un qui vient tenir la main, qui est là quand les effets secondaires de chimiothérapie sont trop pénibles et usent les cordes de la patience. De quelqu’un qui vient apporter un pot de soupe faite maison parce qu’on a pas le cœur à cuisiner.

“Thirteen people are silhouetted against a setting sun coloring the sky vibrantly” by Cristina Cerda on Unsplash

Accepter d’avoir une personne qui vient en soutien, qui regroupe les informations et les transmet quand c’est nécessaire, quand on est soi-même trop fatiguée pour répondre au téléphone ou qu’on a besoin de garder l’esprit libre pour se concentrer sur soi-même, sur ses ressentis. C’est important. Et ce n’est pas un aveu de faiblesse. Le cancer est une expérience particulière, y apporter une attention et une organisation adaptées est une approche qui s’est révélée très positive dans mon cas.

Comprendre, organiser et me faire aider ont été les points de départ essentiels pour vivre une deuxième expérience très différente de la première. J’ai pu activement et consciemment adapter mes habitudes de vie dans le domaine de la nutrition, de l’activité physique et de la gestion des émotions. Ainsi, les effets secondaires des traitements se sont certes manifestés, accompagnés de la peur et de l’angoisse. Mais j’ai été en mesure de les comprendre et d’agir, afin de les maîtriser en y apportant des solutions adéquates, tout en m’appuyant sur l’aide précieuse de mon entourage. Le but même de myCharlotte est de vous aider dans cette démarche, afin de faire des choix et organiser le soutien de l’entourage. Adoucir et faciliter cet effort, voilà ce que myCharlotte souhaite vous offrir.

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Charlotte Mahr
myCharlotte

Prof de #Pilates et créatrice de #myCharlotte — l’app qui aide les patientes à vivre autrement leur #cancerdusein et les #effetssecondaires des traitements