Je ne miserai pas un penny sur 80% des startups africaines que je connais. Voici pourquoi.

Naofal Ali
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4 min readAug 10, 2017
Credit: Naofal ALI — View on the Port of Dakar, Senegal, West Africa.

L’enfer dit-on est pavé de bonnes intentions. Et en entreprise, deux choses comptent: la qualité du travail que vous effectuez, et l’intelligence que vous y mettez.

Je vois comme vous depuis quelques années de nombreux jeunes entreprendre. Entre 20 et 30 ans, cette voie semble séduire de plus en plus d’africains. Je n’aurai jamais cesse de dire que ce continent, de par ses particularités, est une terre d’affaires qui ne ressemble à aucune autre. Ceux qui y entreprennent le savent peut-être, mais ne l’intègrent hélas encore que trop rarement.

Pour l’analyste que je suis, les entreprises africaines peuvent évoluer vers 4 profils distincts. Seul un, est pour moi profondément digne d’intérêt.

On distingue:

L’entreprise clinquante, mais qui ne gagnera pas d’argent et déposera le bilan.

C’est le cas typique d’une entreprise qui copie un concept qui marche (une énième marque de tenues et accessoires en Wax par exemple), ou qui propose un service entièrement nouveau mais sans réelle pédagogie pour gommer le déphasage “culturel” et faire adopter le produit ou le service (un site de e-commerce au Bénin par exemple). Ici, l’entrepreneur a plutôt un profil d’intellectuel, a fait des études supérieures, parfois en occident, et l’aventure dure entre 2 et 5 ans pour les plus engagés.

L’entreprise prospère, mais qui ne se développera pas.

C’est le cas typique de certaines vendeuses de repas dans les capitales africaines. Elles ont des affaires qui marchent, un cashflow régulier, une clientèle fidèle, un chiffre d’affaires en francs CFA à 7 chiffres. Tous les ingrédients d’une succès story, et d’une scalabilité rapide. Pourtant, dix ans après nombres d’entre elles n’auront jamais bougé. Elles occuperont les mêmes locaux, proposeront la même offre, et auront à peine modernisé le service. Ce sont des entreprises qui n’ont pas vocation à croitre, mais juste à nourrir au minimum leur détenteur. L’entrepreneuse ici est généralement une femme, qui a peu fait d’études, et l’entreprise est fondamentalement stable et durable. Preuve en est qu’elle se transmet souvent d’une génération à l’autre.

La grande entreprise… qui stagne.

C’est une entreprise d’industrie ou de services qui a connu un fort succès sur lequel, elle s’assied aujourd’hui. Elle se repose sur ses acquis, n’innove plus, et retient ses clients la plupart du temps au seul moyen des barrières à l’entrée du secteur, qui réduisent les alternatives à ses produits et services. C’est le cas des entreprises de télécommunications et des grandes banques des pays africains. Inertie, relation client désastreuse, administration lente et lourde, politique RH tremblante. A terme, elles se font racheter par des groupes sous régionaux, ou selon la dernière tendance par des groupes marocains, ou encore déclinent.

L’entreprise dont la croissance est la priorité.

C’est à mon sens celle qui mérite le plus d’intérêt. Elle est souvent l’œuvre d’un homme visionnaire, qui a su, à la force de l’ambition et en s’entourant des bonnes personnes, réussi à la faire grandir. Dans ce type d’entreprise, l’innovation est constante dans les produits et les procédures. On note également une volonté affichée de pénétrer de nouveaux marchés nationaux, de diversifier l’offre, ou de réaliser une intégration verticale. Les exemples ici, sont les plus rares. On peut toute fois citer le groupe NSIA qui a d’abord pénétré l’ensemble des pays de l’UEMOA avec ses produits d’assurance, avant de s’être ensuite diversifié dans la banque en Côte d’ivoire. Ce pôle est aujourd’hui renforcé par une introduction en bourse très réussie de la NSIA Banque Côte d’Ivoire, et l’acquisition en cours des activités ouest-africaines de la Diamond Bank dans quatre pays. Le groupe entend également avec sa filiale NSIA technologies devenir un acteur majeur des services IT aux entreprises africaines.

Malheureusement, bien trop peu d’entreprises me semblent présenter le potentiel de ce quatrième groupe. Voici 10 raisons qui expliquent cela :

Beaucoup d’entrepreneurs sont plus passionnés par leur “statut” d’entrepreneur que par leur marché, leur entreprise.
Sans commentaire.

Nous nous ruons pour beaucoup vers les mêmes services/produits.
A titre d’exemple, je ne compte plus le nombre d’applications d’e-learning dans le seul Bénin.

Nous faisons des paroles d’entrepreneurs américains à succès des dogmes sacrosaints sans aucun esprit critique.
De Musk, fusse-t-il bon, tout n’est pas bon à prendre.

Nous ne faisons pas dans la simplicité.
Les produits, leurs usages, leur accès, et leur monétisation sont souvent bien trop complexes pour leur milieu. Là où un service USSD suffit, pas la peine de développer une application mobile.

Nous ne sommes pas suffisamment attentifs à leur environnement.
Gardons en tête les données macro économiques et sociales de vos marchés, la connectivité internet, le taux de pénétration des smartphones, le taux de bancarisation, le revenu médian, les réalités logistiques. Ce sont autant d’éléments décisifs pour votre offre.

Nous nous trompons de combat. Nous nous battons pour la modernité, et non le progrès.
Le second, est pourtant ce dont on a besoin. C’est là où se trouve (toute?) la valeur à créer. Le premier quoique plus sexy, pris tout seul, est vide de sens.

Nous ne faisons pas ce que nous disons. Nous ne disons pas ce que nous faisons.
Changeons un jour.

Nous brandissons le frein du financement à tout va, et quand vient l’heure de profiter d’une opportunité, nous trainons les pas.
Bougeons-vous !

Du reste, heureusement, nous avons également, et comme partout, de belles pépites sur le continent. Des petites entreprises que l’on a la plus grande facilité à projeter en championnes, de par leurs secteurs, leurs offres, leurs dirigeants, et la vision de ces derniers. Bon courage à tous ceux qui au quotidien travaillent à construire aujourd’hui l’Afrique de demain.

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Naofal Ali
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In love with Africa, entrepreneurship, development questions and people.