Le marketing digital dans les PGC

Etat, décryptage, défis & perspectives

Naofal Ali
naofalnotes
17 min readJun 15, 2016

--

Le marketing de la grande consommation se ringardiserait-Il ? Les années à venir vont-elles marquer la fin de sa domination sur l’école du marketing depuis près de quatre décennies ? Qui l’aurait dit? Et pourtant, c’est bien ce qui semble se profiler à l’horizon…

A la manœuvre de ce changement, une révolution technologique qui a comme pour le marketing bouleversé un grand nombre d’entreprises, de modèles économiques, de marchés et de métiers. Cette révolution n’a pas seulement changé la façon dont nous travaillons, mais aussi celle dont nous vivons au quotidien. Elle, c’est le numérique.

L’état de la situation…

Au centre des disciplines de l’entreprise, le marketing s’est tout naturellement vu impacté. On parle aujourd’hui de marketing digital, pour désigner l’utilisation des supports numériques pour vendre ou promouvoir des produits aux consommateurs et entreprises. Toutefois, dans le sens où il sera étudié dans cet article — et accessoirement celui dans lequel il est le mieux conçu et pratiqué — le marketing digital s’entendra comme l’ensemble des leviers activables sur internet aux fins de détection, de compréhension, et de satisfaction d’un marché dans le but de créer de la valeur pour l’entreprise et ses parties prenantes. On pourra ainsi sortir du champ d’analyse les technologies numériques tierces comme le i-beacon, ou même l’usage du code-barres qui au sens strict du terme serait selon la prime définition un outil de marketing digital. Ceci écrit, revenons-en au fait.

Force est de remarquer une chose, pour autant qu’en matière de « marketing général » l’industrie des PGC s’établie comme une école d’excellence, elle accuse en matière de marketing digital un retard considérable… un vibrant paradoxe ! Le marketing digital est pourtant partout, sur toutes les lèvres. C’est même d’après bon nombre de professionnels l’un des domaines à forte demande de recrutement. Malgré ce boom de la discipline, l’industrie des PGC demeure en reste. Dans les nombreuses tribunes accordées au marketing digital sous forme d’articles, de conférences, de séminaires, de sites spécialisés, de think tank et autres, peu de solutions et de thématiques pertinentes pour les fabricants de PGC. Ainsi dans l’activation des marques du secteur, l’option digitale est encore peu plébiscitée. Par ailleurs, les compétences numériques commencent à peine à intégrer les équipes marketing de ces marques. Alors que chez Orange, SNCF, Castorama, Fnac ou Canal+ — qui ne sont pourtant pas des entreprise nées du digital — les termes taux de rebond, taux de conversion, ou affiliation parlent à tout le monde, ils sonnent comme des mots d’un autre monde chez encore beaucoup d’industriels des PGC… Enfin, preuve de tout ceci, dans la liste des 10 plus gros annonceurs online en 2014 aucun industriel de la grande consommation n’est présent, pourtant ils sont 14 dans le listing des 50 plus gros annonceurs de cette année.

Personnellement, je confesse avoir toujours vécu cela avec beaucoup de frustration et d’incompréhension. Je me suis donc donné pour mission avec cet article d’expliquer cette situation de la plus simple façon possible. En espérant que le but soit atteint…

Décryptage…

A mon sens, toute l’explication du phénomène réside dans la structure même du business des industriels des PGC, et dans la nature de leurs produits. Pour bien comprendre, intéressons nous aux différents leviers du marketing digital. Ils sont principalement de deux ordres, et concentrent 85,3% des investissements en France. Il s’agit de notamment de:
- l’achat d’espace qui a représenté 27,3% des investissements online
- les liens sponsorisés qui ont représenté 58% des investissements online.

De l’analyse de ces deux éléments, l’on peut mettre à jour les deux facteurs qui expliquent le recours encore faible du marketing digital dans le secteur des PGC.

La structure Business

Les industriels agroalimentaires ont une organisation business plutôt inhabituelle. Leurs clients ne sont pas ceux à l’endroit de qui ils déploient leurs activations. C’est en fait un système en BtoBtoC avec d’un côté les distributeurs qui achètent les produits, et de l’autre les consommateurs finaux à ‘’conduire’’ vers l’achat auprès des premiers acquéreurs. Dans ce contexte, deux éléments. Le premier, il y a une partie entière de l’équation business, la BtoB qui n’est pas solvable par le biais du marketing digital. Je ne vous apprendrai rien à ce niveau. Dans les négociations commerciales avec Carrefour ou Leclerc, Google à ce que je sache n’est pas encore d’une très grande aide. Le second élément est la faible attractivité du média digital dans le contexte de la seconde moitié de l’équation la partie B to C. En effet d’une façon très globale les industriels des PGC sont motivés par deux lignes : la notoriété et la préférence en magasin. Au grand dame du digital, la télévision est le média référence pour remplir le premier objectif. A son avantage, sa position de média le plus consommé en France (88% des français y est exposé 2 heures 29 minutes en moyenne par jour). La télévision est aussi réputée pour l’image positive qu’elle renvoie des marques et son très bon score de souvenir publicitaire. Ces trois arguments en font la voie par excellence pour construire la notoriété. Pour générer de la préférence en magasin, l’outil de loin préféré par les industriels des PGC est la promotion. Dans le relais de cette dernière la radio est le média le plus plébiscité. Il est en effet connu pour sa forte capacité à faire du drive to store, les promotions magasins étant interdites de diffusion à la télévision. Sur la notoriété autant que la préférence magasin, le digital passe donc en second plan.

Au vu de ces éléments, on comprend comment la forme particulière du business des industriels des PGC tend à leur faire peu avoir recours au marketing digital. Mais comme on dit, jamais une sans deux.

La typologie produit

Aujourd’hui le drive est un circuit de vente qui compte dans la commercialisation des PGC. En dix ans il s’est taillé un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros, soit une part de marché de 5,4%. En benchmark, cela représente déjà 37% de celle du circuit hard-discount pourtant historique. De plus dans un contexte où les circuits HM et SM sont à pleine maturité le drive contribue fortement à la croissance des distributeurs. Le e-commerce a donc le vent en poupe dans le secteur. Voilà autant d’éléments qui en principe devraient intéresser les marketers des PGC au digital… mais encore raté.

On pourrait cette fois encore mettre cette situation à l’actif de la structure du business. L’idée serait donc que le désintérêt des marques de PGC du marketing digital est simplement du au fait qu’elles n’ont pas d’activité de e-commerce. Le problème, c’est que cela ne serait pas exact. Pour preuve analysons les investissements médias en France.

A cette fin appuyons nous sur le top 50 des annonceurs de France en 2014 publié par Kantar Média. Cet ensemble réalise à lui seul près du tiers des investissements média du pays. C’est donc à ce titre une très bonne base d’analyse. Dans ce classement le secteur automobile à l’instar des PGC, de la grande distribution et de l’automobile y figure en très bonne place. Les parts du premier et du troisième sont d’ailleurs de 21% chacune sur le top des investissements média nationaux. Pour vérifier notre la théorie énoncée plus haut j’ai donc choisi d’analyser les investissements des constructeurs automobiles. Si l’activité de e-commerce était réellement le moteur de l’intérêt de l’entreprise pour le digital, il s’entend que le secteur automobile n’aurait certainement que de très faibles budgets consacrés à l’activation online. Pour cause, l’inexistence absolue de l’activité de vente de voitures en ligne non seulement par les marques, ni même par les revendeurs (contrairement aux PGC). Ma démarche a donc été de comparer la part des investissements en achat d’espace sur internet dans l’automobile à celui dans les PGC. Le constat est sans appel. Alors que les constructeurs de voitures consacrent 17,5% de leur budget à l’achat d’espace en ligne, les fabricants de PGC n’y consacrent que 8,3%, soit la moitié. De plus, à cause de leur site web très développés dans l’automobile, les investissements dans le référencement sont de très loin supérieurs dans ce secteur que dans les PGC. Ce qui, si l’on considérait le total des investissements digitaux tendrait à aggraver l’écart de comportement entre les deux secteurs étudiés. Au vu de cela, l’hypothèse que l’activité de e-commerce ait joué un rôle dans la situation actuelle est donc bien infirmée. En vérité c’est bien dans la typologie des produits que la réponse se trouve.

Deux catégories de produits seulement méritent que leurs équipes marketing prennent la question du digital comme un sujet central.

La première est celle des produits absolument intangibles. Dans ces cas l’achat physique n’apporte rien de plus qu’un achat en ligne en terme d’expérience ou même de confiance. Ainsi, le tourisme est le secteur qui réalise le plus gros chiffres d’affaires sur la toile et donc naturellement l’un des plus actifs en marketing digital.

La seconde catégorie concerne les produits auxquels la synergie off & online est profitable. Ces derniers surfent sur une tendance de fond de la consommation définie sous l’acronyme ROPO, entendez Research Online, Purchase Offline. Dans ce système c’est souvent la phase digitale qui est clé dans le l’issue de l’achat, d’où l’importance pour les annonceurs d’optimiser leur présence en ligne. Les produits de cette catégorie ont la particularité d’être d’une nature à générer un besoin qu’internet comble. Quatre aspects peuvent caractériser les produits de cette catégorie :

- la complexité (produits technologiques, techniques, scientifiques) qui éveille le besoin d’information

- la durabilité (produits à durée de vie semi-durable et durable) qui éveille le besoin d’assurance vu que l’engagement est à moyen ou long terme

- le prix élevé (produits premium, haut de gamme ou de luxe) qui éveille le besoin du mérite du prix

- le grand nombre d’options d’achat disponible (nombreux points d’achat différents, options de paiement échelonné, option de leasing, etc.) besoin de malice dans l’achat.

Sur la base de ces éléments, on comprend pourquoi les PGC accusent un frein typologique. Ils ne sont en effet ni complexes, ni durables. De plus, ils ne sont pas vendus à des prix élevés et ne donnent lieu à aucune option spéciale d’achat. La nature même des produits les rend donc peu aptes à la promotion online par les marques. Pour preuve, c’est bien une des seules catégories de produits qui résistent encore au géant Amazon depuis sa création, voire la seule…

Voilà donc dressé un point sur les raisons qui font que le marketing digital est encore peu présent chez les industriels des PGC. Ce n’est ni par manque d’envie, ni par attachement historique à d’autres médias, ni par sous-performance sectorielle. Il semblerait plus que cette situation soit plutôt le fait d’une structure d’affaires et d’une typologie produit particulièrement peu adaptées aux les leviers digitaux.

Des enjeux pourtant importants…

Toutefois les paradoxes demeurent. Le digital s’impose de plus en plus dans le commerce général. Cependant, le premier secteur commercial en France qu’est la grande distribution n’est encore qu’au tout début de sa mue. Par ailleurs, internet est le deuxième média le plus consommé en France quasiment à égalité avec la télévision (88% des français y sont exposés), et cela marque l’impératif pour les marques de PGC d’y être présentes. Par ailleurs, le circuit drive croit fortement. Sa part de marché d’après les prévisions de Kantar devrait doubler d’ici 2025 en passant de 4,5 à 10%. Cette croissance passera par une cannibalisation des ventes en magasin mais aussi par des achats additionnels. Cela donne aux industriels deux raisons fortes de se pencher sur ce circuit. Le premier est la consolidation de leurs ventes physiques et la seconde les ventes additionnelles à générer sur le circuit drive. Autant d’éléments qui n’autorisent pas l’inaction…

L’équation paraît donc complexe pour les marques de PGC, partagées par la force des choses entre l’inadéquation du digital à son business et la grande place d’opportunités qu’elle reste offrir. Du fait de cette situation les directions marketing se posent de nombreuses questions. Elles concernent notamment :
- la pertinence du digital dans le cadre de la promotion de leurs produits
- les leviers précis à activer dans ce sens
- le choix entre l’acquisition interne ou externe des compétences dans le digital
- la réorganisation des équipes autour de ces nouveaux savoir-faire
- les KPI’s à considérer

En d’autres termes, faut-il s’engager dans le digital ? Faut-il acquérir des talents in-house ou sous-traiter cette question à l’agence ? Qui à l’intérieur des équipes marketing doit être garant de la politique digitale des marques ? Comment positionner cette personne dans les organigrammes ? Et sur d’autres points plus précis, comment organiser les compétences digitales entre le besoin de notoriété, de préférence, et de performance en e-commerce des marques ? Enfin, comment évaluer les actions qui seront entreprises ?

En m’aidant de quelques expériences, lectures, avis, je vous livre mon analyse personnelle de ces questions.

Les perspectives à grand défi…

Réseaux sociaux ou pas ?

Bien que la sphère marketing toute entière chante les louanges des réseaux sociaux, je serai — comment dire ? — prudent quant à son absolue recommandation.

En premier constat, sur Facebook — premier réseau social en France — sept des dix plus grandes audiences en 2014 ont été réalisées par les marques de PGC. Cela tendrait à laisser penser que c’est un canal que le secteur plébiscite. Toutefois des nuances sont à faire, en effet toutes ces marques dans le top 10 sont alimentaires. D’ailleurs, aucun PGC non alimentaire ne remonte dans le top 10 d’aucun des plus grands réseaux sociaux en France. Cela souligne une chose : certaines marques des PGC ont plus de facilité que d’autres à recourir à ce canal.

Pour ma part, cette distinction n’est nullement due périmètre alimentaire ou pas de la marque. Il s’agit plutôt de sa capacité à produire des contenus. Par la force des choses, il se fait qu’il est plus aisé de créer du brand content sur des yaourts aux fruits que sur un détergent. Les marques agroalimentaires sont donc de fait parmi les plus présentes sur les réseaux sociaux. Ainsi je pense qu’il y a deux critères décisifs dans l’introduction d’une marque sur les réseaux sociaux.

- la compatibilité entre la marque et les réseaux sociaux : On oublie souvent que toutes les marques n’ambitionnent pas de cultiver la proximité dans le sens développé par les réseaux sociaux. Pour preuve, Apple la marque la plus valorisée du monde n’est présente sur aucun réseau social. La discrétion a toujours été une des épines dorsales de la marque et à ce sens rend peut pertinente une démarche de social networking. A l’image de la ‘’pomme’’, la marque Bonne Maman. Malgré sa discrétion, la marque a su conserver et consolider sa notoriété et son positionnement sans aucune présence sur les réseaux sociaux en France. Même si il est vrai que ces quelques marques sont des rares exceptions, l’ADN de marque est un élément à prendre en compte. La compatibilité entre la marque est la démarche est donc celle qui lui donnera du sens, qui fera naître du social networking un plus pour la marque.

- La disponibilité des contenus : Quand on va sur les réseaux sociaux, c’est qu’on a des choses à y dire ! Il est de la responsabilité de la marque de développer du contenu en quantité suffisante pour ses tribunes sociales. Il y a va de l’intérêt et de la pertinence même de la démarche. Au même titre, il est important que les contenus soient qualitatifs, c’est à dire digne d’intérêt dans l’absolu, avec une résonnance particulière pour les cibles. Libre donc à chacun le soin de s’assurer de sa capacité à fournir du contenu de marque avant de s’engager sur les réseaux sociaux. Il ne faudra pas se contenter d’une création graphique à pâques et d’un message de vœux le 1er janvier. Et si à l’étape d’aujourd’hui une marque ne peut faire que cela, la question de la pertinence de la démarche se pose. Gérer une marque sur les réseaux sociaux est un engagement sur le long terme et fort chronophage. Autant dire qu’avant d’y aller, encore faut-il en avoir la capacité et la motivation.

L’achat d’espace en ligne (Search & display) ou pas ?

Dur à dire dans l’absolu. L’achat de la visibilité en ligne en cela ne se distingue pas des autres médias. Sa performance réside moins dans son utilisation exclusive que dans son association à d’autres canaux dans le cadre d’un mix média. Il présente des avantages certains, notamment en terme d’accessibilité financière, ainsi que de modularité budgétaire. Attention toutefois à ne pas y voir une solution « miracle ». Pour cause, dans le secteur des PGC, l’achat d’espace en ligne s’est plus souvent illustré comme une solution de renfort au dispositif média traditionnel que comme un axe véritablement porteur de celui-ci. Si le but recherché est la performance magasin, il devrait être loin d’être majoritaire dans les investissements.

D’un autre côté les items de qualité, de transparence, et de proximité prennent une importance centrale et grandissante dans les décisions d’achat des foyers. Pour porter ces valeurs le digital s’inscrit comme le meilleur choix média. Il offre l’immense avantage de l’interactivité combiné à une flexibilité quasiment illimitée en terme de volume et de formats de contenus.

En synthèse, la balance est donc à faire entre le besoin de notoriété et celui de la préférence en magasin. La visibilité en ligne n’est pas une solution miracle, mais un allié de taille dans une optique de brand building. Reste tout de même à noter une précision utile. Contrairement aux autres médias plutôt tactiques, l’achat de visibilité dans le digital s’inscrit généralement dans une démarche stratégique, et donc avec des termes moyens, voire long.

Quelle place pour ces nouvelles compétences au sein des départements marketing traditionnels ?

A mon sens, encore trop de marques envisagent le marketing digital et le marketing « général » comme deux couloirs parallèles. Pourtant, le principal enjeu de l’intégration de ces nouvelles compétences est bien la création d’une synergie. Ce qu’il faut ce n’est pas faire du marketing et du marketing digital, mais faire du marketing qui inclue ce volet. Le digital loin d’être une brique en plus, doit en effet être incorporé à chaque brique déjà existante. Pour ce faire, il faudrait à mon sens se demander :

- Non pas l’importance qu’a le digital dans le monde d’aujourd’hui, mais celle qu’elle a sur le business

- Non pas ce que le digital peut apporter de plus à l’entreprise de façon générale, mais ce qu’elle lui apporte en plus dans l’atteinte de ses objectifs

- Non pas ce que le digital permet de faire, mais ce en quoi il peut conférer à l’entreprise un avantage stratégique dans sa vision

- Si les compétences doivent être internes ou externes

- Non pas comment relayer les autres actions avec le digital, mais comment rendre le digital véritablement complémentaire celles-ci

- Pas seulement comment le digital peut augmenter l’audience, mais aussi maximiser l’impact des actions

- Pas seulement ce que l’on gagne à faire du digital, mais aussi les risques auxquels sa pratique nous expose

- Pas seulement ce que les équipes traditionnelles pourraient apprendre, mais aussi ce qu’elles pourraient enseigner

- Pas seulement ce que les marketers traditionnels pourraient faire en plus, mais aussi ce qu’elles pourraient faire en moins

En répondant à cette série de question, les équipes marketing devraient être en mesure de constater grâce à des pistes claires l’importance du digital dans leur stratégie globale, d’identifier les attentes de l’intégration de ce levier, les mises à jour à opérer niveau des différentes équipes, leurs attributs respectifs, ainsi que l’organisation globale du travail.

Le management étant ce qu’il est, la réussite de l’organisation ne procède bien entendu pas d’un calcul mathématique. A ces éléments il faudra associer des facteurs comme l’aisance de l’entreprise au changement, la personnalité des équipes « traditionnelles » en place, ou encore le caractère même de la marque. L’ensemble de ces choses devrait permettre aux industriels des PGC de se positionner par rapport au digital et de définir la meilleure façon d’organiser leurs équipes afin de répondre aux enjeux que le virage numérique soulèvera.

Quelles missions pour un digital marketing team ? Et quels KPI’s pour les évaluer ?

Initialement les problématiques du marketing digital dans l’univers des PGC sont diverses et potentiellement déconnectées — ou du moins, souvent perçues comme telles. A mon sens, les missions de l’équipe de marketing digital devraient suivre 3 axes :

- La notoriété et l’image

Il s’agit de toutes les initiatives destinées à promouvoir les marques ou les produits sur internet. L’objectif de cet axe est d’optimiser la visibilité, et d’améliorer les scores des marques ou produits mis en avant sur des items identifiés par eux-mêmes comme clés. Pour ce faire, les équipes devront développer une approche en trois dimensions similaire à celles des média. Elle consistera à développer du Payed equity (Display, search, autres achats d’espace), du Owned equity (via toutes les réseaux sociaux et autres plateformes web détenues par la marque), du Earned Equity, la plus valeureuse des trois (qui est constitué par le bruit généré autour de la marque sans conséquence d’augmentation budgétaire).

En clé d’analyse des performances de cet axe il y a trois éléments : l’exposition qui quantifie l’audience des messages de la marque sur les trois dimensions, l’engagement qui prend en compte les interactivités entre la marque et ses publics, et enfin la e-réputation qui qualifie la perception online de la marque.

- Le couponing

A l’heure où la guerre des prix fait ravage dans tous les rayons, il n’a échappé à personne que le prix se reprécise comme une problématique centrale des industriels. Avec la promotion instore, le e-couponing peut constituer l’une des options les plus pertinentes pour jouer la carte de la compétitivité prix. Grâce aux progrès de la data, les industriels qui le souhaitent peuvent aujourd’hui se constituer des bases de données suffisamment étoffées. Ainsi, il leur est possible de moduler directement ce levier. Sur cet axe, tout l’enjeu résidera dans l’identification de la meilleure approche pour gérer les coupons. Ceci notamment en ce qui concerne la fréquence d’émission, la valeur faciale des coupons, leur nombre, les produits sur lesquels ils portent, et surtout les critères sur lesquels ils sont adressés à chaque contact. Tout ceci en adéquation avec la stratégie globale.

En clé d’analyse de cet axe, il reviendrait à chaque industriel de trouver des KPI’s spécifiques. Ces derniers se devront notamment d’être en phase avec les objectifs de chaque campagne de couponing, les canaux de promotion utilisés, mais aussi avec les mécaniques commerciales choisies. Ceci étant dit, quatre éléments transversaux seraient à considérer en point de mesure : la taille de la base consommateurs, la qualification de cette base, la visibilité des coupons, et leur taux de remontée.

- Le e-commerce

Sur le circuit Drive, la plupart des industriels est encore absent, ou peu présent. Il faut dire que par définition les assortiments y sont limités et donc subissent de arbitrages rigoureux. Avec la croissance qu’il affiche et une projection de 10% de part de marché d’ici 10 ans, ce circuit mériterait pourtant bien un focus. Bien évidemment, certaines catégories de produits sont plus concernées que d’autres. Pour les marques qui seraient légitimes dans ce circuit, je pense qu’il devrait également revenir au département digital de développer leurs ventes sur ce nouveau terrain.

Dans le drive, le digital peut aider à répondre à tous les enjeux. Dans un premier temps l’approche analytique lui permettra de fournir aux équipes commerciales les arguments nécessaires pour obtenir des référencements. Dans une optique d’optimisation de la présence, l’équipe de marketing digital saura également force de proposition sur les questions d’assortiments.

Par ailleurs, l’on sait que l’écrasante majorité des décisions d’achat se prennent en magasin. Le drive n’y fait probablement pas exception. Il faut donc pour optimiser la présence du produit en ligne et l’exposition de la marque. Ici l’équipe de marketing digital devrait être force de proposition sur le e-merchandising catégoriel, voire global. Aussi, elle devrait pouvoir identifier les différents leviers web actionnables pour optimiser les performances. Il peut s’agir par exemple de bannières, de pop up, de landing page, de bons de réduction en ligne ou autres. Dans cette optique il est d’ailleurs à noter que les panélistes devrait intégrer dans l’analyse des performances du circuit drive de nouveaux indicateurs plus pertinents que ceux utilisés pour les circuits traditionnels. Il s’agit entre autre de :

  • nombre de visiteurs uniques
  • nombre de visites
  • nombre d’acheteurs
  • temps moyen de visite
  • taux de rebond/produit
  • nombre de clics
  • panier moyen
  • panier moyen par rayon
  • etc.

Ces éléments auraient le mérite de rendre précise l’analyse de la performance des produits en circuits drive. Il y va de l’intérêt à la fois du distributeur que des industriels.

Au final que retenir ? Quelle synthèse faire ?

On pourrait attribuer au marketing digital une approche stratégique qui regrouperait le Brand building et le Business development. Le Brand building regroupe toutes les opérations visant à développer l’exposition, la notoriété et la réputation de la marque. Le business development regroupe quant à lui les éléments qui concourent à développer les ventes en physiques ou via le circuit drive.

A cette fin, le marketing digital pourrait s’appuyer sur la démarche opérationnelle « DOPE ». ‘’D’’ pour la gestion des ventes en drive et le « drive to store » notamment via les coupons. Le ‘’O’’ pour le Owned média, le ‘’P’’ pour le payed media, et le ‘’E’’ pour le Earned média.

Le marketing digital reste encore pour beaucoup à penser dans le secteur des PGC. Il soulève des enjeux importants tant dans la forme qu’il doit prendre que dans le fond. Il pose notamment des problématiques de ressources, d’objectifs et d’organisation. A travers cet article, j’espère avoir proposé aux équipes marketing qui font face à ces défis des pistes de réponses. Leur enjeu sera, si elles prennent le virage du marketing digital, d’écrire leurs propres pages…

--

--

Naofal Ali
naofalnotes

In love with Africa, entrepreneurship, development questions and people.