Les amateurs du Jura rient jaune

Mathias Richemond
Vin Naturel
Published in
4 min readMay 3, 2020

Le vignoble du Jura a la cote et cela commence à se voir… Depuis quelques années, le monde du vin s’agite autour de ce petit vignoble qui a failli disparaître à la fin du XIXème siècle sous la pression du phylloxéra. Après des années de disette et de relatif anonymat, éclipsé par son prestigieux voisin bourguignon, ce territoire a définitivement renaît de ses cendres.

Le superbe village de Château-Chalon

A la fin du XIXème siècle, le vignoble jurassien comptait près de 20.000 ha sur lesquels étaient cultivés pas moins de 40 cépages. Il ne reste aujourd’hui que 10% de cette superficie, répartis sur 5 appellations : Château-Chalon, Arbois, Arbois-Pupillin, Côtes-du-Jura et l’Etoile. Des appellations ‘produits’ viennent les compléter : Macvin, Crémant, Marc (tous du Jura). Le vin jaune et le vin de paille sont également des produits typiquement jurassiens. Côté cépages, 5 variétés dominent : chardonnay, savagnin en blanc ; poulsard, trousseau, pinot noir en rouge. Le climat y est continental à tendance montagnarde : rude en hiver, très chaud en été. Voilà, vous savez tout. Pour plus d’infos, rendez-vous sur Wikipedia :(https://fr.wikipedia.org/wiki/Vignoble_du_Jura)

Si la France est connue pour ses bordeaux et ses bourgognes, elle est également réputée pour avoir (probablement) inventé le vin oxydatif, à savoir un vin élevé au contact de l’oxygène pendant une très longue période. Grâce à ce procédé typique du Jura, réalisé à partir de savagnin au contact de levures, le vignoble a conservé une aura dans le monde entier. A partir des années 60–70, la réputation du vignoble a repris du poil de la bête, soutenue en particulier par des figures de proue de la région tels que Henri Maire, la famille Macle et Pierre Overnoy.

Depuis 15–20 ans, une nouvelle génération est entrain de porter très haut les couleurs de la région dans le monde : les enfants Labet, Jean-François Ganevat, Emmanuel Houillon, Evelyne et Pascal Clairet (Domaine de la Tournelle), Bénédicte et Stéphane Tissot, Pauline et Géraud Fromont (Domaine des Marnes Blanches), Valentin Morel, Didier Grappe, Pierre Martin (Domaine de la Pinte), Kenjiro Kagami (Domaine des Miroirs), Jacques Puffeney, etc. Rendons également hommage à Etienne Thiebaud du Domaine des Cavarrodes, Peggy et Jean-Pascal Buronfosse, Philippe Bornard, Jean-Baptiste Menigoz, François Rousset-Martin et tant d’autres que je ne cite pas ici.

Tous ces domaines partagent le point commun de pratiquer une agriculture très propre, en bio ou en biodynamie, avec parfois des vinifications sans soufre. Ils prouvent d’année en année que l’excellence peut être atteinte sans avoir recours à des artifices.

Une belle brochette de cuvées du Domaine Ganevat

Malheureusement, la conjonction de l’accroissement de la qualité, de la baisse des rendements et de l’effet de mode autour du vin naturel ont conduit à une hausse spectaculaire des prix et une grosse tension sur le marché des vins du Jura. Depuis 4–5 ans, force est de constater que les prix ont explosé. Pierre Overnoy tutoie les sommets, avec ses anciens millésimes de vin jaune qui s’échangent à plus de 1.600€ la bouteille. Les cuvées de Kenjiro Kagami ont quant à elles connu une hausse de +360% de leur prix, portées principalement par une demande asiatique hors-norme.

Bien que cela soit tout à fait irrationnel, l’origine du mal provient aussi d’une réduction drastique des rendements depuis au moins 2012. Depuis plusieurs années, le vignoble est en effet touché par des épisodes de gel dévastateurs. S’il gel au printemps, c’est l’ensemble d’une récolte qui peut disparaître. Avec des rendements divisés par 2 ou 3, à la fin, c’est l’amateur de vins jurassiens qui, certes va trinquer, mais surtout qui casque.

Le futur des vins du Jura interroge. Seront-ils réservés à une élite hors sol à qui l’essentiel de la production sera réservée ? On le constate déjà avec les vins de Pierre Overnoy (bon courage pour vous en procurer…). Ou bien avons-nous des raisons d’espérer grâce à l’émergence d’une nouvelle génération ?

Ne soyons pas alarmistes, il y a des raisons d’espérer. Jean-François Ganevat a résolument décidé de ne pas vendre ses vins plus chers malgré une demande qu’il estime 50 à 60 fois supérieure à ce qu’il produit ! Il n’y a qu’à voir son stand à la Dive Bouteille, on se rapproche plus de la rock star que du vigneron :) D’autres vignerons proposent aujourd’hui de superbes cuvées à des prix abordables, et qui pourront permettre au béotien de s’initier à la magie des vins du Jura.

Ces vins valent le détour et sont parfois difficiles à aborder, j’invite donc à la patience et à l’ouverture d’esprit. Le chardonnay n’y ressemble à aucun autre, le poulsard transcende l’esprit et le vin jaune transporte dans des contrées magiques et inédites.

Pour vous régaler, voici quelques magnifiques cuvées du Jura à prix “raisonnable” que je recommande :

  • Domaine des Bodines, Chardonnay, 24,50€ chez Vins chez Nous
  • Valentin Morel (Les Pieds sur Terre), Chardonnay Les Trouillots, 23€ sur Vins chez Nous
  • Jean-Baptiste Ménigoz (Les Bottes Rouges), Album, 28€ sur Cave Pur Jus
  • Domaine Buronfosse, Chardonnay Varron, 18€ sur Vins chez Nous
  • Domaine des Marnes Blanches, Chardonnay Les Molattes, 15€ sur Vins chez Nous
  • Didier Grappe, Savagnin Ouillé, 21€ sur Vins chez Nous
  • Stéphane Tissot, Chardonnay Patchwork, 21€ sur Vignerons d’Exception
  • Domaine Jean Macle, Chardonnay Savagnin (sous voile), 27€ sur Vignerons d’Exception

Il n’est pas toujours aisé de dénicher ces cuvées mais les sites mentionnés en mettent régulièrement en ligne, au moins une fois par an. Restez-donc à l’affût ! Je recommande aussi tous les autres domaines mentionnés plus haut, à condition de casser un peu plus votre tirelire 💸.

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