“Mes propositions pour fluidifier la ville avec le véhicule autonome”

Christophe Sapet, Président de NAVYA

Christophe Sapet
NAVYA BLOG
5 min readMay 14, 2018

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Christophe Sapet et AUTONOM CAB dans les rues de Paris

Reconnaissance d’un statut juridique pour le véhicule autonome ; supervision proactive à distance ; communication avec les véhicules de services, voire avec les personnels de services : pour favoriser le déploiement du véhicule autonome et fluidifier la ville, des solutions simples et concrètes existent. Il nous appartient de rassembler les conditions pour permettre leur déploiement. A la différence de certains acteurs du marché, qui ont une vision prospectiviste et de long terme, je défends une approche pragmatique et réaliste, avec des résultats rapides et tangibles.

Partout dans le monde, l’essor du véhicule autonome est au cœur de l’actualité. Plus que jamais, je suis convaincu que la solution de mobilité autonome, électrique, et en mode partagée, est la réponse la plus réaliste pour contribuer à réduire le trafic urbain. C’est un combat que je mène depuis plusieurs années.

L’AUTONOM : la solution de mobilité autonome, électrique et partagée

Le rapport du Boston Consulting Group sur le futur de l’automobile daté de décembre 2017 démontre que l’intégration de seulement 5% de véhicules autonomes dans la circulation permettraient de réguler le trafic et de réduire la congestion des centres-villes. Leur introduction libérerait 54% des espaces dédiés aux parkings, réduirait les émissions de CO2 de 80% et diminuerait les risques d’accidents de 50 à 90%.

Contrairement à ce que certains pensent, cette solution de mobilité autonome existe : chaque jour, des milliers de passagers l’utilisent dans le monde. Complémentaire avec l’offre de transport publique, l’AUTONOM (véhicule électrique, autonome, sans conducteur), propose une « intermodalité » avec le train, le tram, le bus ou le métro. Cette solution de mobilité répond à tous les besoins des utilisateurs au cœur de la cité, dans un rayon d’une trentaine de kilomètres : en format « cab », pour le transport de 1 à 6 passagers, en format « shuttle » pour le transport partagé de 15 passagers et demain, pourquoi pas, le bus autonome, pour accueillir un plus grand nombre de passagers.

Comment accélérer le déploiement de l’AUTONOM

Pour accélérer le déploiement des AUTONOMS et fluidifier la ville, nous devons agir concrètement, en renforçant notre collaboration avec les acteurs publics et privés. Il est important de ne pas oublier que nous sommes dans une course mondiale et qui concerne un sujet stratégique pour les états, les villes, les entreprises et les citoyens.

Mon premier point concerne l’évolution de la réglementation. En publiant en mars dernier un décret relatif à l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques (1), le gouvernement français confirme sa volonté de donner un cadre législatif aux expérimentations de véhicules autonomes sur route. Bien que nous nous réjouissions de la prise de conscience des enjeux, nous devons toutefois rester vigilants et nous attendons avec impatience l’entrée en vigueur des décrets d’application en janvier 2019, même si les délais de mise en œuvre nous paraissent très longs et de nature à retarder le déploiement. Or, plus nous réaliserons d’expérimentations et mettrons des véhicules sur la route, plus nous serons en capacité de démontrer au législateur la pertinence, la faisabilité et la sécurité du mode de transport autonome. Mais il ne faudrait pas que la France perde son avance sur le marché mondial du véhicule autonome, à cause de la lourdeur législative et administrative des conditions d’expérimentation. En effet, en France, les démarches administratives relatives aux expérimentations se complexifient : en plus du groupe « inter-administration sur le véhicule autonome » qui gèrent les dossiers, il faut maintenant consulter les mairies des grandes villes et les préfectures de police.

Avec la réglementation, vient la question de la responsabilité en cas d’incidents ou d’accidents. Sur ce sujet, les spécialistes s’accordent à dire qu’à terme, on s’orientera vers un partage de responsabilité entre le constructeur, l’opérateur de transport, le gestionnaire des infrastructures ou encore les autres véhicules en circulation. Selon moi, il faut aujourd’hui statuer sur la reconnaissance d’un statut juridique dédié au véhicule autonome.

La responsabilité soulève bien sûr la question de la sécurité. Pour garantir la sécurité à bord de l’AUTONOM, je suis persuadé que l’obligation d’avoir un opérateur à bord n’est pas la solution : ce dernier peut être distrait ou imprudent. Pour répondre à l’obligation de positionner un « superviseur humain », qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur du véhicule, nous travaillons à la mise au point d’un système de supervision proactive à distance en collaboration avec notre partenaire VALEO. Grâce à des outils de suivi et d’analyse, ce système pourra garantir que le superviseur est toujours attentif à la conduite et à la circulation.

Un autre levier d’optimisation porte sur la communication entre les véhicules autonomes et les infrastructures routières. Aujourd’hui, les routes ne sont pas suffisamment équipées, de capteurs ou d’antennes, pour communiquer en continu avec les véhicules en circulation. Le développement des technologies V2X (Vehicle-to-everything) va contribuer au développement des véhicules autonomes. La technologie V2I, basée sur le transfert d’informations d’un véhicule vers les systèmes susceptibles d’interagir avec celui-ci, permet d’optimiser ses opérations et d’anticiper de futurs évènements, comme le passage d’un feu au vert. Le véhicule peut ainsi adapter sa vitesse, améliorant lafluidité de la circulation. La technologie intègre également la communication V2V (Véhicule à Véhicule), V2P (Véhicule à Piéton) et V2G (Véhicule à Réseau), afin de permettre aux véhicules de communiquer entre eux et avec les infrastructures.

Sur ce sujet, soucieux d’optimiser la communication avec les infrastructures, nous collaborons notamment avec le Lacroix Group, spécialiste de la signalisation en France. Ensemble, nous développons un système V2I afin de connecter les feux tricolores avec les AUTONOMS pour anticiper les risques éventuels liés à la circulation. Notre partenariat est déjà opérationnel avec les Aéroports de Paris : à l’Aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, nos navettes autonomes communiquent de façon dynamique avec les feux de signalisation. Cette solution pourra être généralisée dans la smart city.

Toujours dans un souci d’améliorer la communication entre les AUTONOMS et leur environnement, j’ajouterais d’autres pistes d’optimisation qui me tiennent particulièrement à cœur. Afin de prévenir les risques de la circulation, nous pourrions par exemple envisager d’équiper les véhicules de services — police, ambulance, services techniques, etc. — de systèmes de connexion pour communiquer avec les véhicules autonomes. Avec les progrès réalisés par l’Internet des Objets (Internet of Things — IoT), nous pourrions même prévoir d’équiper les personnels avec des gilets communicants. Un moyen efficace de renforcer la communication avec les AUTONOMS.

Un progrès bénéfique pour la société et les citoyens

Quand beaucoup font des prévisions à très long-terme, j’ai pour ma part une vision très pragmatique du marché du véhicule autonome et de la ville du futur. Actif sur ce marché depuis 2014, j’ai toujours eu à cœur de développer mon activité industrielle de façon progressive et itérative, sans brûler les étapes, avec le souci de proposer des solutions réalistes et réalisables à court terme et à coûts maîtrisés.

Grâce à ces solutions concrètes, nous serons en mesure d’accompagner le développement des véhicules autonomes. C’est de cette façon, jour après jour, que nous parviendrons à fluidifier la ville et à redonner aux citoyens la maîtrise de leur espace et de leur temps.

(1) Décret n°2018–211 du 28 mars 2018 relatif à l’expérimentation des véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques. Avec ce décret, la France vient de donner un cadre législatif aux expérimentations de conduite autonome de niveau 4 (le véhicule peut effectuer des tâches ordonnées par le conducteur sans que celui-ci intervienne pendant la manœuvre).

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