Éco-terroristes, vraiment ?

Depuis quelque temps, on a vu apparaitre dans certains médias l’utilisation d’un “lexique de la terreur” pour qualifier les actions des militants écologistes. Mais quel est ce nouveau genre de terrorisme qui fait peur à nos gouvernements.

Иicolas BESSON
Nicolas Besson
7 min readSep 15, 2017

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Campagne d’action d’ALF contre la Close Highgate Farm (2008).

Le terme est originaire des Etat-Unis, où est née une partie de la mouvance écologiste à partir des années 1970. C’est d’abord le FBI qui avait appelé éco-terroriste les militants environnementaux radicaux qui commettaient des actes criminels et violents au nom de leur idées. Le terme a alors rapidement regroupé les animalistes, les écologistes et ce que le philosophe norvégien Arne Næss avait appelé les deep ecologist. C’est à dire ceux qui défendaient la valeur intrinsèque des êtres vivants, indépendamment de leur utilité pour les êtres humains. En 2006, le Congrès américain avait voté l’Animal Enterprise Terrorism Act qui visait à protéger les entreprises qui faisaient commerce ou/et utilisaient des animaux. Une tentative de protection des industriels de l’agro-alimentaires et des laboratoires pharmaceutiques, principales cibles des environnementalistes. Cette loi avait fait suite aux nombreux incidents qui avaient eu lieu sur le sol américain entre 1970 et 2006. Particulièrement le cas de Theodore Kaczynski, un tueur en série plus connu sous le nom de Unabomber. Celui-ci avait avait fait 3 morts et 23 blessés entre 1978 et 1995. Mais Ted Kaczynski n’était pas un tueur comme les autres. Sur-diplômé, il était mathématicien spécialisé dans le développement économique et fervent activiste écologique. Il est l’auteur d’un manifeste intitulé La société industrielle et son avenir. À l’intérieur, il explique comment l’homme a perverti toute forme de nature et comment la société industrielle a corrompu la race humaine. Il tente alors de montrer que la violence est une armes nécessaires pour détruire les bases économiques et technologiques de cette société à la dérive. Qu’elle est nécessaire à la revolution à venir. Dans ses notes personnelles, il met l’homme face à un choix :

“ Quelle violence a causé le plus de dégâts dans l’histoire de l’humanité ? La violence autorisée par les États ou la violence non autorisée, employée par des individus ? ”

La mondialisation et l’accès aux technologies de la communications ont désormais étendu les possibilités d’action pour ces groupes. Aujourd’hui, Animal Liberation Front (ALF), Earth Liberation Front (ELF), Stop Huntingdon Animal Cruelty (SHAC) font trembler les gouvernements. Des revues spécialisées ont vu le jour ainsi qu’une documentation riche, surtout aux USA. Là-bas, ils sont classés dans la listes des terroristes au même titre que Daesh ou Al-Qaïda. Mais est-ce vraiment comparable ?

Protestation contre la construction du Dakota Access Pipeline (DAPL). San Francisco, USA. (2016)

Pour Xavier Creltiez, professeur de sciences politiques à Paris, on utilise habituellement le mot terrorisme pour parler de génocides ou d’atrocités commises en période de guerre. Mais aujourd’hui, on s’en sert pour stigmatiser les écologistes et pour les assimiler à des terrorismes. Il faut d’ailleurs savoir qu’en France, l’article 421–2 du code pénale stipule que l’éco-terrorisme est :

“ Une action ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, le fait d’introduire dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel. ”

Quelque peu différent des État-Unis n’est ce pas ? Ceux qu’on appelle éco-terroristes semblent être ceux qui se préoccupent de cette loi. On se met alors à voir Total, Monsanto-Bayer et ces grands industriels qui détruisent la planète de jour en jour avec leurs produits chimiques et leurs hydro-carburants comme les vrais éco-terroristes. Malgré cela, la France (et particulièrement les médias français) se sont laissés avoir par cette novlangue venue des USA. On a vu fleurir dans la presse française des titres plus saugrenus les uns que les autres.

Il ne s’agit pas de critiquer le contenu des articles qui mettaient souvent en avant les limites de l’activisme ainsi que les problématiques qu’engendraient ces actions. Mais juste l’incapacité de certains à utiliser les mots justes. Il ne faut que quelque minutes pour trouver la définition légale d’ éco-terrorisme dans le code pénal. Mais bien-sûr, pour avoir de l’audience, il faut utiliser des termes et des titres toujours plus accrocheurs. Accentuant toujours plus la paranoïa constante et le climat de peur si propice au développement d’une novlangue qui nuit au débat démocratique. Aujourd’hui, on se retrouve avec des termes comme écocide qui évoque similairement la même chose que éco-terrorisme. Seulement, ce dernier a été tellement galvaudé qu’il va désormais de paire avec activistes environnementaux.

En France, depuis 2014, 2.000 agents des renseignements (anciens RG) espionnent les mouvements écolos et animalistes. Ils recrutent des activistes au sein même des organisations dans l’objectif de créer un nouveau fichier appelé FPASP (fichier de prevention des attentes à la sécurité publique). Aussi bien les activistes violents que les non-violents sont enregistrés sur ce fichier. Le plus intéressant, c’est que cette liste se place juste en dessus du fichier S (fichier de la sureté de l’État) dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps. De fait, les activistes du droit animal ou de la cause environnemental jugés vraiment dangereux sont automatiquement sur-classé dans les fiches S. Depuis 2015, les français peuvent être surveillés au nom d’un concept assez flou : “ La défense des interêt économiques, industriels et scientifiques de la France. ” Les zadistes de Notre-Dame des Landes sont, par exemple, étroitement surveillés par les services de renseignement français sous un concept toujours aussi flou de “prévention des violences collectives de nature à porter attente à la paix publique.” Alors qu’il faut savoir qu’ils habitent sur les terrains de Notre-Dame-des-Landes avec l’accord des propriétaires respectifs. Invraisemblable n’est-ce pas ?

Notre-Dame-des-Luttes, documentaire de Jean-François Castell, 2012.

Spécial Investigation traite de ces sujets avec le sensationnalisme qu’on leur connait dans deux reportages qui permettent de faire le point sur comment le gouvernement appréhende ces nouveaux militants. Pourtant, Jean-François Castell avait réalisé en 2012 un documentaire qui retraçait l’histoire de Notre-Dame-des-Landes et qui montrait que les zadistes dont on avait si peur étaient tout sauf des terroristes. Mieux, le reportage montrait tout un mouvement et une pensée qui s’était créés. Un mouvement multi-générationnel et multi-culturel qui était d’ailleurs fort intéressant à étudier.

Et des personnes essaient encore de faire passer ces gens là pour de futurs terroristes. En particulier Eric Denécé, qu’on a beaucoup retrouvé dans des interviews et qui véhiculait ce message, mettant sur le même pied d’égalité les islamistes radicaux, les zadistes et les organisations comme AFL/EFL. Pour lui, la menace la plus importante en France (après le terrorisme islamique) est celle des zadistes et des animalistes comme L214. Cela parait largement exagéré. Il considère même que tout changement ne peut se faire qu’avec radicalité et que c’est pour ça que les militants sont dangereux. Et souhaiterait des lois et mesures qui permettrait, comme aux USA, de mettre les activistes environnementaux en prison pour terrorisme au même titre que les djihadistes.

Il est aujourd’hui evident qu’il y aura une revolution environnementale. Sera-elle positive ou négative ? Est-ce qu’il y aura des violences ? Autant de questions auxquelles nous allons avoir des réponses dans quelques années. Comme l’article Chemtrails : la commission européenne répond le faisait remarquer, la crise environnementale est pour très bientôt et nous sommes très mal préparés. Les enjeux sont cruciaux et il y a fort à parier que la question du climat et de l’environnement va provoquer toujours plus de tensions. Aussi bien politiques que sociales. Et ces tensions se répercuterons sur nos modes de vie. Dés lors, ceux qu’on avait jusqu’a présent prit pour des extrémistes seront considérés comme des précurseurs. Et on verra tout ceux qui les avait déconsidérés se ranger de leurs côtés comme si ils l’avaient toujours été. Comme disait Flaubert, “ l’évidence vous aveugle quand elle ne crève pas les yeux.”

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Иicolas BESSON
Nicolas Besson

Journaliste Pluri-médias. Apprenti motion-designer. Passionné de vidéo et de savoirs. Photographe à mes heures. ex @EFJ_Officiel