Le manuscrit de Voynich décodé ?

Le manuscrit de Voynich, mystère linguistique depuis plus de 600 ans aurait été décodé ? Pas si sûr.

Иicolas BESSON
Nicolas Besson
5 min readSep 12, 2017

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Information assez peu relayée en France, mais le célèbre manuscrit de Voynich aurait été décodé. Un peu plus tôt la semaine dernière, Nicholas Gibbs, un médiéviste spécialiste des écrits médicaux du Moyen Age aurait fini par découvrir les secrets du manuscrit qui a résisté à tant de cryptologues et de linguistes.

Acheté par W. Voynich à un monastère italien en 1912, le manuscrit de Voynich est composé de 234 pages réparties en 20 cahiers de vélin. Bien que son écriture n’ait jamais été déchiffrée, on y distingue de nombreuses illustrations de ce qui semble être des plantes ainsi que quelques figures humaines. C’est pour ça qu’il a souvent été assimilé à un traité de médecine, une pharmacopée ou un livre d’alchimie. Une analyse au carbone 14 du vélin a daté le manuscrit entre 1404 et 1438. Malheureusement, l’encre n’est pas datable même si des corrélations ont été trouvées entre les pigments utilisés à l’époque et ceux utilisés dans l’encre du manuscrit. Dans un deuxième temps, des analyses linguistiques ont été pratiquées et bien qu’il y ait des hypothèses divergentes il semble que la plus vraisemblable soit que la langue utilisée se rapproche d’une langue non-européenne comme le chinois, le thai ou le vietnamien. De plus, même si le texte est cohérent avec la loi de Zipf (analyse de la fréquence des mots dans une langue) la traduction en soit du texte n’a que peu évolué ces dernières années.

D’autres pages du Voynich faisant éventuellement référence à des concoctions et à des rites de “bains.”

UN NOUVEAU DÉCODAGE ?

C’est le supplément littéraire du Times qui a publié l’article de Nicholas Gibbs le 5 septembre dernier. Celui-ci soutient qu’il aurait décrypté le manuscrit. Il l’a comparé à de nombreux autres écrits médicales médiévales comme De Balneis Puteolani et Materia Medica mais surtout avec le Trotulia, un manuscrit italien du XVème siècle qui aurait été largement plagié par l’auteur du Voynich et aurait repéré de nombreuses ressemblances entre ces écrits. Le chercheur en aurait conclu que le Voynich était lui aussi un traité de médecine. Dans un deuxième temps, il relève que le contenu des vélins concerne le soin des femmes (gynécologique et esthétique) et que ceux-ci étaient très courants à l’époque. Il faut noter que l’hypothèse du plagiat et de la nature du manuscrit a déjà été étudiée et discutée auparavant. Nicholas Gibbs est loin d’être le seul à avoir prétendument décodé le Voynich. En 2014, 2016 et 2017 certains avaient clamés avoir découvert - à tort ou à raison, de nouveaux éléments sur l’histoire du manuscrit.

Seul problème, les médiévistes et les spécialistes sont loin d’être convaincu. Premièrement, la moitié des thèses de N. Gibbs ne sont pas de son fait, et même s’il ne s’en attribue pas la paternité, le storytelling transparent derrière son article en souffre. Mais surtout, plus important encore, il livre seulement deux traductions au lecteur pour justifier de sa découverte ! Un peu court pour quelqu’un censé avoir décodé le manuscrit !

Les deux seules traductions (en latin) données par N.Gibbs dans son article.

De plus, il semblerait qu’il ait pris quelque liberté avec la traduction latine et que celle-ci soit tout sauf claire. Pour finir, il affirme qu’il n’a trouvé aucun nom de plantes dans le manuscrit de Voynich. Paradoxal non ?

Mais ne dénigrons pas N. Gibbs car il propose une nouvelle hypothèse dans les recherches sur le manuscrit. Même si il semble avoir fait fi de l’habituel relecture de ses paires qui est de vigueur en science pour que des arguments (et à posteriori un article) soient pris au sérieux (ce qui a fortement exaspéré les experts) il arrive toutefois avec une nouvelle théorie.

Extrait de l’article de N. Gibbs dans le Time Literary Supplement

Pour lui, le manuscrit n’est rien de moins qu’un manuel médical médiéval traitant de la santé des femmes. Cependant, pour expliquer notre incapacité à le traduire, il affirme que la langue utilisée dans le manuscrit est constitué de mots abrégés, une pratique courante à cette époque. Seul problème, il manque un index, normalement situé à la fin des manuscrits et qui permet de corréler les abréviations avec la signification des mots. On sait déjà qu’il manque des cahiers au manuscrit et le chercheur avance que les fameuses pages manquantes contiennent cet index. Mais comme en être sur ? Il semble que ce soit à lui d’apporter la preuve que l’index existe et non baser toute son argumentation sur un feuillet qui doit exister a priori. En ce qui concerne les illustrations zodiacales présente dans le manuscrit (et qui ont longtemps fait penser à un traité alchimique), il affirme simplement que l’astrologie était importante au Moyen-Age et que la position des planètes comportaient une grande importance dans la médecine de cette ère. Il s’agirait donc pour lui d’un ouvrage généraliste de médecine pour et sur les femmes constitué d’une compilation d’écrits plagiés.

Mais pas plus de traduction pour l’instant et tout le monde s’est encore emballé bien vite !

Quoi qu’il en soit, le manuscrit est loin d’être décodé et il ne nous reste plus qu’à profiter de l’effervescence qu’a provoqué cette nouvelle sur les réseaux sociaux en quelques tweets tout en patientant encore quelques années pour que le mystère soit, on l’espère, résolu.

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Иicolas BESSON
Nicolas Besson

Journaliste Pluri-médias. Apprenti motion-designer. Passionné de vidéo et de savoirs. Photographe à mes heures. ex @EFJ_Officiel