Régionales : les deux tiers des sondages publiés sont commandés par les candidat·es

Dans cette première phase de campagne, deux sondages publié sur trois sont commandés par les partis. Cela leur permet de tester des hypothèses et de maîtriser une partie de l’agenda médiatique.

Alexandre Léchenet
NSPPolls
4 min readMar 12, 2021

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Les élections régionales devraient avoir lieu au mois de juin 2021, mais dès juillet 2020, de premiers sondages paraissaient dans la presse. Ainsi, la Tribune commandait dès la fin du mois de juin 2020 un sondage au sujet de la région Auvergne-Rhône-Alpes se concentrant sur les choix d’alliances de l’UDI. Et en juillet, c’est un sondage commandé par le groupe Les Républicains à la région Île-de-France qui était publié.

Financés par l’équipe de campagne

Selon notre compilation, sur la vingtaine de sondages publiés depuis le mois de juin 2020 concernant les élections régionales, les deux-tiers ont été commandés par les équipes de campagne, puis ensuite communiqués à la presse. Cela ne permet pas, cependant, de connaître tous les sondages commandés, puisque certaines équipes ont pu commander les sondages et les garder pour eux, ou que d’autres n’ont pas été répertoriés par la Commission des sondages.

C’est Europe-Écologie-Les-Verts qui a commandé le plus de sondages publiés, suivi du Parti socialiste et des Républicains. « Conformément à la loi, chaque campagne a sa propre association de financement ; et même nos régions ont leur autonomie et leur personnalité juridique propre », précise néanmoins Julien Bayou, tête de liste EE-LV en Île-de-France et secrétaire national du parti. « Ce n’est pas EE-LV qui paie pour le sondage en Île-de-France, mais l’équipe de campagne Île-de-France. »

Différentes hypothèses

« Un sondage est souvent utile en début de campagne pour se faire une opinion », commente Julien Bayou. Ces sondages sont l’occasion pour les équipes de campagne de tester des hypothèses avec différent·es candidat·es, des alliances entre partis, ou de confirmer un rapport de force, en vue d’une négociation avec d’autres partis.

Premier exemple, l’été dernier : Cap Avenir — le micro-parti de Renaud Muselier, actuel président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et candidat à sa succession — a commandé un sondage à l’Ifop avec deux hypothèses : dans l’une, il était « tête de liste LR, MoDem, UDI » et dans l’autre, il était « tête de liste LR, LREM, MoDem, UDI ». L’une lui étant plus favorable que l’autre. Comment ce sondage a-t-il été utilisé ensuite par Cap Avenir ? Renaud Muselier n’a pas répondu à nos sollicitations.

Tester des têtes de listes

Deuxième exemple, en janvier : la République en Marche commande un sondage à Opinion Way testant la candidature, en tête de liste, de trois ministres (Jean-Michel Blanquer, Emmanuelle Wargon, Agnès Pannier-Runachier), du porte-parole du gouvernement Gabriel Attal ou du député du Val-de-Marne Laurent Saint-Martin. L’ensemble des hypothèses les place, dans le même ordre de grandeur.

Le sondage a été ensuite publié début février par Europe 1. Le journaliste insiste sur la seconde place du parti présidentiel. « Discrètement testés par l’institut OpinionWay pour les élections régionales en Île-de-France, les candidats de la majorité présidentielle arrivent en deuxième position, derrière la présidente sortante, Valérie Pécresse », peut-on lire. Il cite plus loin un « responsable macroniste » qui s’enthousiasme : « On pourrait ne pas être totalement ridicule. »

Le sondage commandé par le parti est donc l’occasion pour LRM de raconter une belle histoire, mais dans les faits, les scores estimés en janvier 2020 sont dans le même ordre de grandeur que ceux estimés par d’autres sondages dans la région. Fin août, le score de Jean-Michel Blanquer était même estimé entre 15% et 22% par l’Ifop dans un sondage commandé par Europe 1.

Agenda médiatique

La publication dans la presse des sondages commandés par les équipes de campagne permet donc d’influencer la couverture médiatique. Avec parfois un délai important entre la date de la réalisation de l’enquête et la date de publication.

Hervé Morin, président de la région Normandie, en 2017 (photo de Jacques Paquier)

Ainsi, un sondage réalisé pour le Parti socialiste par Opinion-Way pour la région Normandie, réalisé entre le 14 et le 19 octobre, a été rendu public dans l’Obs un mois plus tard, le 18 novembre 2020.

En réaction, un sondage plus favorable à Hervé Morin et commandé par le parti d’Hervé Morin a été publié par France 3 quelques jours plus tard, alors qu’il avait été réalisé en août 2020, trois mois plus tôt. Ces deux publications tardives ont valu des avertissements de la commission des sondages.

Autant de rappels que le nom du commanditaire d’un sondage et la date de publication sont des paramètres à prendre en compte lorsqu’on découvre des résultats.

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