Sondages : vers une plus grande transparence en 2022 ?

Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret, est à l’origine de la loi encadrant la publication des sondages d’intentions de vote. Il l’a améliorée, avant les élections de 2021 et 2022.

NSPPolls
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4 min readMar 10, 2021

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Jean-Pierre Sueur, tel qu’il se présente sur son compte Twitter

L’ancien secrétaire d’État et actuel sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur, est à l’origine d’une réforme pour rendre les sondages sur les élections plus transparents, mais dont le grand public a peu entendu parler.

Elle pourrait pourtant changer leur appréciation, voire l’impact de ces sondages auprès des électeurs. NSPPolls profite des avancées permises par cette loi pour proposer une compilation de sondages publiés, et les remettre en contexte.

Le sénateur retrace pour nous l’histoire de cette loi : « En 2011, j’ai fait une proposition de loi, adoptée à l’unanimité par le Sénat mais dont l’Assemblée nationale n’a pas voulu. Puis en 2016, dans la loi préparatoire à la présidentielle 2017 [il y en a une, formelle, avant chaque scrutin présidentiel, ndlr], adoptée le 25 avril, j’ai réussi à caser l’essentiel de cette loi. »

« Que dit-elle ? Que les médias ont pour obligation de publier le nom de l’organisme qui commande le sondage, la date de sa réalisation, ses résultats, évidemment, mais aussi la méthode choisie, les conditions dans lesquelles il a été réalisé, les sondés qui n’ont pas répondu… »

Et surtout, grande nouveauté, l’intervalle de confiance, appelé également marge d’erreur, que tout bon statisticien connaît bien mais que beaucoup de journalistes et commentateurs ne mentionnent pas, quand ils évoquent un sondage.

« Tout d’abord, tout dépend de l’échantillon, quand vous parlez d’un sondage, qui sera plus fiable si vous interrogez 1000 ou 2000 personnes, plutôt que 300, détaille Jean-Pierre Sueur. Car dans ce dernier cas, la marge d’erreur est immense. Pour 600 personnes interrogées, elle est de plus ou moins 2,5 points, jusqu’à 3 points ! »

Sans oublier que les sondages peuvent parfois être très éloignés des résultats finaux, comme le rappelle le parlementaire. « Je me souviens d’un sondage réalisé de cette manière pour les élections régionales de 2015, en Centre-Val de Loire [sa région, ndlr]. Le président sortant François Bonneau (PS) était donné battu de plus dix points au second tour… Il a finalement été réélu. »

Une réforme finalement adoptée en février 2021

D’où l’obligation faite aux instituts de sondage, depuis quelques années, de publier notamment l’intervalle de confiance… Si vous ne la voyez pas apparaître lorsque vous lisez une étude d’opinion dans les médias, c’est normal, car la loi est régulièrement contournée.

« On s’est trompé, reconnaît l’élu socialiste. Dans l’amendement, en 2016, nous avions écrit qu’il fallait indiquer la marge d’erreur lors de la première publication du sondage. Mais comme elle embête un certain nombre de médias, les instituts publient d’abord sur leur site… Sur lesquels personne ne va ! Ils se disent : “C’est la première publication, on a indiqué la marge d’erreur, on est ok avec la loi”, puis le vendent aux médias, sans obligation de l’indiquer de nouveau… »

Jean-Pierre Sueur a rectifié le tir, à la fin de cet hiver 2021. Il a un peu rusé, lui aussi. « J’ai fait passer un amendement dans la loi, promulguée le 22 février, sur le report des élections départementales et régionales en juin 2021, pour que la marge d’erreur soit inscrite dans “toute publication de sondage”, en lien avec ces élections. »

Précision également apportée dans la loi organique sur la prochaine élection du Président de la République, adoptée, début mars 2021. Au 9 mars 2021, cette loi n’avait pas encore été promulguée mais les marges d’erreur ont bien toutes les chances d’être systématiquement indiquées dans les prochaines enquêtes sur les intentions de vote liées à la présidentielle 2022.

Et le sénateur aimerait même aller un peu plus loin, à moyen terme. Obliger les instituts à afficher leur méthode de travail, les questions posées, l’ordre dans lequel elles l’ont été, les réponses aux questions non publiées (« Il y a un effet de halo : la réponse à la première question conditionne les autres », explique-t-il)…

« Les sondages sont partout en politique et ont eu des conséquences importantes, souvenons-nous de 2002 et de Jean-Marie Le Pen donné à deux points de Lionel Jospin deux jours avant le scrutin… Il faut la transparence totale. »

Bernard Babé

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