Les grandes organisations face à la Révolution Entrepreneuriale en 2017

En 2006, certaines grandes organisations pouvaient encore dire à leurs équipes : l’innovation n’est pas une priorité. L’innovation n’était pas toujours dans les valeurs des entreprises, ni dans les budgets, ni visible dans la vie de l’entreprise. En 2016, elles sont passées à l’action car la « Révolution Digitale » est passée par là, et quasiment toutes les grandes organisations ont compris que l’innovation, et leur mutation induite, était une condition de leur survie.

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9 min readDec 23, 2016

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Les télécoms en sont un bon exemple. L’arrivée de l’iPhone en juin 2007 a été un signal de réveil. Il a rapidement rendu obsolète des constructeurs majeurs, et désintermédié en partie les opérateurs dans la relation avec le client.

Certains groupes alors leaders, tels Nokia ou Blackberry en ont fait les frais, et plusieurs études montrent que la dynamique actuelle conduira près de la moitié des 500 premières entreprises mondiales à disparaître dans les 10 prochaines années, au moins de ce classement, ce qui est un rythme de renouvellement stupéfiant.

Les historiens retiendront de ce début de XXIè siècle la mutation profonde de l’économie ou les acteurs dominants ne sont plus les acteurs de l’industrie, de l’énergie et de la distribution physique, mais les fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) en occident et BAT (Baidu, Alibaba, Tencent) en Chine. Cette révolution est de même ampleur que la révolution industrielle du XIXème siècle ou celle de l’imprimerie au début de la Renaissance mais sur une échelle de temps accélérée.

Précisons ce qu’est « Révolution Digitale »

Toutes les organisations sont bien entendu équipées de mails, de web, de mobiles, et de systèmes d’information élaborés et performants : ce n’est plus l’enjeu.

On parle maintenant de la révolution des acteurs économiques rendue possible par les outils digitaux : abaissement exponentiel des coûts de développement des solutions, de stockage, de traitement, et de marketing, communication et distribution. On parle d’un monde où le rythme de production de datas est exponentiel, et où les acteurs dont c’est l’activité ont pris un rôle dominant dans la société ou dans leur secteur économique.

En fait, on pourrait tout autant parler de la « Révolution Entrepreneuriale » issue de cet abaissement des coûts, c’est-à-dire des millions de jeunes et moins jeunes entrepreneurs qui lancent leur start-up avec des coûts faibles et des ambitions immenses. Ils ont leur bible « The Lean Start-Up », avec sa méthodologie éprouvée : identifier un problème à résoudre sur un large marché cible, sourcer les besoins et les « insights » utilisateurs, prototyper, tester, et lancer un « minimum viable product », puis le « scaler » aussi vite que possible. Ils vont très vite car ils ont des ressources pour un temps limité, et ils sont souvent soumis de facto à une course avec leurs concurrents. Ils font confiance à l’intelligence collective en partageant leurs données et leurs problématiques avec tous leurs collaborateurs de façon à augmenter l’implication de chacun et leur contribution à leur résolution.

Statistiquement, certains réussissent en éclatant des chaînes de valeur et en bousculant fortement des acteurs établis : Uber pour les taxis, Blablacar pour les transports, Airbnb et Booking pour les hôtels, Criteo pour le marketing digital, Spotify pour la musique, Netflix pour la TV… et ce n’est bien entendu que le début car la tendance, s’accélère et s’industrialise. A ce rythme, ils seront probablement 20 fois plus nombreux en 2020.

Les accélérateurs de start-ups comme Y-Combinator ou NUMA sont des acteurs de cette industrialisation.

En sélectionnant des équipes s’attaquant à des marchés à fort potentiel, en leur donnant des méthodes, des relations qui font levier sur leur projet, ils sont aux côtés de centaines de start-ups et accroissent leur chance de réussir. Les fonds d’investissement leur font confiance et financeront plus volontiers une start-up qui en est issue, ce qui accroît ses chances de succès. Il y a maintenant plus de 200 accélérateurs dans le monde, une demi-douzaine étant, comme NUMA sur plusieurs continents.

Et cette « Révolution Entrepreneuriale » s’accélère : de plus en plus de datas sont disponibles (notamment via l’internet des objets), de nouvelles façons d’en extraire de la valeur émergent (notamment via des systèmes auto-apprenants comme le “deep learning“), de nouvelles architectures apparaissent (comme les Blockchains), ce qui élargit le champ de cette révolution. D’autres révolutions s’y connectent : celles des transports (véhicules électriques et autonomes, drones, spatial…), de la médecine (fort accroissement de la durée de vie grâce aux nouvelles technologies) et de l’énergie (qui tend à devenir propre et décentralisée), ce qui démultiplie le potentiel « révolutionnaire ».

Quels leviers pour les grandes entreprises depuis lors ?

La prise de conscience puissante des grands acteurs de l’économie sur cette (probablement mal nommée) “transition digitale” est liée soit à un impact déjà observé dans les indicateurs économiques, soit à des observations de leurs concurrents, des domaines qui leur sont proches ou de la Silicon Valley. La phase de déni et de deuil est passée pour la plupart d’entre eux et ils rentrent en phase action.

Ils ont des moyens et des savoir-faire très importants. Ils ont aussi des dizaines ou des centaines de milliers de collaborateurs qu’il faut accompagner dans cette transformation indispensable.

Accélération des cycles de développement

Cela suppose des équipes courtes, acceptant de lancer rapidement des produits pas encore parfaits. Cela suppose de savoir écouter sincèrement les besoins des utilisateurs finaux pour traiter leurs problèmes. Cela suppose de savoir s’affranchir des gros systèmes informatiques lourds. Cela suppose d’utiliser les mêmes outils et méthodes que les start-ups. Cela suppose de savoir « pivoter » rapidement. Cela suppose de concevoir des solutions rapidement démultipliables (“scalable“) et de savoir intégrer des méthodes de croissance malignes (“growth hacking“). Cela suppose souvent de transformer le cadre de travail car l’innovation rapide nécessite une collaboration accrue et des décisions rapides. Beaucoup de grandes organisations ont entamé cette accélération, mais il n’est pas toujours facile de reproduire le “sentiment d’urgence” des start-ups, lié au fait que leurs ressources sont limitées.

Ouverture de l’innovation (« Open Innovation »)

Notamment vers des start-ups, vers les fonds d’investissement Corporate, les accélérateurs de start-ups. Mais c’est aussi plus de collaborations avec d’autres grandes organisations, qui vont permettre de faire levier sur ses propres efforts. C’est la prise de conscience qu’il faut un « écosystème » pour réussir : aucune grande organisation ne peut plus réussir seule. Et que pour être accepté par cet écosystème, il faut avoir la bonne posture et lui apporter de la valeur, car il est silencieusement impitoyable pour les acteurs non contributifs. Les grands groupes ont énormément de valeur à apporter à leurs écosystèmes respectifs et beaucoup ont réussi cette étape.

Des initiatives sont mises en place chez la quasi totalité des acteurs aujourd’hui, avec une ambition et une réussite inégale, mais elles ont toutes commencé à produire des effets :

  • Mise en place d’organisations dédiées (“Chief Digital Officer“, Direction de l’Innovation…)
  • Structures de sourcing et d’accompagnement de projets avec des start-ups (Mises en place de Pilotes, Investissement via du Corporate Venture, Accélérateurs de start-ups sur leurs thématiques business…)
  • Mise en place de projets en mode start-ups : Hackathons, intrapreneuriat
  • Mise en place de start-up studios pour développer des projets en mode start-up
  • Ouverture des structures de R&D et innovation vers les start-ups, via des rencontres organisées, des challenges…
  • Mise en place de « Tiers-Lieux », espaces de rencontre ouverts conçus pour innover en mode agile et ouvert, à l’instar de Unibail, MAIF ou Renault.
  • Montée en puissance de l’innovation centrée sur l’utilisateur (« Design Thinking »)

Quand bien même les statistiques montrent que les grands groupes ont bien plus de chance de réussir que les start-ups quand ils lancent des nouveaux projets entrepreneuriaux, les retours sur investissement ne sont pas toujours mesurables et nous sommes encore au début de ces mises en place. Les grandes organisations sont généralement accompagnées par des structures comme NUMA dans la mise en place de ces projets.

L’écosystème européen ne fait pas qu’imiter l’écosystème américain.

Une de ses créations puissantes, c’est la collaboration accrue de grands acteurs sur des thématiques données pour résoudre des problèmes complexes ensemble et avec les start-ups. Le projet Datacity en est une illustration : une dizaine de grands acteurs de la ville se sont réunis pour définir une dizaine de problématiques complexes de la villes qu’ils proposent à des start-ups de résoudre.

Ces projets sont extrêmement puissants car les grands groupes ont l’occasion d’échanger entre eux sur des expertises fortes et complémentaires. Ils rentrent en collaboration sur des domaines non compétitifs et proposent aux start-ups, qui adorent, des problématiques et des jeux de données qui sont des terrains de jeu à fort potentiel de création de valeur. Ce type de dynamique collective n’existe pas encore de façon visible outre Atlantique.

Quel chemin reste à parcourir ?

Là où la plupart des acteurs européens sont encore en situation de rattrapage par rapport aux “GAFA” et autres organisations agiles :

Des organisations et les façons de travailler qui n’ont pas encore changé.

Les bureaux sont encore parfois fermés, les organigrammes pyramidaux et les agendas surchargés de réunions longues. Il faut encore plusieurs semaines ou plusieurs mois pour pouvoir faire ce qu’une start-up, ou un acteur agile fait en quelques heures. Une large majorité des équipes travaillent encore exactement comme il y a 10 ans ou plus. Il faut souvent trois semaines pour organiser une réunion avec les bonnes personnes, et 3 mois pour obtenir une décision ou des budgets même sur un projet stratégique, ou bien même attendre l’exercice budgétaire de l’année suivante.

L’enjeu de la « révolution digitale », c’est donc aussi la mise en place de nouveaux modes de travail, issus des start-ups, à une part significative de l’organisation, en commençant par les plus visibles.

Un de leviers facilement actionnable, c’est la transformation de l’environnement de travail, à l’instar de ce qu’a fait la Société Générale à son nouveau siège de Val de Fontenay, ou Adeo à son siège de Ronchin.

La collaboration avec les start-ups reste souvent en Europe à l’état de flirt…

…alors que les GAFA acquièrent des centaines participations dans des start-ups chaque année et font des dizaines d’acquisitions. Ce qui renforce leur capacité d’exécution, et crée une attractivité de l’écosystème californien inégalé et très vertueux. Il faut du volontarisme pour partiellement compenser en France cette attractivité. Google investit chaque année dans les start-ups plus que l’ensemble des 20 principales entreprises digitales européennes réunies, et en achète de très nombreuses. C’est pour acquérir des talents tout autant que des technologies et de l’agilité. En Europe, les acquisitions sont beaucoup plus rares, du fait de plusieurs facteurs : marchés cibles plus fragmentés ou « Not Invented Here ». Les équipes internes pensent parfois qu’elles sauront très bien développer la solution d’une start-up candidate au rachat pour beaucoup moins cher. Encore une fois, la valeur temps est insuffisamment prise en compte dans l’équation.

Ces deux mouvements doivent être synchronisés.

Un rachat d’une start-up a peu de chances de fonctionner si la culture du groupe qui la rachète est en décalage. Soit les dirigeants partiront très vite, soit la start-up reste indépendante et ne produira pas toute la valeur escomptée. De l’autre côté, un groupe a besoin pour évoluer dans son mode de fonctionnement d’intégrer des talents issus des start-ups.

Et en 2017 chez Numa ?

Nous sommes persuadés chez NUMA que ce sont les entrepreneurs qui ont un sens fort de leur mission qui auront un impact sur les problèmes complexes du monde à l’horizon 2030.

Car ils sont rapides et ont la bonne approche. Notre mission à nous c’est de les accompagner, de leur donner les outils et les connections pour y parvenir. Leurs méthodologies et leur sens de la mission peuvent aussi servir les grandes organisations.

Depuis sa fondation il y a 3 ans, NUMA a accompagné plus de 120 organisations dans cette Transition, Digitale et Entrepreneuriale, avec la forte conviction qu’il faut d’abord agir sur la culture. NUMA a accompagné de nombreuses entreprises pour innover comme des start-ups (Intrapreneuriat, Start-Up Studio) ou avec des start-ups (Accélérateurs Thématiques).

Pour encore mieux accompagner ses partenaires dans cette transition des modes de travail, NUMA a décidé d’aller plus loin en 2017, avec quelques initiatives :

  • En créant “ NUMA Learn“, une offre de formations à destination des grandes entreprises qui veulent se transformer, avec pour objectif d’accompagner non seulement les équipes de précurseurs, mais aussi les milliers de collaborateurs dont les méthodes de travail sont amenées à évoluer.
  • En créant “NUMA Factory” pour proposer aux Grandes Entreprises ses outils, dont la première illustration est « Selecteev » qui permet aux starts-up ou à des équipes de postuler à des challenges ou des selections.
  • En lançant l’accélération thématique, en mode “multi partenaires”. NUMA Mexico lance dès janvier un accélérateur sur le sujet HealthCare avec des partenaires publics et privés prestigieux, c’est une première et cela permet de développer des expertises et des partages sur des domaines qui nécessitent une spécialisation.
  • En répliquant le succès de Datacity à Paris et Casablaca dans d’autres villes car nous avons la profonde conviction que ce type de collaboration fait énormément de sens ailleurs dans le monde.
  • En répliquant Datacity sur de nouvelles thématiques, notamment le domaine passionnant du SmartCampus.

L’équipe de NUMA a pratiquement doublé en 2016, et nous continuons de recruter en 2017… ceux qui seront les acteurs de cette passionnante transition, dont nous souhaitons faire de NUMA une entreprise exemplaire :).

Jean-François

Originally published at paris.numa.co on December 23, 2016.

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Le coaching d’une génération d’entrepreneurs nous a appris une chose essentielle : la seule compétence indémodable, c’est de savoir travailler.