Mission impossible recherche équipe agile : l’histoire du wifi dans les TGV

Dans le cadre du cycle #ReinventWork produit par l’ACSEL et NUMA en partenariat avec TalentSoft, NUMA a accueilli mardi 10 avril la quatrième matinée de débats et conférences, autour du thème : “Succès et performance : le rôle des soft skills”.

Noémie Kempf
NUMA
6 min readApr 19, 2018

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Comment mettre les compétences intangibles de chacun au service de la performance collective? Comment créer un environnement favorable à l’expression des soft skills de chaque collaborateur? Quel rôle pour le Manager dans ce contexte?

David Leborgne, Chief Digital Officer du Groupe SNCF, a introduit le sujet en contant, étape par étape, l’histoire d’un défi de taille : celui du déploiement du wifi dans les rames de TGV SNCF.

Nous sommes le 17 Octobre 2014. Dans la plupart des villes en France, le WIFI est alors une technologie considérée par les usagers comme une commodité, un acquis. Plus généralement, le numérique et la digitalisation des services sont un véritable enjeu de société, appuyé et porté par le gouvernement français. Axelle Lemaire, fraîchement nommée Secrétaire d’État chargée du Numérique et de l’Innovation, poste un tweet interpellant la SNCF :

Toc toc toc, la SNCF : on peut se voir pour discuter wifi dans le train? Merci d’avance! ;-)

Le tweet fait le tour du net, le ton est donné. Fin 2015, la SNCF est officiellement missionnée d’installer le wifi dans tous ses TGVs, avec pour échéance fin 2017. Un challenge pour le moins draconien au vu des ressources à engager et de l’échelle de la mission : plus de 300 rames à équiper, l’installation de la fibre optique, 18 milliers d’antenne-relais à implanter tous les 3km le long des rails, plus de 1500 heures de travail et une immobilisation de 4 jours par rame, le tout dans une structure se déplaçant à plus de 300 km/h. De quoi faire peur avant même de s’être lancé!

David Leborgne revient sur le constat pessimiste réalisé à l’époque par la SNCF : il est absolument impossible de déployer le wifi, comme le demande le gouvernement, en suivant les modes de fonctionnement traditionnelles en vigueur au sein du groupe. Pour assurer une sécurité des passagers et une qualité irréprochable des opérations, une décision, un projet, une proposition, … sont vérifiés trois fois avant d’être validés — la culture du “top down” est forte, et les agents sont habitués à exécuter des tâches précises dans un domaine d’expertise précis. Les concepts d’équipe agile aux compétences transversales, ou d’esprit startup ne sont pas encore au coeur du débat, et le niveau d’expertise exigé par les métiers du transport ferroviaire n’encourage pas les collaborateurs à capitaliser sur leurs soft skills.

Le sujet est repris par le technicentre industriel de Bischheim, en Alsace. L’équipe sur place, menée par Alain Praxmarer, a deux ans pour relever le défi. Malgré les peurs des collaborateurs d’échouer dans cette entreprise, comme le souligne David :

“l’innovation naît de la contrainte”

Chroniques d’une équipe qui a su repousser ses limites, étape par étape.

L’équipe du technicentre de Bischheim

ÉTAPE 1 : ouvrir les chakras

Un management éclairé : l’individu au service du groupe

La première action d’Alain est d’inviter et encourager chacun à soumettre ses idées. Les agents seront le levier du changement, et chacun est invité à faire preuve d’audace dans ses suggestions.

Quelles sont les compétences sollicitées?

Du côté des équipes opérationnelles, c’est la créativité et la curiosité que l’on met en valeur. Chacun est appelé à sortir de sa zone de confort, et à se challenger en appréhendant un problème auquel personne n’a pour l’instant la solution, et qui ne sera résolu que par une solution collective.

Du côté des managers, c’est une nouvelle posture à adopter : lâcher prise, et faire confiance à ses équipes. Encourager, écouter et aiguiller plutôt que donner des directives dans une approche “top down”.

Plus globalement, l’équipe a pour objectif de remettre l’humain au centre du process, pour pouvoir avancer et s’adapter en continu aux contraintes et aux inattendus.

ÉTAPE 2 : engager un changement de posture pour chacun

La singularité au service du collectif

L’initiative et le travail “en mode projet” nécessite également une modification des habitudes de travail de chacun : au-delà de solliciter des compétences individuelles et techniques (“hard skills”), c’est la capacité d’apprentissage et le travail d’équipe qui sont valorisés.

Chaque collaborateur doit se réinventer au sein du groupe, et contribuer à faire grandir les autres, tout en cultivant sa propre curiosité. David Leborgne témoigne des transformations observées chez les membres de l’équipe :

  • David, agent de production, a développé hors de son cadre professionnel des compétences de développement, il devient rapidement le référent digital de l’équipe
  • Lionel, agent de méthode, a imaginé les outils collaboratifs utilisés quotidiennement pour assurer le suivi du projet
  • Florian, référent technique, a développé et conçu une architecture wifi simple pour intégration rapide dans chacune des rames
  • Eric, agent d’encadrement, novice sur le sujet du digital, a pu acquérir grâce au “reverse mentoring”, de fortes compétences sur le sujet, pour se l’approprier entièrement

Rapidement, le projet trouve un écho au sein du groupe, le sujet s’ouvre à d’autres équipes et de nombreux collaborateurs se proposent spontanément d’y contribuer.

Quelles sont les compétences sollicitées?

Du côté des équipes opérationnelles, la qualité clé assurant le succès du projet est la capacité de chaque individu à apprendre en continu : faire preuve de curiosité, pour challenger ses acquis et découvrir de nouveaux outils.

Du côté des managers, le succès de la dynamique d’équipe repose sur deux éléments : un environnement de confiance, pour permettre à chacun de se lancer, mais également la valorisation de l’apprentissage, pour mettre en place un contexte de “peer mentoring”, dans lequel chaque membre de l’équipe partage ses découvertes, ses idées, ses apprentissages, pour faire grandir le groupe.

ÉTAPE 3 : déployer une solution de manière agile

Transparence et adaptabilité

Le moment de la mise en production arrive : il s’agit désormais de rendre chaque rame opérationnelle en quatre jours, ce qui implique de mobiliser les 300 parties prenants du projet, d’effectuer des validations jour et nuit, d’aller vite, mais pas au détriment de la qualité des opérations.

L’équipe s’organise, s’équipe d’outils digitaux pour suivre l’état d’avancement de chaque projet en continu, et instaure une transparence absolue sur les tâches et le statut des projets de chacun. Les échelons décisionnels sont abolis dans la mesure du possible, renforçant l’autonomie, la rapidité d’action mais également les responsabilités de chaque collaborateur.

Quelles sont les compétences sollicitées?

Pour les collaborateurs comme pour leurs managers, le déploiement d’un projet de manière agile requiert avant tout de l’adaptabilité. Adaptabilité pour les équipes opérationnelles qui doivent exécuter des tâches sur un modèle nouveau, mais aussi pour les managers, qui doivent apprendre à utiliser de nouveaux outils de pilotage digitaux. Cette adaptabilité s’accompagne d’un fort niveau de transparence, essentiel au succès de la mission.

Mission accomplie pour la SNCF

Fin 2017, l’équipe a atteint son objectif impossible : le déploiement touche à sa fin et les rames sont équipées. Plus de 33 000 voyageurs par jours accèdent au réseau wifi mis à disposition durant leur trajet. Le technicentre de Bischheim est érigé en centre d’excellence reconnu et les chroniques du succès de la mission ainsi que les apprentissages de l’équipe sont diffusés en interne, portés par des managers convaincus de la nécessité de renforcer l’autonomie des équipes.

Les soft skills, clef de voûte de la transformation digitale

La conviction transmise par le témoignage de David Leborgneest claire : les soft skills permettent de se transformer en tant que groupe, par l’adoption d’une approche “bottom up”. Capitaliser sur la capacité de chaque individu à être force de proposition pour améliorer des process, des solutions, des produits, plutôt que de s’enfermer dans une tour d’argent décisionnelle et s’appuyer sur des analyses de marché théoriques.

Le manager n’est plus un dépositaire du savoir et de l’expérience, il a vocation à comprendre les qualités inhérentes à son équipe, et à contribuer à la croissance personnelle de chacun de ses membres.

La transformation des organisations dans ce sens est un enjeu majeur de leur futur : plus l’incertitude grandit, plus les compétences liés à l’intelligence collective, l’adaptabilité, l’agilité sont cruciales pour savoir naviguer dans un environnement complexe.

Chez NUMA, nous sommes convaincus que les soft skills sont un élément fondamental du succès des équipes innovantes. Tous nos programmes et formations sont pensés pour renforcer ou développer des compétences techniques en permettant de pratiquer l’agilité, l’entrepreneuriat, la créativité et la collaboration en équipe.

Le cycle #ReinventWork est réalisé par L‘ACSEL et NUMA en partenariat avec TalentSoft.

Si vous souhaitez être tenu(e) au courant du prochain événement #ReinventWork, n’hésitez pas à vous inscrire sur ce lien

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Noémie Kempf
NUMA

Storyteller & Brand Strategist. Also meme addict 💎, travel enthusiast 🌏, and part-time nerd 🤓.