Inventer l’ère post-commentaires
Les commentaires sur Internet sont épouvantables. Malgré ça, je continue à les lire. D’ailleurs, on ne compte plus le nombre de médias qui décident de les ignorer, les cacher, les déporter (sur Facebook, au pire) ou encore, tout simplement les supprimer. Les médias ont peur des commentaires, considérés comme un « bug ». Pourquoi ne pas « fixer » ça ?
Blâmer les trolls, les spammeurs et les bots ne fait rien avancer. Rien. Lorsque nous avons mis en place le Projet N, la ré-invention de toute une marque média en ligne, nous avions pourtant l’intime conviction que la communauté devait être un argument essentiel.
Inventer l’ère post-commentaires
Inventer l’ère post-commentaires est, je le reconnais, un poil prétentieux. Mais à y réfléchir, être prétentieux n’est qu’un symptôme d’un problème qui demande de l’ambition. Et nous avons l’ambition de faire avancer le schmilblick, en encourageant l’engagement et en mettant en avant la qualité des contributions.
MetaFilter, Quora, Reddit, Stack Overflow… Ce sont communautés qui m’ont fait comprendre que l’on pouvait faire des commentaires, un vrai argument. Ce type de commentaires, dans lequel un lecteur rapporte un fait personnel ou une anecdote d’une manière telle que le commentaire lui-même peut être autonome en dehors de tout contexte de la discussion. C’est ce que l’on appelle des histoires.
Ces communautés encouragent la narration, avec à la fois une identité forte et une masse critique d’utilisateurs. Mais, ils partagent des histoires… parce qu’ils se regroupent en communautés. Ce qui est en contraste avec la plupart des sections de commentaires que l’on peut trouver sur le web, même sur YouTube, malgré de très nombreux utilisateurs : on ne retrouve sur ces plateformes aucun sens de la communauté.
Finalement, le véritable enjeu, c’est la construction d’une véritable identité pour une communauté. Le commentaire d’un utilisateur, face à la connaissance des autres utilisateurs et dans un environnement éditorial précis, va pouvoir obtenir un véritable sens.
Autre point qui me semble important : comme une société ne se construit pas autour de valeurs, une communauté ne peut pas s’en passer. Elle doit prendre des décisions à ce sujet et nous devons les y encourager.
Nous avons beaucoup d’idées pour Numerama, beaucoup de choses à expérimenter. Nous avons donc repensé les discussions en ligne, en se focalisant dans un premier temps sur les outils. Pour cela, nous avons choisi Discourse, un des moteurs de discussions les plus modernes et les plus agiles. En donnant un espace pour discuter et en mettant à disposition les outils pour qu’ils racontent leurs propres histoires, nous souhaitons que les utilisateurs expérimentent des usages auxquels nous n’avions même pas pensé. En pratique, les outils techniques dédiés aux lecteurs sont très proches de ceux des journalistes.
Nous avons aussi voulu changer la manière de discuter autour d’un article, la rendre bien moins linéaire. Comme les notes sur Medium, “les discussions” seront déployées assez vite sur Numerama, elles font partie des prochaines fonctionnalités. Elles sont, pour nous, l’un des meilleurs moyens d’améliorer l’écriture. Elles ajoutent des informations complémentaires précieuses. Elles intègrent à l’article de nouveaux points de vue. Elles laissent les lecteurs se connecter aux idées des journalistes et suggérer des sujets à traiter.
Nous allons également laisser la possibilité aux lecteurs d’ajouter des discussions privées à un article, qui seront un moyen unique de discuter directement avec l’auteur. Un échange de point de vue, de l’information complémentaire ou un simple remarque pour la correction d’une faute (l’erreur est humaine) : elles enrichiront les contenus de Numerama.
Les histoires amènent les gens à se confier, nous avons donc voulu donner la possibilité de créer des sujets liés à d’autres discussions, au sein de discussions mais aussi dans des articles.
Nous avons également voulu intégrer fortement les discussions au sein de chaque univers. Techniquement, cela passe par une intégration lourde entre Wordpress et Discourse, les deux plateformes que nous avons utilisées. En termes d’ergonomie, les choses se compliquent rapidement et il a fallu constamment se remettre en question par rapport aux limitations techniques, qu’il faut toujours essayer de gérer avec du recul.
Le résultat en ligne aujourd’hui n’est pas satisfaisant à 100%, mais il devrait l’être dans quelques semaines, après des corrections techniques, quelques ajouts de fonctionnalité et surtout une fois que les lecteurs lui auront donné vie.
Inventer l’ère post-commentaires n’est pas une partie de plaisir, mais c’est vraiment excitant : n’hésitez donc pas à y prendre part et nous dire ce que vous en pensez, nous soumettre vos idées et lancer des réflexions communes sur l’évolution de notre plateforme. Ce serait bien triste d’inventer quelque chose pour les lecteurs sans les lecteurs.
Je l’ai mentionné plus tôt, je lis des commentaires. En fait, je lis beaucoup de commentaires. J’ai donc hâte de vous lire.
