Monsieur l’agent

Randrianandrasana Herizo
On Madagascar
Published in
6 min readFeb 18, 2017

J’avais toujours envie eu de vous partager cette histoire. Je n’ai seulement eu le temps de l’écrire et la publier qu’aujourd’hui. Le récit parlera en général de mon voyage entre la capitale et Antsirabe dont Monsieur l’agent en est l’acteur principal.

La plupart de toutes les grandes villes sont réputées pour leur émission de gaz à effet de serre, bouchon et insécurité. Antananarivo n’échappe pas à ces préjugés, l’embouteillage fait partie intégrante de son identité. En fin de compte, ce n’est peut-être pas aussi grave que cela puisque tout à l’air de fonctionner à merveille! Quand je suis coincé dans une file de rangée de voitures, je trouve toujours quelque chose pour occuper mon esprit. Le plus dur, c’est de passer une dizaine de minutes dans un tunnel où l’air déjà pollué devient chaud et suffoquant. J’ai remarqué que cette ville regorge d’anciennes voitures, des années 70 selon Fabien un ami à moi. Je ne sais pas si ce n’est qu’une impression car je ne me connais pas trop en la matière. Peut-être que ce sont juste des voitures mal entretenues mais je sais tout de même reconnaitre les vielles et nouvelles carrosseries. Les policiers qui sont sensés régulariser la circulation sont souvent absents, en train de boire leur bière avec leur co-équipier ou bien trop occupés à vider le portefeuille d’un chauffeur pris au dépourvu. Je m’excuse si je ne porte pas en moi une très bonne image de ces gens-là mais c’est ce que je vois et laissez-moi vous raconter mon voyage entre Antananarivo et Antsirabe car depuis le sommet de la francophonie en novembre 2016, les gendarmes et les policiers ornent les bordures des routes.

Fasan’ny Karana, les mpanera et les marchands ambulants

Si vous n’avez pas de voiture particulière, il faut aller à Fasan’ny Karana, dit littéralement cimetière des Indiens, la gare des taxi-brousse. On l’appelle ainsi parce que cet endroit fut la place où les Indiens incinéraient leurs morts. Il regorge de vies car marchands ambulants, mendiants et tireurs de charrette animent tous les coins, gargotes, taxiphones, vendeurs de films et chansons ornent toutes les bordures des chemins… Je ne connais pas la station d’il y a une dizaine d’années mais aujourd’hui, la place est très mal entretenue. En été, Il y est très difficile de poser vos pieds sans vous prendre de la boue noire et puante sur vos chaussures. Les voitures sont garées n’importe comment et le seul charme du stationnement est le désordre. Pour ceux qui ont besoin de s’organiser à l’avance, on peut y trouver les stands de toutes les agences et y réserver les places ou acheter un billet. Moi, je fonctionne autrement. Je ne fais aucune réservation, je vais là-bas le jour même de mon départ car je sais que je vais trouver rapidement une voiture grâce au Mpanera, les sortes d’agents ayant pour fonction de ramener des voyageurs pour les chauffeurs de taxi-brousse. Des courtiers si vous voulez! Ils grouillent par millier! Ils sont parfois agaçants mais bon, il suffit de bien faire attention aux bagages. Ils sont capables d’arracher vos sacs de votre main, bien sûr sans intention de les voler mais de les ramener dans la voiture avec laquelle ils travaillent. Ils font cela car ils craignent que vous alliez dans d’autres voitures pourtant on devrait avoir le choix. Une fois vos sacs entre leurs mains, vous êtes obligés de les suivre. Il y en a qui attrapent votre main et crient auprès de vos oreilles que leur voiture parte sur le champ pour vous persuader de monter à bord. Une fois que vous avez votre place et que vous commenciez à vous impatienter, mille personnes vont venir vous tenir compagnie. En effet, les marchands ambulants vont passer devant vous et vous proposer d’acheter tout un tas de truc: amuse-gueules, jus, yaourt à boire, films en cd et dvd, lunettes de soleil et de vue, montres, lampes de poches et diverses batteries, des écouteurs et encore des millions de petites choses que je ne saurai pas tout dire.

Les billets de mille

On en parle souvent mais personne ne réagit ni dénonce ce fléau qui empoisonne notre système éducatif, politique et social: la corruption. La dernière fois que j’ai fait le voyage entre Antananarivo et Antsirabe, j’étais très choqué même si cela paraissait normal pour le chauffeur. Avant de quitter Antsirabe, notre chauffeur fait de la monnaie. Il confectionne alors des billets de mille Ariary et il les dépose près du volant. Devinez pourquoi! On s’arrêtait au moins dix fois pendant le trajet au moment où les gendarmes et policiers font leurs contrôles. Ils demandent les papiers à notre conducteur et ce dernier prend un billet, le cache et le met en dessous des papiers à vérifier. Les deux personnages sourient mais le contraste de leurs sourires explique bien de choses. Celui de monsieur l’agent est un sourire un peu menaçant tandis que celui du conducteur est plein de craintes. Et c’est à ce moment-là que monsieur l’agent demande pour les nouvelles comme s’ils se connaissaient déjà. Notre conducteur répond alors: « Ah, rien de spécial, nous sommes en été et la vie est difficile ». A chaque fois, on voit se répéter le même scénario. A environ 80 kilomètre de notre destination, le chauffeur était à cours de billets de mille. Il demande aux voyageurs s’ils en ont à prêter. A son malheur, personne n’en avait. Il devait donc donner des billets de deux mille Ariary. La somme n’est peut-être pas très élevée mais je trouve que c’est honteux et pas digne du tout d’un fonctionnaire qui prétend être le représentant des forces de l’ordre. Je n’ai pas de photo car il est un peu difficile d’en prendre une sans se déplacer et souvent je suis au fond entre trois personnes.

Vous pouvez commenter et dénoncer les pratiques de la corruption. Que le monde entier sache qui sont les véritables dépravateurs de notre mentalité :)

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