Artiste et légende : toujours compatible ?

Angélique
On the road to journalism
4 min readDec 12, 2017
Le corbillard transportant le cercueil de Johnny Hallyday face à la foule sur les Champs-Elysées.

C’était dans la nuit du 5 au 6 décembre. Johnny Hallyday décède à l’âge de 74 ans. Le chanteur français a été vaincu par un cancer du poumon. Dès l’annonce de la nouvelle, c’est le choc : télévisions, radios et sites Web multiplient flashs et éditions spéciales, rétrospectives et témoignages. Une couverture médiatique qui s’est prolongée toute la semaine, avec comme point d’orgue les funérailles de l’idole des jeunes à Paris samedi 9 décembre. Un million de personnes dans les rues de Paris. Presque l’équivalent de Belges devant leur écran.

Un tel dispositif et de telles réactions deviennent de plus en plus inhabituels dans le monde des médias. D’aucuns diront que le taulier ne l’avait pas volé, au regard de sa longue et dense carrière. L’hommage à un symbole, voire même à une légende. A tel point que l’on s’interroge : au cours de ces dernières décennies, la donne a changé. Internet, téléréalités,… le contexte a véritablement évolué pour les artistes du XXIème siècle.

Alors, connaîtrons-nous un jour une nouvelle légende ?

La question peut paraître saugrenue. En effet, nul ne peut prédire l’ascension fulgurante d’un artiste ni sa consolidation dans le coeur des fans. Mais elle laisse pensif : entre la seconde moitié du XXème siècle et aujourd’hui, un monde a changé : internet a débarqué dans nos foyers, les télé-crochets se sont démultipliés… Mais d’autres personnalités, à caractère plus universel, demeurent. Pour Eric Laforge, animateur sur Classic 21 et expert musical, peut porter le titre de « star » celui qui est capable de se distinguer par la longévité de sa carrière, mais aussi par l’émotion que suscite sa musique dans le cœur du public. Une particularité que l’on retrouve moins dans d’autres arts.

“Si vous enlevez le coiffeur, le maquilleur et l’habilleuse, il ne reste plus rien.”

Cette citation de Roger Glover, ironique, reflète une réalité bien actuelle : si le physique a toujours joué un rôle dans le succès d’un grand nombre d’artistes, il semble avoir pris le pas sur leur talent. La faute au système : dès leurs débuts, ils sont invités à se produire à la télévision, média qui joue tout… sur l’image. Bien-sûr, les télé-crochets notamment ont toujours existé et révélé de nombreux talents : tout se complique lorsque les producteurs misent tout sur la beauté des chanteurs, critère bien plus artificiel que la qualité vocale.

Un deuxième élément qui joue contre les artistes d’aujourd’hui, c’est Internet : au siècle dernier, personne ne connaissait rien de l’intimité de sa star préférée, sauf à travers l’objectif de quelques paparazzis obstinés, les rendant inaccessibles, mystérieux. Aujourd’hui, nombre d’artistes n’hésitent plus à étaler leur quotidien sur les réseaux sociaux au point de se démystifier : à force, le public perd de la magie qui entourait le personnage, qu’il associait à une sorte de conte de fée.

Un essoufflement des légendes du XXIème siècle, vraiment ?

Serena a 21 ans. Sa star préférée, c’est Beyoncé. La chanteuse américaine a, au cours de sa carrière, réussi à mobiliser des millions de fans à travers le monde. La jeune fan détaille les ingrédients du succès de son idole, qu’elle qualifie de véritable légende.

Mais Beyoncé, c’est aussi une stratégie de communication : malgré un compte Instagram suivi par plus de 109 millions de followers, l’artiste n’y dévoile que très peu de moments de sa vie privée. Cela construit et nourrit une certaine aura de mystère autour du personnage qui n’est pas à en déplaire à ses fans. Un destin parallèle à celui d’Adele, dont l’album 21 a été vendu plus de 20 millions de fois à une époque où l’industrie du disque souffre particulièrement.

Emotions, longévité mais aussi physique et communication participent à la force du succès des artistes aujourd’hui. Mais seul l’avenir lèvera le voile sur de potentiels nouveaux mythes de la chanson ou du cinéma. Toujours est-il que, quelle que soit la période, tous ces artistes devenus légendes au cours de leur carrière partagent un point commun non négligeable : celui d’avoir fondé un mouvement particulier. Eric Laforge cite l’exemple de Kurt Cobain, leader de Nirvana et dernier fondateur du mouvement grunge dans les années 1990 : “Depuis, plus aucune innovation n’a vu le jour, les artistes se cantonnant aux genres de musique actuel. Conséquence, plus aucun artiste ne s’est réellement démarqué ces derniers temps, du moins au point de parler de légende”. Jusqu’à la naissance d’un nouveau du genre, peut-être.

Rédigé initialement dans le cadre du cours de gestion d’une rédaction, en collaboration avec Kimberly Texier et Odile Vanhellemont.

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Angélique
On the road to journalism

IHECS Alumna, journaliste, médiaphile et future écrivain en herbe. Peut-être.