Une LEZ à Anvers, un an après : un modèle qui a encore beaucoup à prouver

Angélique
On the road to journalism
5 min readAug 6, 2018

En mars 2017, Anvers est devenue la première ville belge à instaurer une Zone à basse émission : l’objectif, empêcher progressivement les véhicules diesels de circuler dans le centre. Quel bilan tirer de cette mesure plus d’un an après sa mise en place ? Reportage -écrit ou vidéo- dans le fief de Bart de Wever.

Bruxelles Central, 8h00. Comme tous les jours en heure de pointe, le monde envahit le train en direction d’Anvers Central. Entre deux navetteurs déjà plongés sur leur ordinateur, nous croisons Alison : cette étudiante à l’université de la plus grande ville flamande ne prend pas nécessairement le train par choix. « La voiture que mes parents m’ont offerte pour mon permis de conduire est trop vieille : je ne peux plus entrer dans Anvers sans risquer une amende. Et puis, sur la route il y a pas mal d’embouteillages : je dois avouer que mon trajet est plus rapide en train. »

A Anvers, la Zone à basse émission contourne les principales autoroutes et s’étend jusqu’à la Rive gauche de l’Escaut. ©Moniteur Automobile

Alison n’est pas la seule à avoir dû laisser sa voiture au garage : en 2017, Anvers a innové en instaurant une Lage emissiezone (LEZ) ou en français une Zone à basse émission. Cette surface, étendue sur 20 km2, couvre le centre-ville et la Rive gauche de l’Escaut, à l’ouest du chef-lieu anversois. L’objectif de l’époque : diminuer un taux de pollution parmi les plus élevés en Europe, principalement causé par les voitures. Désormais, seules les voitures répondant aux normes Euro 3 à 6 peuvent pénétrer dans la ville : ces normes, qui correspondent à des dates d’immatriculation, sont généralement indiquées sur votre carte grise. En pratique, si votre véhicule diesel a plus de dix ans et que vous décidez malgré tout de braver l’interdiction, vous risquez une amende jusqu’à 125 €.

Un an passe, les divisions persistent

Un an plus tard, la mesure tient-elle tenu ses promesses ? Si vous circulez souvent dans les rues anversoises, peut-être remarquerez-vous aussi un certain contraste entre le centre et les axes périphériques à la zone. En effet, une fois éloigné de l’immense gare d’Anvers Central, piétonnier et pistes cyclables dominent les alentours. Une diminution de voitures qui s’étend jusqu’à la rue commerçante… ou presque. Par exemple, à certains carrefours, les fumées de bus, voitures et motos, qui semblent souvent déjà bien âgés, se mélangent aux poussières des grands chantiers qui envahissent le centre-ville. Quant aux sorties d’autoroutes à hauteur de la gare d’Antwerpen Zuid, de l’autre côté de la ville, les voitures s’additionnent et les particules s’accumulent, sous des panneaux LEZ pourtant très visibles.

Ces panneaux, indiquant l’entrée dans une LEZ, se comptent par dizaines aux sorties de route près d’Anvers Sud. ©Angélique Stassin

Direction à présent l’allée du Meir. Dans la principale concurrente de la Rue Neuve bruxelloise, pas une voiture à l’horizon : à la place, l’artère commerçante offre de nombreux points d’accès à des vélos à l’effigie de la commune. Néanmoins, malgré l’interdiction effective depuis un an et ces solutions écologiques, les Anversois se divisent toujours : pour ce couple de retraités, « si l’on a déjà acheté une voiture avec laquelle l’on ne peut pas circuler, il faudrait donc en racheter une nouvelle uniquement pour entrer dans la ville ? C’est aberrant, surtout pour les moins riches. » Une étudiante habitant justement à côté du Meir, elle, salue la facilité d’utilisation des nombreux moyens de transports disponibles : « et avec les points vélos présents partout dans le centre, on peut circuler partout très facilement. Donc finalement, j’estime plus raisonnable que plus aucune voiture ne circule. »

“Il faut attendre des résultats réels”

A Anvers, l’endroit où l’air est dit le plus pur se situe au zoo… au cœur de la LEZ. C’est là que Wim van Hees, président et porte-parole d’Ademloos, aime passer du temps : cette ASBL locale, qui lutte pour une meilleure qualité de l’air dans la zone urbaine, veut sensibiliser les citoyens aux bénéfices médicaux de la Zone à basse émission. « Il y a une limite : les gens doivent comprendre que des voitures qui donnent des effets cancéreux à la population, données scientifiques à l’appui, deviennent problématiques en ces temps actuels. »

Et même si la ville avance une baisse des particules fines dans l’atmosphère de 34%, l’ASBL reste prudente : « dans quelques mois, nous obtiendrons des résultats réels, ce sont ceux-là que nous attendons. Parce qu’une baisse de 34% ne se produit pas dans la vie réelle : il suffit d’analyser quelques voitures, même récentes, et vous constaterez que les résultats ne sont pas comparables. »

Dieselloos ?

Malgré l’interdiction, il reste possible d’entrer dans la ville sans amende sous certaines conditions : à côté des dérogations, l’installation d’un filtre à particules dans un moteur diesel, qui permet de retenir les plus nocives d’entre elles pour l’homme, peut s’envisager. Cependant, à la Carrosserie Libert tenue par Luc van Driessen, cette option n’a pas séduit la clientèle pour des raisons financières et techniques : « il n’est pas toujours possible d’appliquer ce filtre à tous les modèles de voitures et donc de les rendre compatibles à la norme en vigueur. De plus, les propriétaires d’un vieux véhicule n’ont pas toujours envie de dépenser de l’argent dans un filtre à particules qui reste trop cher en regard du prix de leur modèle. Et même équipées, personne ne sait combien de temps de telles voitures rouleront encore… »

Après Anvers, Bruxelles a mis en place sa propre Zone à basse émission et déclare la guerre aux véhicules diesels pour 2030. ©LEZ Brussels

Après un premier débat autour de cette Low Emission Zone, Ademloos veut aller encore plus loin : en mars dernier, l’ASBL a lancé une nouvelle campagne avec l’objectif d’interdire définitivement la vente de voitures diesels à l’horizon 2020. A nouveau, cette initiative ne séduit pas tous les Anversois, à l’image de Luc van Driessen : « il faut laisser faire le temps : ce problème va se résorber tout seul, et les vieilles voitures disparaitront automatiquement pour être remplacées par de nouveaux moteurs diesels, plus écologiques. Mais ils n’arriveront pas du jour au lendemain. »

La mise en place de la Zone à basse émission à Anvers a suscité l’intérêt de beaucoup d’autres villes flamandes comme Gand, Hasselt ou même Bruxelles. A ce jour, seule la capitale belge, qui a mis en place son propre dispositif depuis le 1er janvier 2018, a décidé d’aller plus loin : le 31 mai dernier, Céline Frémault, ministre CdH de l’environnement, a annoncé un accord au sein de l’exécutif régional en vue d’interdire la totalité des véhicules diesels à Bruxelles d’ici 2030. Un engouement qui semble cependant retombé dans les autres villes.

Alors, multiplication des zones à basse émission ou suppression totale du diesel ? Quel virage les grandes villes belges prendront-elles à court terme ? A quelques mois des élections communales d’octobre, cet enjeu environnemental risque de revenir très vite à la Une de l’actualité.

Reportage vidéo initialement réalisé en mars 2018, en collaboration avec Kimberly Texier et Odile Vanhellemont.

Version écrite initialement retranscrite en juin 2018, actualisée et avec quelques compléments.

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Angélique
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IHECS Alumna, journaliste, médiaphile et future écrivain en herbe. Peut-être.