Donner aux femmes les moyens de développer leur capacité d’agir

ONU Femmes France
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8 min readSep 23, 2019

Rapport ONU Femmes : “Le progrès des femmes dans le monde 2019–2020 : les familles dans un monde en changement”

Résumé du rapport

Le monde est actuellement en proie à des changements rapides. Les familles et le rôle que les femmes et les filles jouent en leur sein sont également en train d’évoluer. Il n’existe aujourd’hui aucun type de famille « standard », et il n’y en a jamais eu. Afin que les lois et les politiques appuient les familles et répondent aux besoins de tous leurs membres, ces lois doivent évoluer et s’adapter. Le rapport d’ONU Femmes intitulé « Le progrès des femmes dans le monde » évalue l’ampleur des transformations de la vie familiale et leurs implications en termes d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes.

Le programme politique énoncé dans ce rapport promeut une vision de la famille considérée comme un socle d’égalité et de justice, un lieu où les femmes et les filles peuvent affirmer leur liberté d’action et faire entendre leur voix, et où elles jouissent d’une sécurité économique et physique.

Historiquement, la famille est un bastion du patriarcat et incarne le pouvoir des hommes et leur domination sur les femmes. Dans de nombreux pays, la loi entérine cette domination, déniant aux femmes mariées un certain nombre de droits. Ainsi, dans 31 pays, les femmes mariées perdent le droit de choisir leur lieu de résidence ; 37 pays interdisent aux femmes mariées d’obtenir un passeport et 19 ont inscrit dans leur droit l’obligation pour les femmes d’obéir à leur conjoint.

Sous la pression des mouvements militants féministes, de nombreux pays ont fait évoluer leur législation, pour aboutir, dans certains cas, à une quasi-égalité formelle entre les femmes et les hommes.

Mais une égalité formelle n’est pas synonyme d’égalité réelle. Pour que les lois en faveur de l’égalité aient un réel impact, les politiques publiques doivent être accompagnées de moyens conséquents, permettant leur mise en œuvre effective.

Accompagner les évolutions des familles

Le rapport rappelle qu’il n’y a jamais eu de famille « standard », et préconise une nouvelle génération de lois sur la famille pour reconnaître les différentes formes de couples, notamment les couples de personnes de même sexe.

Chaque personne a le droit de fonder une famille, quelle que soit son orientation sexuelle. Pour les couples composés de personnes de même sexe, cela peut être facilité par les nouvelles technologies, comme les techniques de procréation médicalement assistée(PMA).

Le rapport rappelle qu’alors que la plupart des pays européens facilitent l’accès aux techniques de procréation médicalement assistée, seuls six pays prévoient une prise en charge globale via le service de sécurité sociale, dix permettent aux femmes seules d’avoir accès à la PMA et sept le permettent aux lesbiennes. Le rapport préconise des investissements pour garantir l’accès à ces techniques.

En France, vers l’accès des femmes et des couples de femmes à la PMA

En France, six ans après la loi ouvrant l’accès au mariage aux couples de personnes de même sexe, et un an après que le Conseil Consultatif National d’Éthique a rendu un avis favorable à l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes seules, le projet de loi sur la bioéthique en cours de discussion prévoit d’ouvrir la PMA aux femmes seules et aux couples de lesbiennes.

Alerte sur la gestation pour autrui (GPA), un danger pour les femmes

La « gestation pour autrui » consiste à ce qu’une personne ou un couple qui ne souhaite ou ne peut pas concevoir d’enfant, fasse assumer la grossesse à une autre femme, qui cède l’enfant, à la naissance, à ce couple, ou à cette personne.

Le rapport alerte contre les dangers de la gestation pour autrui, dite « commerciale ». Ce sont en effet dans l’immense majorité des femmes pauvres des pays en développement qui mènent la grossesse pour le compte des personnes des pays riches qui sont dans l’incapacité ou qui ne souhaitent pas le faire elles-mêmes.

La Rapporteuse Spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelles d’enfants considère que la GPA commerciale constitue une violation de droit international qui interdit la vente d’enfants.

En outre, cette pratique entraîne des violences et des maltraitances contre les femmes. Le rapport cite en exemples l’implantation d’embryons en nombre trop important, l’accès retardé à un avortement en cas de danger pour la santé ou la vie de la mère, ou au contraire des avortements forcés quand le couple change d’avis, ou encore la pratique systématique de la césarienne au moment de la naissance.

La dépénalisation de l’avortement, solution pragmatique pour faire reculer la mortalité des femmes ?

Entre 2010 et 2014, sur les 55,7 millions d’avortements annuels, presque la moitié (25,1 millions), se sont fait dans des conditions dangereuses.

En 2018, le Comité des droits de l’homme de l’ONU, a reconnu que criminaliser les femmes ou les professionnel.le.s pratiquant l’avortement, contraint les femmes et les filles à avoir recours à l’avortement dans des conditions dangereuses. Car la pénalisation de l’avortement n’en diminue pas le nombre. Au contraire, dans les pays où l’avortement est interdit ou strictement limité, les taux de recours tendent à être plus élevés que dans les pays où il est légal.

La pénalisation ou la stricte limitation de l’avortement n’empêche pas les femmes d’avorter. Mais elle rend l’avortement dangereux, avec des impacts délétères sur la santé des femmes.

Ainsi, l’exemple de l’Irlande montre que la dépénalisation de l’avortement peut être une réponse à la mortalité des femmes. Alors qu’en 2013, une femme de 31 ans meurt après s’être vue refuser un avortement pendant qu’elle faisait une fausse couche, les militant.e.s favorables à la dépénalisation de l’avortement s’engagent dans une campagne pour supprimer de la Constitution l’interdiction de l’avortement, durant laquelle elles donnent la parole à des femmes pour qu’elles racontent leur histoire. « Le moyen le plus puissant et le plus percutant pour aider les gens à comprendre l’urgence […] était qu’une femme dise « voilà ce qui m’est arrivé » » explique Annie Hoey, ancienne présidente de l’ « Union of Students in Ireland », et militante clé de la campagne « Together For Yes ». Cette campagne aboutit le 25 mai 2018 à la victoire du « oui » à plus de 66 %.

Et en France ?

L’avortement est dépénalisé depuis la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse. Depuis 2013, l’avortement est remboursé par la sécurité sociale.

Pourtant, en pratique, des obstacles se dressent encore face aux femmes qui souhaitent avorter, notamment les fermetures de centres de planification familiales. Entre 2001 et 2011, plus de 130 établissements pratiquant l’IVG ont fermé : 5 % des établissements publics et 48 % des établissements privés.

Les familles, l’un des lieux les plus dangereux pour les femmes et les filles

Chaque jour dans le monde, 137 femmes sont tuées par un membre de leur famille, soit environ 50 000 meurtres par an. 650 millions de femmes et de filles ont été mariées avant leurs 18 ans. Au global, une femme en couple sur cinq, de 15 à 49 ans, a été victime de violences conjugales dans les 12 derniers mois.

Ces violences trouvent leur origine dans une inégale répartition de pouvoir entre les femmes et les hommes, enracinée dans un ensemble de lois, de normes sociales et de pratiques. Le rapport met en évidence plusieurs éléments de ce système : « la domination et le contrôle des hommes », dont le corollaire est « la soumission et l’asservissement attendu des femmes », ou encore « l’absence de sécurité et d’autonomie économique des femmes ».

Pour lutter contre ces violences, le rapport préconise de mettre en œuvre des politiques globales, répressives envers les responsables des violences, préventives, et protectrices des femmes et des enfants victimes.

Quelques chiffres en France

En France, malgré un arsenal législatif complet contre les violences commises dans le cadre conjugal et une politique qui se structure en plans interministériels depuis près de 15 ans, les violences contre les femmes sont, aujourd’hui encore, massives :

  • 219 000 femmes déclarent ainsi avoir été victimes de violences sexuelles, psychologiques et/ou physiques par leur conjoint ou ex-conjoint ;
  • 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année ;
  • plus de 124 000 femmes adultes vivant en France sont excisées.

Développer l’éducation complète à la sexualité

Un des leviers pour lutter contre les violences faites aux filles et aux femmes, et leur permettre d’être actrices de leur vie, est l’éducation complète à la sexualité.

L’éducation complète à la sexualité, telle que définie par l’UNESCO, « est un processus intégré aux programmes scolaires, reposant sur l’enseignement et l’apprentissage des aspects cognitifs, émotionnels, physiques et sociaux de la sexualité. Elle vise à doter les enfants et les jeunes des connaissances, compétences, attitudes et valeurs leur permettant de jouir de leur droit à la santé, au bien-être et à la dignité ; de développer des relations sociales et sexuelles respectueuses ; d’examiner de quelle manière leurs choix affectent leur propre bien-être et celui des autres ; et de comprendre et d’assurer la protection de leurs droits tout au long de leur vie ».

Parler d’égalité femmes-hommes et d’égalité filles-garçons, aborder la question du consentement, des droits sexuels, des relations dans le respect de l’autre, sont autant d’outils pour permettre aux filles et aux garçons de comprendre leurs limites, et d’apprendre à les respecter, et ainsi de lutter contre les violences faites aux filles et aux femmes.

L’éducation à la sexualité en France

Alors que l’éducation à la sexualité est prévue dans la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, à raison d’au moins trois séances annuelles par groupes d’âge homogènes, « parmi les 12 millions de jeunes scolarisé.e.s chaque année, seule une petite minorité bénéficie tout au long de leur scolarité de séances annuelles d’éducation à la sexualité. »

Des politiques de soutien aux familles

Dans un contexte où les restrictions budgétaires sont la règle, les familles sont mises à contribution pour pallier les conséquences de certaines évolutions structurelles. Or, les femmes étant traditionnellement en charge du care, les contraintes liées aux changements sociétaux pèsent surtout sur leurs épaules. Ainsi, ce sont elles qui assurent le soin des aîné.e.s, des enfants en bas-âge et des personnes vulnérables.

Mais si la cellule familiale peut absorber en partie les chocs, elle ne peut le faire sans aide. Comme l’indique le rapport, « l’austérité, les stagnations de salaires, les conflits et l’accélération des changements climatiques rendent particulièrement difficiles pour les familles de subvenir à leurs propres besoins ». Et, il est ajouté que « dans ce contexte, il est essentiel que les communautés, les marchés et les États les soutiennent ».

Les recommandations du rapport :

Le rapport recommande le développement de politiques de soutien aux familles, pour faire de la famille un lieu de l’égalité entre les femmes et les hommes.

  1. Adopter des lois sur la famille fondées sur la diversité, l’égalité et la non-discrimination.
  2. Garantir des services publics accessibles et de haute qualité pour soutenir les familles et l’égalité des sexes.
  3. Garantir l’accès des femmes à un revenu indépendant suffisant.
  4. Aider les familles à prendre soin de leurs membres en leur offrant du temps, de l’argent et des services.
  5. Prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes dans la famille.
  6. Mettre en œuvre des politiques et des réglementations qui soutiennent les familles migrantes et les droits
    des femmes.
  7. Investir pour produire des données sensibles au genre sur les familles et les ménages.
  8. S’assurer que les politiques favorables à la famille disposent de ressources suffisantes.

par Marion Muracciole

Notes :

  1. « Assisted reproductive technologies (ART)»

2. Rapport Progress, « Compassion was a key message », page 103–105

3. UNESCO, « Pourquoi l’éducation complète à la sexualité est importante », 15 février 2018.

4. Traduction de l’autrice

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