Rencontre avec Laura Georges, ancienne footballeuse internationale française, secrétaire générale de la FFF

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6 min readSep 14, 2019
© photo : Pierre Bougeois/FFF

9 juin 2019

“Si les femmes ne s’investissent pas dans certains domaines, c’est aussi parce qu’elles manquent de confiance en elles.”

Née en 1984 dans les Yvelines, Laura Georges est une ancienne footballeuse internationale française qui a évolué au poste de défenseuse centrale au sein du PSG, de l’OL ou encore du Bayern Munich. Aujourd’hui, elle est secrétaire générale de la Fédération Française de Football et ambassadrice de la Coupe du Monde Féminine. Rencontre avec une femme qui n’a pas peur de mouiller son maillot.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ?

J’ai commencé le football à l’âge de 12 ans et j’ai pris ma retraite footballistique à l’âge de 33 ans. J’ai débuté ma carrière en 1996, au PSG. Cinq ans plus tard, je me suis lancée dans une formation de management au Pôle Universitaire de Léonard de Vinci, à la Défense. J’y suis restée pendant deux ans. En 2002, j’ai intégré le CNFE Clairefontaine*. Comme je voulais avoir une meilleure formation, j’ai décidé de partir étudier aux États-Unis. J’y suis allée non pas pour le football mais pour mes études ; mais c’est grâce à lui que j’ai pu obtenir une bourse pour un bachelor en communication au Boston College. J’ai intégré l’équipe de soccer de l’université les Eagles. J’ai ensuite entamé un Master 2 spécialisé en communication, marketing et stratégie commerciale à l’INSEEC. J’ai également passé mes diplômes pour devenir entraîneuse. En 2007, après mes études à Boston, l’Olympique Lyonnais m’a intégrée dans son équipe pendant six ans. De 2013 à 2017, je suis retournée dans mon club d’origine, le Paris Saint-Germain, et de janvier à juin 2018, j’ai intégré le Bayern de Munich. Aujourd’hui, je suis secrétaire générale de la FFF (Fédération Française de Football) et ambassadrice de la Coupe du Monde Féminine.

Quelles sont les motivations qui vous ont amenée au football ? Avez-vous des figures qui vous ont poussée à poursuivre votre passion ?

A 12 ans, j’avais envie de faire une activité extrascolaire, une activité qui n’appartienne qu’à moi. Le foot était pour moi une évidence. Ayant grandi à côté du Château de Versailles, les pelouses du parc du château étaient le meilleur terrain de football. Ma famille, mes amis, mes voisins y venaient d’ailleurs avec leur ballon.

Concernant les personnalités qui m’ont inspirée, je pense que mon père a beaucoup contribué à ce que je choisisse cette voie. Lorsque j’étais enfant, mon père participait à des compétitions de foot entre entreprises. J’aimais assister aux matchs et encourager mon père. Quand j’ai débuté ma carrière, je n’ai pas vraiment eu de figure féminine inspirante. A l’époque, je ne connaissais pas du tout l’équipe de France féminine. Néanmoins, j’admirais la détermination de Laura Flessel et de Marie-José Pérec dans leurs disciplines. Plus tard, j’ai eu la chance de côtoyer Lilian Thuram. Je l’ai très vite apprécié : alors qu’il venait d’être sacré champion du monde et d’Europe, il prenait le temps de m’appeler pour me conseiller. Pour moi, c’était unique.

A quel prix atteint-on un tel niveau ?

Au prix de beaucoup d’organisation, de concessions, car il est évident que lorsqu’on choisit une telle voie, on ne peut pas assister à tous les événements qui s’organisent dans notre vie (anniversaires, mariages), avoir des vacances comme tout le monde… Pour moi, c’était un choix, pas une contrainte.

Quels sont les obstacles, en tant que femme, que vous avez rencontré au cours de votre carrière ?

Je n’ai pas réellement rencontré d’obstacles. Dans mon cas, il s’agissait plus de jalousies, ou d’avis négatifs, que je n’ai jamais écouté. Même lorsque j’ai joué avec des garçons, je n’ai pas eu ce genre de problème. Ce n’était pas le cas de mes co-équipières. Là-dessus, j’ai eu la chance d’être bien entourée. Il y avait mon père qui m’accompagnait à tous les entraînements, mais également cette professeure qui m’a soutenue, lorsque je lui ai exprimé mes craintes par rapport à mon entrée au centre de formation.

Que pensez-vous de la place des femmes dans le sport ? Pensez-vous que la diffusion sur les grandes chaînes de la Coupe du Monde Féminine, est un effet de mode ou plutôt un acte d’évolution ?

Je pense que la place des femmes progresse. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de promotion autour du sport féminin. Il y a aussi plus de femmes à des postes à haute responsabilité. Bien évidemment, nous pouvons en faire plus dans les instances et les fédérations. En ce qui nous concerne à la FFF, nous avons trois femmes au comex avec une directrice générale et des femmes directrices dans différents départements. L’arrivée de notre président a bien fait avancer les choses, ce qui n’est pas forcément le cas pour d’autres fédérations sportives.

Concernant la diffusion de la Coupe du Monde Féminine, je pense qu’aujourd’hui les Français et les médias ne veulent pas rater un événement qui va être regardé par plus d’un milliard de personnes et qui a lieu dans notre pays. Il y a un réel engouement et une vraie demande du public ; les médias ne peuvent qu’y répondre. Les choses vont dans le bon sens. De nombreux colloques et sujets d’actualité abordent la place des femmes et les discriminations dont elles sont victimes. J’espère que ce n’est pas un effet de mode. Dans tous les cas, pour le football, ça fait déjà un moment que l’équipe féminine est reconnue, suivie et promue. Ce n’est pas juste une question de Coupe du Monde.

A vos yeux, quels rôles doivent jouer les médias, le milieu du sport et le gouvernement dans cette bataille pour l’égalité ?

Tous les trois doivent donner plus d’opportunités aux femmes. Les médias, par exemple, peuvent mettre les femmes en lumière à travers des portraits. Il y a beaucoup d’histoires à raconter. Celles qui réalisent des performances, d’autres qui sont très investies dans une discipline ou dans la société. En ce qui concerne le gouvernement, je ne vais pas dire qu’il faut imposer des quotas, mais il faut pousser les dirigeants à parier sur des femmes pour des postes à haute fonction. Pour cela, il faut aussi leur donner confiance. Si les femmes ne s’investissent pas dans certains domaines, c’est aussi, parce qu’elles manquent de confiance en elles. Il faut également continuer le travail d’éducation auprès des jeunes : les former au respect d’autrui et à la diversité.

Pour le milieu du sport, il faut encourager davantage les femmes à s’investir, faire des réunions comme celles que nous organisons dans le cadre du Club des 100 femmes dirigeantes. Il s’agit d’un programme où l’on regroupe 100 femmes dirigeantes. A travers un suivi durant l’année, on leur apprend à gagner en confiance en soi, à mener des projets, à apprendre toutes les compétences requises pour être nos futures femmes dirigeantes. Il faut aussi opter pour des plans éducatifs. A la FFF, nous avons lancé un programme éducatif fédéral. Ce dernier vise — dans le cadre de nos évènements et tournois auprès des jeunes — à éduquer et sensibiliser les jeunes au respect, à la tolérance, à la diversité, à l’écologie, ou encore à la solidarité.

Aujourd’hui, nous répertorions seulement 38 % de femmes licenciées dans le sport. Quel message souhaitez-vous faire passer aux jeunes filles pour les amener plus massivement au sport ?

Je les encourage à s’adonner au sport, car c’est au travers de cette activité qu’on en apprend beaucoup sur soi-même. Grâce au sport, on apprend à mieux se connaître, à dépasser certaines de nos faiblesses, à grandir en tant qu’être humain, à s’épanouir, à être solidaire avec les autres, mais aussi à être confrontée à la réalité de la vie : les bons moments comme les plus compliqués… Le sport, c’est l’école de la vie !

Par Sabrina Alves

*Le Centre national de formation et d’entraînement de Clairefontaine (CNFE Clairefontaine) est un centre de préformation français spécialisé dans le football féminin, ouvert en 1998 et administré par la Fédération française de football.

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