L’importance de l’éducation émotionelle vu par la pédagogie théâtrale.

Macarena Paz
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10 min readApr 6, 2016

January 29, 2016 — Macarena Paz

Pendant des années, l’Homme a vu la raison comme la clé du bonheur et du bien-être, surtout à cause de la Révolution Scientifique, qui a commencé aux alentours du XVIème siècle, établissant un changement du paradigme dans la société moderne au XIXème siècle à l’aide de la pensée humaine.

C’est à travers la raison que tous les savoirs, même les phénomènes naturels, se sont validés en laissant de côté la métaphysique, la religion et le comportement mystérieux, voir magique, dont la nature possédait jusqu’à ce point-là. La pensée et la raison ont pris un rôle fondamental, notamment avec les travaux des philosophes du rationalisme et de l’empirisme (la philosophie scientifique), qui cherchaient des réponses fixes et uniques sur la vérité des choses.

On peut s’appuyer en René Descartes qui a proposé l’idée que n’importe quel savoir provenait de la pensée, c’est-à-dire, le sujet qui pense, nommé par lui comme Res Cogitians. D’ailleurs, pour Descartes, il y a la Res Extensa (ou Res Corporea), qui représente le tout appartenant au monde matériel, le corps humain inclus. Donc, d’après cette idée, on sépare la pensée de l’être humain de son corps, comme du monde entier. Mais il faut se poser la question, où sont-elles les émotions de l’individu ?

De cette manière, commence la désintégration et le démembrement entre le corps et l’esprit de l’être humain. On ne valide que ce qui est rationnel et empirique ; et cela veut dire que, pour vérifier sa validité et sa certitude, il faut observer, donc, l’expérience scientifique et la raison. En fait, beaucoup d’académiciens et de chercheurs en sciences sociales ont étudié les travaux de Descartes, et les considèrent comme des théories schizophrènes, surtout à cause de l’idée initiale de démembrement de l’être humain.

Cela fait peur, n’est-ce pas ?

Vers le XXème siècle, l’être humain commence à comprendre qu’il est beaucoup plus qu’un sujet qui pense tout simplement. Ainsi, l’Homme a découvert que la clé du bonheur se construit à partir de l’acceptation de soi, comme de la compréhension des émotions.

Dans nos jours, des académiciens spécialisés dans le cadre de l’éducation émotionnelle et de nombreuses recherches ont démontré qu’une personne qui se connait au niveau émotionnel est capable d’établir des relations plus harmonieuses et saines, tant avec soi-même et avec la société.

Pendant le dernier siècle, l’idée d’ « intelligence émotionnelle » semble-t-elle toute une découverte, permettant d’ouvrir d’autres voies pour le développement d’un être humain intégré en entier aux niveaux rationnel, corporel, émotionnel et social et non pas comme quelque chose séparée de soi-même.

On est dans une période où on a commencé à prendre conscience de l’importance de nos émotions. On ne peut pas les nier, elles sont toujours là, donc, elles agissent. Leur rôle est essentiel dans nos vies. De cette façon, on est en train de remplacer de plus en plus l’idée que la raison est la seule force capable de guider la vie et le destin de chacun.

Une personne qui s’est rendu compte de sa nature émotionnelle va se débrouiller plus harmonieusement avec son propre environnement, donc, sera capable de résoudre ses conflits d’une manière saine pour elle-même et pour les autres. Cela ne sera jamais possible si, pendant l’enfance, cet individu n’est pas élevé dans le cadre des émotions et des habiletés sociales et affectives. A l’âge adulte, elle pourrait les travailler, mais il aurait évidemment une difficulté majeure pour le faire. L’enfant, par contre, il est perméable et sensible, il apprend en observant et en imitant.

Il est donc très important de préparer l’enfant avec tous ces outils pendant qu’il grandit. Pour ce faire, il lui faut de la présence physique et émotionnelle de ses personnes les plus attachées (notamment, la mère dans la période de lactation), de sorte que l’enfant croie que le monde est endroit sûr, où l’amour est possible. Nous, en tant qu’humains, sommes nés « prévus » à vivre en harmonie, pour jouir du bonheur, avec de l’amour et de la paix. Pourquoi ne pas faire exactement comme cela ? Tout cela ne sera pas faisable qu’à l’aide d’un adulte qui nous guide. L’enfant aura besoin de l’éducation émotionnelle.

Á ce sujet est que, Amanda Céspedes[1] dit :

«Beaucoup des enfants n’auront jamais la chance de recevoir éducation pour la vie [éducation émotionnelle] chez eux ; donc il faut que ses enseignants les forment pour aller la pleine réalisation personnel. »[2]

Lorsqu’un enfant acquiert une confiance minimale en soi-même (autrement dit, une croyance et/ou sensation du monde comme un endroit sûr où on peut vivre ; l’idée qu’il est aimé sans aucune condition, qu’il a des personnes prêtes à l’aider selon ses besoins et vont le protéger des périls), il atteindra un meilleur développement cognitif et affectif, ce qui lui permettre d’obtenir des habiletés sociales et émotionnelles. Un lien fort avec sa mère permettra un lien aussi fort avec soi-même et son propre environnement. Malgré les difficultés de la vie, cet enfant saura s’en sortir avec des stratégies à résoudre, réparer, apprendre et avancer.

C’est pourquoi il est nécessaire de l’éducation émotionnelle, pour avoir la capacité d’élaborer ces stratégies citées ci-dessus.

Au fil des ans, on a vu l’apparition de nouvelles méthodologies et des innovations qui prennent d’anciennes traditions, conçues en relation avec les besoins et les recherches actuelles, vis à contribuer avec le développement des habiletés sociales et affectives des enfants. La psychologie humaniste et les thérapies de la médecine alternative nous servent comme exemple ; elles ont gagné du terrain, surtout grâce à l’acceptation de la société et à l’expérimentation constante (ce qui a représenté un besoin actuel de l’Homme pour mieux se sentir avec lui et son environnement).

Mais une autre alternative encore présente actuellement c’est l’expression artistique. Beaucoup d’établissements éducatifs et des parents ont décidé de prendre l’art comme une opportunité pour leurs étudiants et enfants de s’amuser, se détendre, et se libérer.

Dans ce contexte, l’atelier de Théâtre s’est imposé et il est considéré maintenant comme un espace de rencontre, de divertissement et de jeu dans plusieurs institutions, mais aussi un endroit où travailler les soft skills.

Le Théâtre n’est qu’un jeu, un jeu sérieux, avec des limitations, mais finalement un jeu : le Jeu Dramatique… et le jeu est-il inhérent à l’Homme. L’enfant, même s’il vient de prendre conscience du monde comme quelque chose de nouveau, étrange et différent de soi, il veut immédiatement en faire partie pour le connaître, l’appréhender et le comprendre. D’abord, il croît qu’il n’y réussit pas (le cerveau des enfants est assez jeune au niveau biologique, il est petit, sensible et n’arrive pas encore ni à comprendre ni nommer les émotions) ; c’est pour cela qu’il exprime sa frustration à travers la magie, l’imagination et les jeux.

« Moreno considérait comme l’un des buts les plus importants du psychodrame de réanimer, remobiliser, renouveler les aptitudes caractéristiques des enfants : la spontanéité, leur faculté d’improvisation, leur aptitude dramatique, leur jeux de rôle, leur capacité d’adaptation les uns aux autres, la richesse de leur imagination. »[3]

Vu d’un côté, le jeu comme un besoin et une caractéristique propre des enfants, et d’un autre, le Théâtre comme un « espace de jeu », le Jeu Dramatique deviendrait l’une des activités qui rapporterait le maximum de bénéfices pour le développement émotionnel et social des enfants. Le Théâtre permettrait d’acquérir plus facilement des habiletés pour se mettre en relation d’une manière saine avec soi-même et l’environnement.

Une relation saine implique une capacité à s’en sortir de chaque possible obstacle, avoir de la clarté sur comment se débrouiller dans la société, et enfin, savoir trouver du plaisir et de la joie dans ces relations. Les enfants, et même les animaux, jouent parce que c’est vraiment agréable. C’est ainsi qu’ils peuvent expérimenter un peu de liberté, la liberté de s’exprimer, pour atteindre des relations saines nécessaires et mieux se débrouiller.

Les enfants qui possèdent des habiletés affectives et sociales ont certainement eu une bonne orientation, de l’amour et de l’appui de leurs parents. Ceux-ci sont les personnes les plus attachées aux enfants, notamment la mère, qui a créé ce lien pendant la grossesse.

Si jamais un enfant possède cette confiance minimale, il saura mieux se débrouiller et il pourra se mettre en relation avec la société à partir de l’amour, la confiance, le respect, la bonté, la joie et la générosité, ce qui va lui permettre d’éduquer naturellement ses émotions, et donc, il sera capable d’évoluer aux cadres social et affectif d’une manière saine et harmonique. S’il s’agit, par contre, d’un enfant qui n’a pas eu cette chance, soit par l’absence, soit par l’inefficacité des responsables, il aura un manque affectif, et par conséquent, il lui sera beaucoup plus difficile d’évoluer dans ses émotions et son rôle social, ce qui va empêcher le déroulement naturel des habiletés sociales et affectives ; mais aussi, sa capacité de résilience.

Il y a des contextes où cette inefficacité est le résultat de l’influence constante du milieu social. Si on considère les quartiers pauvres, telles que les banlieues, on sait davantage que les besoins de base des familles ne sont pas couverts, et cette situation peut empêcher les parents d’exercer leur rôle au moment d’appuyer l’enfant et de l’aider dans son développement biologique, psychologique et social. Aujourd’hui, on connaît ces milieux comme « vulnérables », surtout parce qu’on peut y constater un manque de droits minimums telles que la santé, l’hygiène et l’alimentation ; mais aussi une violation des droits sociaux tels que l’accès à l’éducation, le divertissement, la vie en famille, etc.

Ces contextes, dont on croirait ils sont les plus urgents dans la liste de tâches de planification sociale des gouvernements, ne sont pas vraiment au regard des politiciens, car les mêmes statistiques nous montre une augmentation constante des conflits psychologiques et sociales, au lieu d’avoir une solution pour les résoudre.

C’est dans ces milieux « vulnérables » où on trouve la plupart de problèmes sociaux comme la délinquance, la consommation de stupéfiants et l’abandon. Une réalité choquante, caractéristique des grandes villes, qui subissent d’une explosion démographique augmentant chaque année, à cause de la migration des personnes qui cherchent une meilleure qualité de vie. On risque que ces gens soient traités comme des marginaux sociaux, ce qui génère un mécontentement de la population, et puis, les problèmes sociaux dont on parlait dans le paragraphe précédent. Les expectatives d’améliorer la qualité de vie ne s’accomplissent presque jamais en réalité : la pauvreté augmente, et avec cela, la population à risque.

C’est dans ce point-là qu’on veut faire une analyse plus profonde. Les enfants qui grandissent dans des ambiances dites « vulnérables », où leurs droits d’être libres, d’être aimés, de jouer ont été violés, m’intéresse particulièrement, car, avec eux, on peut immédiatement vérifier l’inefficacité des parents dans leur protection, et donc, on peut travailler plus dans le développement des habiletés sociales et affectives, les appuyer et « semer la graine » de la résilience.

Dans ces contextes de vulnerabilité, Adler mentionne que l’enfant

«est opprimé par ses rapports sociaux : il se croit le plus faible et le plus petit et n’a jamais ressenti ce que signifie l’affection des autres… Ces enfants manifestent une hostilité et une anxiété permanentes »[4]

Tout cela me faite considérer l’importance du travail des habiletés sociales et affectives des enfants, dont ces droits ont été enfreints, soit à cause de l’abus physique et psychologique, soit à cause de l’abandon. En général, ces enfants n’ont jamais eu quelqu’un de vraiment attaché à eux, qui leur inspirait de la sécurité et de la responsabilité ; personne ne les a élevé au cadre émotionnel. Ce sont des enfants qui vivent parmi l’incertitude, la peine, le manque d’amour et d’appui émotionnel, la peur et la rage… contrairement à ce qu’un gamin mérite et en a besoin pour un développement psychologique sain. Á travers du théâtre on peut travailler ces traumatismes mais dans le cadre d’un jeu.

« Il ne faut donc pas confronter l’enfant avec l’origine de son mal-être mais lui fournir les moyens pour exprimer sa souffrance, son agressivité réactionnelle de manière transposée en les symbolisant. »[5]

Ça veut dire, que quand un enfant a passé pour évènements traumatiques et n’ont pas d’un personne qui lui protège, il pourrait aller à l’atelier de expression émotionnel « psychodrame » par s’exprimer librement, et qu’on ne peut pas être spécifique avec le sujet du traumatisme, mais de lui présenter l’espace de travail théâtrale où il pourrait développer sa résilience.

Selon quelques théories en psychologie, il est possible d’établir un lien d’attachement secondaire et après cela, aider l’enfant à développer sa capacité de résilience. Pour que l’enfant atteigne ce pouvoir de s’en sortir de n’importe quel obstacle, et de s’en servir pour apprendre quelque chose positive, il a besoin des habiletés sociales et affectives.

Le Jeu Dramatique travaillerait de manière transversale toutes ces habiletés. Il s’agit plutôt d’une activité de libération émotionnelle, expression et création, En plus, c’est un espace de vidange et de recyclage des émotions dites « négatives ». En conclusion, c’est à travers le Jeu Dramatique que le lien d’attachement secondaire peut se créer, ce qui faciliterait le développement des habiletés sociales et affectives et la résilience des enfants ; il est donc un espace d’appui et de travail émotionnel et social.

Mon premier idée de recherche était de me concentrer dans la situation des enfants entre 7 et 8 ans, parce que, à mon avis, c’est la meilleure étape pour le travail des habiletés sociales et affectives, car ils sont encore perméables au niveau émotionnel, vu que leur intelligence est plutôt symbolique et ils ne font pas autant d’attention à la pensée logique.

«Vers 2 ans débute une seconde période qui dure jusqu’à 7 ou 8 ans dont l’apparition est marquée par la formation de la fonction symbolique ou sémiotique »[6]

Les enfants entre 5 et 7 ans commencent à développer des compétences spécifiques telle que leur capacité à imiter, et ainsi, ils peuvent différencier entre la fantaisie et le monde réel. Ensuite, et jusqu’à l’âge de 8 ans, ils commencent à explorer le monde, et ils ont donc besoin de découvrir avec leurs corps afin de le toucher, sentir les textures, le froid, le contact physique, sauter pour toucher le toit, etc. Pendant cette exploration, on peut constater qu’il y a déjà une perspective de futur et une poursuite des objectifs, qui sont nécessaires pour la résilience et avoir une bonne qualité de vie au niveau émotionnel. Au niveau du groupe, l’enfant sera éventuellement empathique.

Toutes ces caractéristiques il semblent idéales pour le bon fonctionnement du Jeu Dramatique comme outil dans le développement des habiletés sociales et affectives, en considérant qu’à partir de l’âge de 10 ans, la base de la personnalité est déjà structurée, et il est donc plus difficile de commencer à travailler ces habiletés à ce moment-là.

[1] Amanda Céspedes. Expert en éducation émotionnelle à travers les neurosciences.

[2] CÉSPEDES, Amanda: Educar las emociones. Educar para la vida. Ed. Vergara. Ed. B. Santiago, 2012. Page 12. Traduction Personelle.

[3] KENDE, Hanna. Psychodrame aces les enfants. Éditions Fabert. Paris, 2014. Page 35

[4] ADLER, Alfred dans Kende, H. Psychodrame avec les enfants. Éditions Fabert. Paris, 2014. Page 83.

[5] KENDE, H. Psychodrame avec les enfants. Éditions Fabert. Paris, 2014. Page 45.

[6] PIAGET, Jean: “Psychologie et pédagogie”. Éditions Denoël 1969. Impression Novoprint, Barcelone, 2011. Page 48.

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