Justine
Open EdTech
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8 min readApr 11, 2016

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Ces 3 derniers mois, je me suis plongée dans le sujet technique et abstrait de la blockchain, afin de comprendre comment le rendre plus abordable. Au travers de mon regard de designer et de pédagogue (mes domaines d’activité habituels), je me suis posée les questions de sa diffusion au plus grand nombre, et cette série d’articles est un résumé de mes observations.

Une première partie pour découvrir le sujet. Une deuxième partie pour réfléchir aux rôles du designer. Et une troisième partie pour parler des outils, des exemples et de la place de la pédagogie.

Que nous veut la blockchain ?

Partie 1

Si vous avez entendu parler de (la) blockchain (ou “chaîne de blocs”, traduit littéralement), vous savez peut-être qu’elle a le potentiel de transformer l’organisation des échanges (notamment économiques) de nombreux secteurs de l’activité humaine. Dans cet article, je parlerai du fonctionnement, de son utilisation aujourd’hui, et de ses promesses, pour esquisser le paysage devant lequel nous nous trouvons.

Adaptation de “November 1995” — Dilbert by Scott Adams

Comprendre la blockchain

Comment fonctionne-t-elle ? Quelles seront ses applications ? Qui va faire partie de la course pour son développement dans l’économie mondialisée ? Et enfin, comment rentrer dans cette course ?

J’aimerais commencer par vous raconter l’histoire de M. A. et Mme X. (les personnages légos sur le schéma ci-dessous) qui utilisent la blockchain pour réaliser une transaction ensemble.

Le principe de fonctionnement de la blockchain exposé de manière imagée et synthétique dans le livre blanc de Uchange

La transaction est le petit nuage au milieu de la première case.

Évidement, elle n’apparait qu’au moment ou M. A. et Mme X. utilisent la blockchain.

Cette dernière s’occupe de sécuriser (= encrypter), de valider (= juge) et d’enregistrer la transaction, comme un livre de compte automatisé.

L’histoire est assez simple, jusqu’à ce qu’on nous explique que : “la blockchain se réplique dans tous les nœuds du réseau…”Mais qui sont les nœuds du réseau ? M. A. et Mme X. et leur ami-e-s ?

En réalité, ce n’est pas la blockchain qui valide les transactions, ce sont les “nœuds du réseau” (qu’on appelle aussi les “mineurs”) ! Mais c’est quand même la blockchain qui impose aux nœuds du réseau comment ils doivent prendre leur décisions.

La blockchain est un Livre de compte, et un livre de “lois”.

Ce que l’histoire ne raconte pas (encore), c’est qui sont vraiment les mineurs ce qu’ils gagnent dans l’histoire ? Y aurait-il de nouveaux personnages inattendus (des machines ? des objets ? des espaces ?) ? Et encore beaucoup d’autres questions

On peut s’imaginer la blockchain comme un grand jeu à échelle réelle, avec des personnages, des rôles, et des règles du jeu. Mais alors, où sont écrites ces règles, par qui ? Comment joue t-on, avec qui, pendant combien de temps ?

Dans le cadre d’un partenariat avec Cellabz j’ai pu participer aux sessions blockchain de la conférence LIFT16. Une salle pleine s’était rassemblée pour tenter de comprendre les potentiels et les risques de cette technologie. Organisation et animation : Cellabz, en présence de Joseph Lubin, Primavera De Filipi, Stephan Tual, Christoph et Simon Jentzsch. (photo : Nicolas Loubet)

Quand j’ai commencé à m’intéresser à ce sujet, j‘ai vu qu’il y avait un lien entre blockchain et bitcoin, ce système d’échange financier alternatif à ceux des banques et des états, en activité depuis 7 ans sur internet et dans la vrai vie.

En fait, ce qu’on appelle “blockchain” est un logiciel, celui-la même qui fait fonctionner Bitcoin. Plus précisément c’est le logiciel qui sert à gérer les transactions, et ce logiciel est open-source (utilisable, duplicable et modifiable librement).

Aujourd’hui, il existe aujourd’hui plus d’une centaine d’alternatives à Bitcoin(Ethereum, La Zooz, Bitnation…) qui utilisent des blockchains. Elles ne s’intéressent pas qu’aux transactions monétaires, et elles sont pleines de promesses pour les industriels, les créatifs, les gouvernements, et les citoyens.

Comment aller plus loin ?

Plusieurs éléments rentrent en jeux :

  • Le socle de connaissance de base (informatique, économie, histoire des technologies…)
  • Les principes théoriques et mécanismes techniques (intimident et abstraits)
  • la qualité des explications (souvent dispersées, biaisées, peu imagées et trop techniques…)
  • La capacité de mise en parallèle avec des situations réelles
  • Le décryptage des intérêts en jeux dans le développement de la technologie, et des messages médiatiques
  • Le pouvoir d’action

Bref, en fonction de votre niveau de base, ça sera plus ou moins facile, et cela fait l’objet d’un véritable enjeu pédagogique.

Disciplines / domaines qui expliquent le phénomène blockchain (schéma CC.BY.NC.SA Justine Hannequin)

En parallèle, les sciences de l’apprentissage et de la cognition nous permettent d’imaginer ses outils pédagogique diversifiés, et mieux adaptés aux différents modes d’apprentissages, et au monde d’aujourd’hui.

Mais je ne prétend pas relever ce défi dans cet article. En attendant, voila quelques suggestions de lectures qui m’ont aidées à découvrir le sujet :

La blockchain aujourd’hui

Un paysage, initié par le projet Bitcoin, coloré par la finance et l’échange monétaire, mais en pleine mutation.

Bitcoin

L’Histoire veut que fin 2008, un certain Satochi Nakamoto détaille le fonctionnement d’un système de transaction électronique qui automatise la condition sine qua non de tout échange : la confiance. Quelques mois plus tard, la première version de la blockchain Bitcoin est mise en ligne, et 7 ans après, plus de 116 millions de transactions y sont enregistrées.

À LIFT16, Joseph Lubin (co-fondateur de Consensys), explique que Bitcoin a été créée pour et par le monde de la finance, ce qui en a fait un outil très orienté et limité au transactions monétaires (source). Les mots utilisés par Satoshi Nakamoto pour parler de Bitcoin sont d’ailleurs “cash system”.

Aujourd’hui, des milliers d’utilisateurs-trices effectuent des achats en Bitcoin... Et plus le système grossit (nombre d’utilisateurs, et de calculateurs), plus les opérations sont longues à réaliser, et couteuses en électricité.

Visite d’une “mine” de Bitcoin, en Chine — Motherboard

Les banques

Américaines, Suisses, Anglaises et Allemandes (source)… On pourrait penser que les blockchains remplaceront les banques à terme, puisqu’elles permettent de gérer le stockage et le transfert de la masse monétaire de manière sécurisée. Comme nous le rappelle Joseph Lubin (Consensys), les banques pourraient utiliser la blockchain pour faire évoluer leur propres technologies, et ainsi réaliser d’importantes économies (coût des ordinateurs/serveurs).

Fonctionnement actuel : les banques on besoin de beaucoup de serveurs de calcul de sécurisation des données.
Fonctionnement type blockchain : les appareils des utilisateurs-trices remplacent les serveurs de calcul de sécurisation des données des banques. (schémas CC.BY.NC.SA Justine Hannequin)

Par ailleurs, elles affirment voir se dessiner une nouvelle génération de clientèle, sensible à la possibilité de posséder ses données d’utilisation, et donc séduite par le fonctionnement blockchain.

Des limitations techniques

Mais aujourd’hui, les banques n’en sont qu’au stade de l’expérimentation. Et comme nous le rappelle Christoph Jentzsch (co-fondateur de Slock-it) à LIFT16, la technologie connaît encore de sérieuses limitations techniques . C‘est une grosse contrainte pour les entrepreneurs de la blockchain. En terme de sécurité, et en terme de dimension (à titre d’exemple, sur la blockchain Ethereum, c’est 10 transactions par seconde qui sont authentifiées, contre plus de 1000 t/m via les services bancaires type Visa).

Les perspectives

Cela dit, Christoph J. estime aussi que d’ici 1 à 3 ans, les principales limitations seront bel et bien repoussées. De plus, quiconque peut se saisir de ce logiciel open-source pour créer et proposer des règles du jeu (complètement) alternatives à celles de Bitcoin. Et le jeu en question peut concerner un très grand nombre de domaines.

Illustrations par Nick Dupey (source)

Concrètement, la course est lancée, et il est difficile de savoir combien de startups planchent sur le sujet.

“… there will be $10 billion in funding for blockchain-related startups this year.” (Vinay Gupta — source)

Certaines s’attaquent aux questions de la provenance & de l’authentification, comme Ujo Music, qui compte “reconstruire une industrie de la musique sur la blockchain”, ou encore Chronicled et ses baskets “100% authentiques”

Guevara est une compagnie de “micro-assurance” automobile, qui propose aux usager-è-s de s’associer en groupes de taille intermédiaire, afin de gérer leurs primes d’assurance. Ce système de “micro-assurance” décentralisée permet une réduction de tarif (à environ 8%).

D’autres, comme ZeroNet (1) & FileCoin, proposent des solutions pour l’hébergement décentralisé de fichier ou de sites web, une manière d‘éviter toute forme de censure.

Le consortium R3 (qui rassemble ~40 entreprises) proposes des blockchains dédiées aux usages financiés, et compte les plus grandes banques mondiales (Natixis, Bank of America, Morgan Stanley, Cédit Suisse… — sources).

Tout cela amène à se poser les bonnes questions, c’est dans l’air du temps.

En conclusion

Malgré les promesses de l’informatique personnel des années 80, les crevasses numériques (fractures inter-générationnelles et géographiques, pour les entreprises, à l’échelle étatique, et à l’échelle mondiale) sont toujours ouvertes, et les déchets informatiques polluent la planète plus que jamais. La traction médiatique autour du sujet, et les sommes récoltées en levée de fond nous laissent penser que la technologie blockchain va arriver dans notre vie de tous les jours. Mais au bénéfice de qui, en échange de quoi ? De quelle manière, et à qui appartiennent ces décisions ?

Les challenges de la blockchain ne sont pas que techniques, et dans les articles suivants, je proposerai un décryptage des rôles que peuvent jouer designers et pédagogues et citoyens dans cette histoire.

Merci à Cellabz, Clément et Nicolas, pour les heures de discussion, liens et références partagées. À ma chère famille, à Yoni, Aurélien et Anne pour leurs relectures.

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