Les reproductions d’œuvres du domaine public devraient rester dans le domaine public

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4 min readOct 28, 2020
Plaster with the CC licenses on the Nefertiti Bust.

Creative Commons a remarqué que les institutions culturelles utilisent de plus en plus des licences CC pour les reproductions photographiques et les numérisations 3D d’objets tels que des sculptures, bustes, gravures et inscriptions qui sont pourtant dans le domaine public partout dans le monde. Un exemple récent de ce phénomène est celui du buste de Néfertiti, vieux de 3000 ans, exposé au Neues Museum de Berlin, qui l’a protégé par une licence BY-NC-SA. Les pratiques varient énormément, de l’utilisation de la licence CC BY à celle de notre licence la plus restrictive, CC BY-NC-ND.

La plupart des objets concernés sont dans le domaine public depuis bien longtemps, et beaucoup n’ont jamais été soumis au droit d’auteur. Le titulaire du droit d’auteur est le seul à pouvoir appliquer une licence CC à une œuvre. Si l’œuvre est dans le domaine public, aucune licence de droits d’auteur ne devrait être appliquée. Les licences CC sont conçues uniquement pour les cas où le droit d’auteur s’applique. Sinon, elles sont inutiles et il faudrait plutôt utiliser la marque du domaine public ou l’outil de don au domaine public pour confirmer le statut libre de droits de l’œuvre.

Certaines de ces revendications portent sur les numérisations 3D et les reproductions photographiques des objets, pas forcément sur les objets eux-mêmes. Cependant, la numérisation seule n’octroie aucun droit d’auteur, car dans la grande majorité des cas, la reproduction numérique d’une œuvre créative n’est pas considérée comme une œuvre originale. La plupart du temps, ces reproductions suivent des normes établies à des fins de conservation. Même quand ces numérisations sont le fruit d’un travail qualifié, elles restent insuffisamment créatives pour justifier l’application de droits d’auteur, et ce, presque partout dans le monde.

Parfois, la licence CC est appliquée à des objets dont la gérance et la propriété culturelle font l’objet de débats juridiques, politiques et diplomatiques. Creative Commons s’intéresse de près à ce phénomène et reconnaît que les licences CC n’apportent pas de solution satisfaisante au problème. Face à ces cas de figure, il faut toutefois reconnaître les prérogatives culturelles des communautés d’où l’œuvre est originaire, notamment en matière de numérisation ou de restrictions et de conditions d’accès.1

Les licences CC sont des outils qui permettent aux utilisateurs de mieux comprendre les autorisations accordées au public par l’auteur de l’œuvre originale. Quand une licence CC est appliquée à tort, c’est tout le système de normes de droits d’auteur qui perd en crédibilité. L’utilisation de licences inappropriées provoque la confusion chez les utilisateurs et empêche le public de bénéficier pleinement d’un patrimoine commun.
Nous comprenons que parfois, les institutions culturelles utilisent des licences CC afin d’être reconnues pour leur travail ou pour indiquer la provenance des copies numériques. Or, il y a des outils plus adaptés pour cela, comme les métadonnées et les normes de lisibilité informatique.

Enfin, nous sommes conscients des enjeux financiers évoqués par certaines institutions culturelles quand se pose la question des politiques de libre accès. Toutefois, revendiquer des droits d’auteur sur des œuvres appartenant au domaine public et mettre en place des stratégies de revenus efficaces sont deux choses bien distinctes, et il faut se garder de faire l’amalgame. Dans les faits, il apparaît que les coûts associés à la protection d’une image par une licence sont largement supérieurs aux revenus potentiels qui découlent de la licence en question.2

Les licences Creative Commons ne devraient pas servir à limiter les possibilités de découverte, de partage et de réutilisation des œuvres appartenant au domaine public. Les politiques de libre accès devraient être privilégiées par les institutions culturelles, dans la mesure où leur mission est de mettre la culture et le savoir à la portée du public.

Notes

1. Pavis, Mathilde and Wallace, Andrea, Response to the 2018 Sarr-Savoy Report: Statement on Intellectual Property Rights and Open Access Relevant to the Digitization and Restitution of African Cultural Heritage and Associated Materials (March 25, 2019). Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=3378200 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3378200

2. Crews, Kenneth D., Museum Policies and Art Images: Conflicting Objectives and Copyright Overreaching. Fordham Intellectual Property, Media & Entertainment Law Journal, Vol. 22, p. 795, 2012; Tanner S. Reproduction charging models & rights policy for digital images in American art museums: A Mellon Foundation funded study. Online: King’s College London, 2004. 57 p.; Foteini Valeonti, Andrew Hudson-Smith, Melissa Terras & Chrysanthi Zarkali, Reaping the Benefits of Digitisation: Pilot study exploring revenue generation from digitised collections through technological innovation, Proceedings of EVA London 2018, UK.

Cet article a été écrit par @claudioruiz et @scannopolis. Il a été initialement publié sur le site web du Creative Commons ici et traduit dans le cadre du «Translation Sprint» lors du Sommet Mondial CC. Cet article a été traduit par Evelyne Awaad. Il est couvert par la licence internationale CC BY 4.0.

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