AlgiKnit // Conversation avec Asta Skocir, cofondatrice d’AlgiKnit

Sabrina Maroc
Open BioFabrics
Published in
7 min readJun 19, 2020

Texte original en anglais de Wendy Friedman pour Knitting Industry, qui fut publié le 22 février 2018, puis traduit en français avec son aimable autorisation et celle de son éditeur. Merci Wendy Friedman et Knitting Industry.

Trop peu de texte en français parle de cette révolution biotechnologique, qu’est la biofabrication. Aujourd’hui, je vous propose de découvrir Algiknit, une startup américaine qui cultive des matériaux grâce à des dérivés du varech. Cet article fut initialement publié le 12.11.18.

Image Algiknit

AlgiKnit est un groupe de recherche sur les biomatériaux basé à New York. Leur mission: préserver la planète des effets extrêmement nocifs de l’industrie de la mode. Ils ont mis au point un fil compostable à partir de varech. De plus, il peut être tricoté sans déchets, entièrement façonné ou transformé en textile pour des applications dans la chaussure.

Parmi leurs nombreuses réalisations, les membres d’AlgiKnit furent conférenciers à MAGIC, invités à exposer à la Clinton Global Initiative, ont remporté le prix National Geographic “Chasing Genius” et ont reçu des subventions du programme RebelBio Accelerator à Londres.

Wendy Friedman s’est entretenue avec la co-fondatrice et professeure Asta Skocir du F.I.T (Fashion Institute of Technology) pour en savoir plus sur les desseins d’AlgiKnit pour devenir un leader dans la fabrication durable.

Comment AlgiKnit a-t-il démarré ?

AlgiKnit est né de BioEsters, le concept primé lors du premier Biodesign Challenge en 2016. Les étudiants en lice présentaient des idées de conception biologique innovantes, qui pourraient avoir un impact positif sur la planète. En tant qu’équipe gagnante représentant le F.I.T., l’école a contribué à soutenir nos recherches et nous a permis de lancer notre entreprise. AlgiKnit est en fin de compte une collaboration entre scientifiques et designers.

Echantillon en tricot d’AlgiKnit

Parlez-nous de votre recherche et du développement initial. Quelles ont été vos frustrations et de vos réussites ?

Le produit a beaucoup évolué depuis nos premiers essais. Nous avons commencé par expérimenter avec une gamme de biopolymères comme la chitine, la cellulose microbienne et l’agar. Nous avons ensuite essayé de travailler avec des feuilles de cuir microbien. En tant que créatrice de tricots, j’ai essayé différentes techniques comme le gaufrage avec un motif de tricot pour créer un matériau plus intéressant, puis de le découper en bandes pour le tricoter. Nous avons constaté que les feuilles de cuir microbien n’étaient pas très performante comme textile. Nous devions donc repenser à notre façon de faire.

AlgiKnit: bains de teinture naturelle

Nous sommes finalement passés à la création d’un fil de filament. Notre formule originale a produit une fibre. Ce procédé a transformé nos échantillons de tricot en quelque chose de comparable aux nouilles ramen séchées après avoir été exposés à l’air. Nous avons donc dû continuer à reformuler notre recette et nos matériaux. Pour obtenir finalement une fibre qui ne se déshydrate pas, et qui conserve sa forme tout en possédant une bonne résistance à la traction.

Quel est le procédé de fabrication du filament ?

Nous extrayons un polymère de varech, l’un des ingrédients utilisés pour fabriquer notre bioyarn. Nous créons ensuite un hydrogel que nous extrudons dans un bain de durcissement qui réticule les chaînes de polymères pour crée un filament. De là, nous l’enroulons et le déposons sur des cônes. Le bioyarn qui en résulte a des propriétés similaires à celles d’une fibre polyester.

Image de materialdriven

Quelle est la force de votre bioyarn par rapport aux autres fibres ?

Nos premières constatations montrent qu’il est plus résistant que le coton et la laine. Un seul monofilament est 4x plus résistant que le fil de coton plié 10/2 auquel nous l’avons comparé. Nous avons plusieurs itérations de notre filament maintenant ; l’un des bioyarns a une résistance à la traction similaire à celle d’un monofilament de nylon.

Alors pourquoi du varech ? Comment les vêtements qui en sont faits contribuent-ils à la réduction des déchets ?

Le varech est l’un des organismes qui croît le plus rapidement sur terre. Il est facilement disponible, rapidement renouvelable, facile à récolter et complètement biodégradable. Le varech absorbe également le CO2, ce qui constitue un tampon essentiel contre les effets du changement climatique et peut traiter les eaux de ruissellement des engrais agricoles, empêchant ainsi la destruction des habitats de la vie marine.

En tricotant la matière au lieu de la tisser, nous sommes en capable de façonner un vêtement ou “tricoter sur mesure” qui permet de fabriquer un produit sans déchets. Nous envisagions essentiellement un cycle en circuit fermé: en utilisant des matériaux qui génèrent très peu de gaspillage et qui se décomposent à la fin du cycle de vie naturel du produit, plutôt qu’un matériau qui se retrouverait dans un site d’enfouissement et dont la durée de vie dans ce environnement dépasserait largement sa vie utile comme produit.

Le varech se décompose-t-il facilement ?

Les vêtements fabriqués à partir de notre bioyarn sont entièrement biodégradables et se décomposent assez rapidement dans un environnement microbien approprié.

Débardeur entièrement façonné en tricot d’AlgiKnit

Dites-nous quels vêtements vous avez fabriqués jusqu’à présent avec votre bioyarn.

Nous avons créé débardeur entièrement tricoté à la main, qui a été dévoilé lors du premier événement TED x FIT en octobre 2017. Depuis nous avons été en mesure d’affiner le produit en développant des tailles de fils plus fines, dont l’une est magnifique avec une faible brillance.

Le matériau est entièrement naturel, donc même s’il a des propriétés similaires à celles du polyester, il s’agit d’une fibre totalement respirante.

Puisque vous voulez utiliser votre bioyarn pour la mode, sera-t-il disponible en couleurs ?

Notre fil prend magnifiquement la couleur ! Il absorbe facilement le pigment naturel, que nous pouvons incorporer directement dans la pâte de biopolymère avant l’extrusion. Cela nous permet d’éviter les grandes demandes en eau, et la toxicité des procédés de teinture synthétique généralement utilisés dans l’industrie.

L’équipe participe actuellement au programme RebelBio Accelerator d’une durée de 3 mois ; qu’apprenez-vous et comment cette expérience vous aidera-t-elle à progresser ?

Faire partie de RebelBio a été incroyable en termes d’exposition à un public international, et aussi pour nous mettre en contact avec d’autres entreprises qui sont des actrices du changement dans ce domaine. Plus nous sommes visibles, plus les groupes intéressés peuvent nous trouver facilement et nous aider à atteindre nos objectifs. Gagner ces compétitions, c’est comme aller de l’avant avec les stéroïdes !

Nous avons déjà commencé à présenter notre matériel à diverses entreprises, et nous explorons des partenariats avec des fabricants afin de pouvoir mettre notre matériel à l’échelle pour la production.

Nous avons également expérimenté de nouvelles technologies, et des techniques non traditionnelles de filage et de pliages, en participant au programme. Par exemple, nous explorons l’électrofilage de notre hydrogel et son extrusion à l’aide d’une imprimante à gel 3D.

Nous aimerions aussi rendre notre prototype de baskets AlgiKicks performant, en un produit entièrement biodégradable à base de varech. Les parties supérieures seraient tricotées à la machine en bioyarn. Tandis que les matériaux malléables d’AlgiKnit serviraient à la création du support et de la semelle imprimés 3D.

AlgiKicks- Image avec la permission d’Aaron Nesser

Quel est le but ultime d’AlgiKnit et qu’est-ce qu’il vous faudra pour y arriver ?

L’objectif ultime est de faire évoluer notre matériau jusqu’à ce qu’il puisse être testé et tricoté sur une machine à tricoter industrielle. J’aimerais beaucoup le voir remplacer complètement le polyester, et grâce à plus de R&D nous pensons que nous pouvons faire autre chose qu’un monofilament pour produire des matières tout aussi bien que la laine. J’adorerais voir Stella McCartney utiliser notre fil.

Pour y arriver, il faut vraiment du temps et de l’argent pour poursuivre nos recherches. Nous avons été invités à prendre la parole à de nombreuses conférences, ce qui nous aide indéniablement à mieux faire connaître notre entreprise. Nous avons récemment présenté à Plug & Play Fashion for Good à Amsterdam, Design Indaba à Cape Town et nous allons bientôt parler au Clustermarket’s — Science Entrepreneur Club lors d’un événement intitulé “How to Build Next Generation Life Science Companies”.

Nous pensons avoir quelque chose d’important à dire et les gens semblent écouter, alors nous allons rester concentrés et continuer à aller de l’avant.

À bientôt pour de nouveaux articles, d’ici là: souriez 😄. Cela rend heureux.se.

😃 Pour me contacter: Linked In ou mon compte Twitter

Pour aller plus loin loin

À bientôt pour de nouveaux articles, d’ici là: souriez 😄. Cela rend heureux.se.

😃 Pour me contacter: Linked In ou mon compte Twitter

--

--

Sabrina Maroc
Open BioFabrics

Écris pour Open BioFabrics (biofabrication) , Installation en libéral (médical) et mon propre compte Sabrina Maroc (fashion tech et artisanat)