En Jordanie, la sécheresse menace les cultures et l’accès à l’eau potable

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4 min readMay 8, 2021

Auteur : AFP

Selon les experts, la Jordanie connait une des plus graves sécheresses de son histoire et le pire est à venir. Les précipitations pourraient chuter de quasiment un tiers d’ici 2100, tandis que la température moyenne augmenterait de quelque 4,5 degrés.

Vue aérienne depuis la Jordanie de la mer Morte, où le niveau des eaux baisse fortement en raison de la sécheresse, le 20 avril 2021 © AFP/Khalil MAZRAAWI

Ahmad Daoud arpente ses plants de tomates mais son champ n’est cette année que désolation en raison de la sécheresse extrême qui frappe la Jordanie, un des pays les plus pauvres au monde en eau.

Le cultivateur marche sur une terre craquelée et maculée de taches blanchâtres dues aux remontées de sel. Accablé, il balaie du regard ses tomates, pas plus grosses que des billes, desséchées avant d’avoir muri.

“Regardez comment la terre a soif. Tout ce que j’ai planté sur mes 50 dounams (5 hectares) est mort. S’il y avait eu de l’eau, cette tomate aurait eu la grosseur de mon poing”, lâche le métayer pakistanais de 25 ans.

Né en Jordanie de parents arrivés dans le pays en 1976 comme quelque 3 200 Pakistanais ayant emménagé dans le royaume à partir des années 1960, Ahmad loue son champ à des propriétaires jordaniens à Ghor al-Haditha, au sud de la mer Morte.

Dans cette région située à 80 km au sud d’Amman, la terre est riche et les fermes maraîchères nombreuses. Mais aujourd’hui, c’est l’affliction.

“Nous souffrons habituellement de pénurie d’eau, mais cette année, c’est bien pire. Quand elle arrive, le débit est trop faible pour arroser nos cultures ou remplir nos réservoirs”, explique Daoud.

La saison des pluies, qui s’étend d’octobre à fin avril, a été très faible cette année. Les précipitations se sont élevées à 4,5 milliards de mètres cubes, affirme à l’AFP Omar Salameh, directeur de la communication au ministère de l’Eau et de l’Irrigation, soit 60% seulement du volume qui arrose d’habitude le pays.

“La situation est critique”, résume-t-il. Dans une ferme proche de celle de Daoud, Ibrahim Dgheimat, accablé par la chaleur, désespère.

“Normalement, je cultive sur mes 90 dounams (9 hectares) des poivrons, des tomates, des aubergines, des courgettes et des choux. Mais cette année, les deux tiers de ma récolte ont été détruits par le manque d’eau”, assure cet agriculteur de 43 ans.

“Mes pertes s’élèvent à plus de 30 000 dinars (environ 35 800 euros). Je n’ai pas de quoi payer ces ouvrières”, ajoute-t-il en regardant huit femmes ramasser des haricots verts.

D’autant que les prix ont chuté en raison de la pandémie. Les exportations de fruits et légumes ont baissé de 20% en 2020 avec la fermeture des frontières alors que les hôtels et les restaurants travaillent au ralenti.

“Ce sont cinq mois d’efforts qui vont partir en fumée, je m’apprête à brûler la récolte pour préparer celle de l’an prochain”, déplore Daoud.

Au-delà de l’irrigation des cultures, la sécheresse pourrait réduire l’accès des Jordaniens à l’eau potable.

“La part annuelle d’eau par habitant est passée de 3 400 mètres cubes en 1946 à moins de 100 mètres cubes aujourd’hui, en raison de la baisse des précipitations, du réchauffement climatique, de la croissance démographique et des afflux successifs de réfugiés”, affirme Salameh, ce qui fait de la Jordanie un des pays les plus pauvres en eau du monde.

Tout usage compris (eau potable ou non), la Jordanie a besoin d’environ 1,3 milliard de mètres cubes d’eau par an, mais les quantités disponibles tournent autour de 850 à 900 millions de mètres cubes.

Cette année, les réserves des trois barrages d’eau potable, ont atteint un seuil critique de 41 millions de mètres cubes, soit un tiers de leur capacité normale.

En outre, la consommation d’eau potable dans les foyers a augmenté de 10% depuis la pandémie car beaucoup travaillent chez eux et les cours se font à la maison.

Le pays pourrait donc manquer de 40 millions de mètres cubes pour subvenir à ses besoins et Salameh a donc appelé les habitants à “rationner leur consommation”.

Aux termes de l’accord de paix de 1994, Israël fournit gratuitement au royaume 55 millions de mètres cubes d’eau tous les ans, selon Amman.

Cette année, la Jordanie a demandé à son voisin de lui fournir un surplus de huit millions de mètres cubes. L’Etat hébreu n’a finalement accepté de lui en vendre que trois millions supplémentaires.

Pour combler le déficit, la Jordanie va devoir pomper dans les nappes phréatiques, affirme Salameh. Et surtout tenter d’empêcher le sabotage des canalisations, une pratique courante pour s’approvisionner gratuitement en eau.

En proie à une sécheresse chronique aggravée par le changement climatique, l’ouest des Etats-Unis a subi en 2020 des feux de forêt d’une ampleur exceptionnelle, avec 33 morts et plus de 17 000 km carrés incendiés rien qu’en Californie.

Cette année encore, les autorités s’attendent au pire et ont déjà commencé à prendre des mesures face à la sécheresse qui s’annonce pour la deuxième année consécutive.

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