La responsable du climat de l’ONU : La crise ukrainienne ne doit pas retarder l’action mondiale

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4 min readMar 9, 2022

Auteur : Reuters

Alors que Patricia Espinosa s’apprête à quitter son poste de responsable du climat à l’ONU, elle lance un avertissement au monde entier : “L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit pas distraire les dirigeants de l’escalade de la crise climatique.”

Secrétaire exécutif de la CCNUCC, Patricia Espinosa. Source : United Nations climate change via Flickr / CC BY 2.0

Même si la guerre cause “tant de souffrances”, le réchauffement climatique reste “la menace qui croît le plus rapidement pour l’espèce humaine sur la planète”, a déclaré Espinosa à Reuters.

Espinosa a indiqué qu’elle prévoyait de quitter son poste de secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à l’issue de son second mandat de trois ans, qui prendra fin en juillet.

La CCNUCC est le traité de 196 pays qui organise les négociations mondiales sur la lutte contre le changement climatique.

“C’est un ordre du jour qui ne peut être reporté”, a-t-elle affirmé, ajoutant les préoccupations en matière de sécurité énergétique suscitées par la guerre, la Russie est un important fournisseur mondial de combustibles fossiles, cela pourraient inciter les pays à se tourner vers les énergies propres.

L’Union européenne a publié mardi 8 mars des plans pour se sevrer des combustibles fossiles russes, pour des raisons de sécurité. L’Allemagne, la plus grande économie d’Europe a également accéléré son passage aux énergies renouvelables. L’Europe obtient 40 % de son gaz de la Russie.

“Il s’agit d’un changement très important dans la manière dont la question de la transition énergétique est abordée”, selon Espinosa.

Moscou affirme que son action en Ukraine est une “opération spéciale” visant à désarmer son voisin et à arrêter les dirigeants qu’elle qualifie de “néonazis”. L’Ukraine et ses alliés occidentaux affirment qu’il s’agit d’un prétexte pour une invasion visant à conquérir un pays de 44 millions d’habitants.

Les mesures prises par les pays pour échapper à la dépendance à l’égard de l’énergie russe pourraient toutefois entraîner une utilisation accrue du charbon au niveau national. Depuis l’invasion, l’Allemagne a également annoncé son intention de construire des terminaux pour recevoir du gaz d’autres pays.

Mais les analystes climatiques se sont fait l’écho de l’espoir d’Espinosa de voir la crise géopolitique marquer un pivot pour l’action climatique mondiale.

Rien n’indique pour l’instant que “le climat sera écarté de l’agenda politique ou fiscal des gouvernements”, selon Alex Scott, responsable de la diplomatie climatique au sein du groupe de réflexion E3G. Les gouvernements peuvent “gérer les réponses à ces deux crises”.

Lorsque Espinosa a pris ses fonctions en 2016, l’action climatique mondiale était à son apogée. Quelques mois auparavant, les négociations de l’ONU sur le climat avaient abouti à l’Accord de Paris, engageant les pays à limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius au-dessus des températures préindustrielles, et à viser 1,5°C.

Au cours des années qui ont suivi, des millions de personnes dans le monde se sont mobilisées en faveur de l’action climatique. Des pays, dont les deux plus gros pollueurs : la Chine et les États-Unis, ont renforcé leurs objectifs de réduction des émissions. Plus de 80 % de la nouvelle capacité électrique ajoutée en 2020 était renouvelable.

Pourtant, les émissions mondiales de CO2 continuent d’augmenter. Les fonds promis par les pays riches pour aider les nations les plus pauvres à lutter contre le changement climatique ne sont pas arrivés. Et le réchauffement de 1,1°C déjà observé a aggravé les phénomènes météorologiques extrêmes, qu’il s’agisse de vagues de chaleur et d’averses mortelles ou d’incendies de forêt catastrophiques. La semaine dernière, un rapport des Nations unies sur les sciences du climat a mis en garde contre une escalade de la destruction si les pays ne parviennent pas à réduire leurs émissions et à se préparer à une planète plus chaude.

“Nous avons avancé dans la bonne direction”, a confié Espinosa. “Mais en même temps… bien sûr, j’aurais souhaité que nous obtenions davantage.”

Le sommet des Nations unies sur le climat, la COP26, qui s’est tenu en novembre, a permis de conclure un accord selon lequel les pays amélioreront leurs engagements en matière de réduction des émissions cette année, étant donné que les plans actuels ne parviendraient pas à limiter le réchauffement à 1,5°C.

Espinosa a affirmé qu’elle consacrerait les derniers mois de son mandat à obtenir des engagements plus ambitieux en vue du prochain sommet des Nations unies sur le climat, la COP27, qui se tiendra en Égypte en novembre.

Elle fera également avancer les discussions controversées sur la manière de gérer les “pertes et dommages” causés par les catastrophes liées au climat dans les pays les plus pauvres. Les demandes de financement des pays vulnérables pour l’indemnisation des catastrophes ont jusqu’à présent été rejetées par les pays riches dans le cadre des négociations de l’ONU.

Espinosa a expliqué qu’elle n’avait pas de projets spécifiques pour la période suivant son départ, mais qu’elle espérait continuer à contribuer à la durabilité environnementale. Les Nations unies n’ont pas encore entamé le processus de nomination de son successeur.

“Le plus grand défi que devra relever son successeur à la CCNUCC”, a-t-elle stipulé, est la rapidité, un test pour un processus qui peut prendre des années pour négocier un seul accord entre ses quelque 200 pays.

“Ce qui est très important, c’est de faire naître un sentiment d’urgence dans ce processus”, selon Espinosa. “Nous n’avons plus le temps de faire des progrès graduels.”

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