Seules des réductions drastiques des émissions permettront d’éviter les extrêmes climatiques, selon un rapport de l’ONU

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4 min readApr 7, 2022

Auteur : Reuters

Réduire radicalement l’utilisation des combustibles fossiles. Faire pousser des forêts et manger moins de viande. Ce ne sont là que quelques-unes des mesures à prendre au cours de la présente décennie pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius au-dessus des températures préindustrielles, selon un important rapport de l’agence des Nations unies pour la science du climat publié lundi 4 avril.

António Guterres, homme politique portugais occupant depuis 2017 le poste de neuvième secrétaire général des Nations unies. Source : Faces Of The World via Flickr / CC BY 2.0

Malgré les avertissements sur le changement climatique émis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) depuis 1990, les émissions mondiales ont continué à augmenter au cours de la dernière décennie, atteignant leur point le plus élevé de l’histoire.

Résultat : les émissions mondiales sont en passe de dépasser la limite de réchauffement de 1,5 degré C envisagée dans l’Accord de Paris de 2015 et d’atteindre quelque 3,2 degrés C d’ici la fin du siècle.

“Nous avons quitté la COP26 à Glasgow avec un optimisme naïf, fondé sur de nouvelles promesses et de nouveaux engagements”, a déclaré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors de la publication du rapport. “Mais les promesses actuelles en matière de climat signifieraient encore une augmentation de 14% des émissions. Et la plupart des grands émetteurs ne prennent pas les mesures nécessaires pour tenir ces promesses, même insuffisantes.”

À ce stade, seules de sévères réductions des émissions au cours de cette décennie dans tous les secteurs, de l’agriculture et des transports à l’énergie et aux bâtiments, peuvent renverser la situation, indique le rapport. Même dans ce cas, les gouvernements devront également redoubler d’efforts pour planter davantage d’arbres et développer des technologies susceptibles d’éliminer une partie du dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère après plus d’un siècle d’activité industrielle.

“C’est maintenant ou jamais”, a affirmé Jim Skea, coprésident du GIEC, dans une déclaration accompagnant le rapport, le dernier d’une série de trois rapports du GIEC, le prochain cycle d’examen n’étant pas prévu avant au moins cinq ans.

Alors que d’autres rapports récents du GIEC portaient sur les dernières découvertes de la science du changement climatique ainsi que sur les moyens de s’adapter à un monde plus chaud, celui de lundi s’est attaqué aux moyens de réduire les émissions, ce qui en fait l’un des rapports les plus controversés du lot pour les gouvernements.

Certains scientifiques ont qualifié le processus “d’atroce”, et le GIEC a été contraint de retarder de six heures la publication du rapport lundi.

L’approbation finale du résumé clé du rapport à l’intention des décideurs politiques, qui requiert l’approbation de tous les pays, a fait suite à un week-end marathon d’heures supplémentaires au cours duquel les responsables gouvernementaux ont ergoté sur la formulation du rapport.

“Les différents pays ont des intérêts différents”, selon Jan Minx, co-auteur du GIEC et climatologue. “Chacun veut s’assurer que ses préoccupations sont prises en compte… mais les scientifiques ont le dernier mot.”

Dès la publication du rapport, le responsable de la politique climatique de l’UE, Frans Timmermans, a exhorté les responsables politiques européens à redoubler d’efforts pour mettre fin à la dépendance au charbon, au gaz et au pétrole russes.

“La guerre en Ukraine n’a fait que renforcer notre sentiment d’urgence, car désormais, personne ne peut trouver d’excuse, à mon avis, pour ne pas accélérer la fin de la surutilisation des combustibles fossiles”, d’apres Timmermans au Parlement européen. “Nous ne pouvons pas continuer à importer des quantités massives de combustibles fossiles”.

Alors que les précédents rapports du GIEC sur l’atténuation des émissions de carbone avaient tendance à se concentrer sur la promesse d’alternatives de combustibles durables, comme l’énergie solaire et éolienne, le nouveau rapport souligne de manière unique la nécessité de réduire la demande des consommateurs.

“La plupart des gens supposaient que la réduction de la demande pouvait être obtenue par des améliorations de l’efficacité”, a confié l’anthropologue économique Jason Hickel de la London School of Economics. “Mais les preuves que nous avons maintenant suggèrent que cela ne sera pas suffisant en soi”.

Sans une contraction de la demande énergétique, note le rapport, il sera presque impossible de réduire rapidement les émissions d’ici la fin de la décennie pour maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 degré C.

“Accepter un mode de vie moins consommateur est presque la seule mesure politique à action rapide qui nous reste pour prévenir les effets désastreux du changement climatique”, a indiqué Daniel Quiggin, chercheur en environnement à l’institut politique britannique Chatham House.

Cette “atténuation du côté de la demande”, comme le dit le rapport, fait peser sur les gouvernements la responsabilité d’adopter des politiques qui encouragent les choix durables. Il s’agirait par exemple d’investir dans les pistes cyclables et les transports publics tout en bloquant l’accès des voitures aux centres-villes afin d’influencer le choix du public.

Selon le rapport, une telle action pourrait ralentir la croissance économique de quelques points de pourcentage à court terme, mais ces pertes seraient compensées par les avantages économiques découlant de la prévention des changements climatiques extrêmes.

Il y a dix ans, la réduction de la demande était “politiquement inacceptable”, a expliqué Quiggin. “Mais aujourd’hui, avec la pandémie et la crise russo-ukrainienne, nous assistons (…) à un début de volonté politique. Lorsque les gens apprécient réellement l’ampleur d’une crise et les problèmes qu’elle peut engendrer, ils sont prêts à réduire leur consommation.”

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