Burn-out : comment gérer votre période d’arrêt ?
Le burn-out est un processus en plusieurs étapes. L’une d’entre elles est le temps de l’arrêt : arrêt de travail pour les salariés, interruption d’activité pour les entrepreneurs et professionnels libéraux.
Se retrouver en arrêt de travail ou interruption d’activité pour épuisement professionnel constitue un grosse zone de turbulences dans la vie d’un individu, voire parfois un véritable traumatisme.
Contrairement aux idées reçues selon lesquelles « un peu de repos et on repart », se remettre d’un burn-out ne se fait pas en quelques jours de repos. C’est un processus au sein du processus plus large qu’est le burn-out. Cette étape au cours de laquelle la vie professionnelle doit s’arrêter, pour des raisons évidentes de fatigue et parfois même de survie, mérite que l’on s’y arrête pour mieux la préparer et contribuer, à notre échelle, à une meilleure compréhension de ce mécanisme sournois de l’épuisement professionnel. Nous avons donc décidé d’y consacrer la 9ème édition des Samedis du Burn-Out qui s’est tenue le 9 septembre dernier.
Notre 1er constat, aussi évident soit-il, mérite d’être étayé : personne ne souhaite être arrêté pour burn-out. Bien souvent d’ailleurs, les victimes d’épuisement professionnel n’acceptent pas de s’arrêter « à temps » : elles poussent leur (sur)investissement jusqu’à ce qu’un proche ou le médecin ne leur laisse plus le choix : « tu dois t’arrêter ! ça suffit maintenant ! on arrête les dégâts ! » ou qu’elles se retrouvent un matin dans l’impossibilité physique de mettre en pied au sol et de se lever. Mais au-delà de cette forme de résistance, on constate en pratique deux types de réaction à l’annonce de la « sentence médicale » prescrivant l’arrêt : un soulagement et/ou une non-acceptation du verdict.
L’annonce de l’arrêt est effectivement parfois perçue comme un choc, un traumatisme, surtout chez les « workaholic », les plus perfectionnistes ainsi que les personnes pour qui la valeur « Travail » est érigée en principe de vie (souvent, d’ailleurs, par héritage familial). L’arrêt est toutefois toujours, et nous insistons sur le toujours, salvateur. Perturbant, dur à gérer certes, éprouvant certes, mais salvateur : vous en avez besoin ! Ce n’est ni un luxe, ni un confort. C’est une urgence. Développons notre propos en étudiant de près le point de départ de cette période d’interruption d’activité.
- La prescription de l’arrêt
Comme indiqué précédemment, l’arrêt est souvent vécu comme un moment extrêmement difficile chez les personnes en situation d’épuisement professionnel, soit parce qu’elles sont en plein déni et considèrent qu’elles peuvent encore donner de leur personne et qu’elles ne s’écrouleront pas (« pas moi ! »), soit parce qu’elles subissent la « sentence » du médecin comme une punition.
Contrairement aux idées reçues, la personne victime de burn-out n’a qu’une envie : travailler. Elle aime travailler : elle n’aime pas forcément son travail, mais elle aime travailler ! Elle est studieuse, investie, engagée, rigoureuse, voire bien souvent perfectionniste. Fonctionnant souvent à 100 à l’heure, se voir tout à coup obliger de ralentir ou de ne plus rien faire peux complètement désarçonner l’individu obligé de s’arrêter. Cela peux même être une source d’effondrement pour certain(e)s. Passer d’une vie plus que remplie à du vide, et cela du jour au lendemain, est fort perturbant. En ce sens, l’arrêt peux psychologiquement s’avérer très dur et constituer en lui-même une source de souffrance à part entière. Il est pourtant plus que nécessaire.
Par ailleurs, le fait d’être mis sur le « banc de touche » de l’entreprise ou de l’organisation pendant quelques temps, provoque souvent des mécanismes tels que l’auto-culpabilisation ou une profonde dévalorisation « je ne sers plus à rien, je ne vaux plus rien ». Le sentiment de honte est fréquemment évoqué chez les épuisé(e)s.
Pourtant, et vous en conviendrez sans doute, à ce stade le burn-out est à son paroxysme : vous êtes épuisé(e), vidé(e), tout vous paraît obscur et sombre. Vous ne vous reconnaissez plus. Vous avez atteint le paroxysme de la fatigabilité. C’est la période où les symptômes (que nous avons déjà évoqué) sont à leur maximum, aussi bien que le plan physique que psychologique.
Il est donc indispensable de vous extraire de votre source de stress et de vous éloigner du travail. Une fois encore, il s’agit d’une situation d’urgence nécessitant impérativement un éloignement du salarié du son environnement professionnel. Tel est le l’objectif à très court terme de l’arrêt : vous extraire de votre lieu de travail.
Le meilleur conseil que nous puissions vous donner pour vivre au mieux (ou le moins difficilement possible) la prescription de votre arrêt est d’avoir confiance en l’avis de votre professionnel de santé (médecin généraliste, du travail ou psychiatre, etc). C’est un professionnel. Il ne vous arrête pas pour rien. Accepter l’arrêt constitue un premier pas vers le rétablissement.
Bizarrement, vous accepteriez sans doute mieux l’arrêt si vous aviez une jambe cassée ou une grippe non ? Pourquoi ? Réflechissez-y…
En tout état de cause, n’hésitez pas à vous faire expliquer par votre médecin (ou autre professionnel) ce qui vous arrive. Posez des questions. Mieux vous comprendrez votre état, moins la situation sera anxiogène pour vous. Et rappelez-vous également que cet arrêt ne signifie qu’une chose : vous ne pouvez, pour le moment, remplir votre mission professionnelle. C’est provisoire et cela ne concerne que ce poste. Votre arrêt de travail ne signifie pas que vous ne pouvez plus travailler tout court. Ce ne sont pas vos compétences qui sont remises en question ici, seulement votre condition physique (et parfois psychologique) qui ne vous permet pas pour le moment d’être opérationnel(le). Profitez-en également pour vous faire prescrire un bilan de santé complet : c’est le bon moment pour vous vérifier d’éventuelles carences, négligées durant votre période de surinvestissement.
Une fois sorti(e) du cabinet du médecin ou du psychiatre, vous voilà seul(e) avec vous-même. S’ouvre alors une période un peu étrange…
2. La période de repos
Il s’agit là d’une période qui, bien souvent, est très difficile. Vous êtes « à plat » , incapable de faire quoi que ce soit. Le moral n’est pas là. Vous êtes soulagée de ne plus retourner au travail mais vous culpabilisez…(« pourquoi moi je n’y arrive pas alors que les autres ne craquent pas », « ils y arrivent eux… », « je suis vraiment faible »…).
Cette période n’est pas faite pour se poser des questions sur la suite (« mais comment vais-je faire pour reprendre ? », « je n’y arriverai jamais »). Elle est faite pour ne pas empirer votre état, pour vous reposer, pour ne rien faire si ce n’est vous préserver. Repos, repos, repos. Dormez, mangez sainement si vous le pouvez, hydratez vous au maximum, cocoonnez-vous. Des exercices physiques très doux peuvent à ce stade vous faire du bien. Revenir au corps est en effet important lors d’un épuisement.
Et ce n’est pas parce que vous êtes à la maison que vous devez passer vos journées à faire le ménage, les courses, à manger, etc. Non ! Vous êtes provisoirement « hors service » ! Il faut vous reposer. Peu importe la poussière s’accumulant ou les machines de retard…Pourquoi cette précision ? Parce que bien souvent la culpabilité de ne pas travailler vous pousse à un surinvestissement cette fois dans la sphère familiale. Stop ! On s’arrête et on récupère !
Vous ne parvenez pas à lire, ni à regarder une série en entier ? Peu importe, regardez les images défiler.
Aucune pression, pas d’auto-injonction et surtout pas de dead-line. Exit les « il faut absolument que je sois à en forme dans 2 semaines, j’ai une réunion super importante ». Vous irez mieux quand vous irez mieux, un point c’est tout. Vous n’êtes pas voyant(e). Personne ne peux prédire la durée nécessaire pour que vous votre corps et votre esprit retrouvent leur énergie nécessaire pour revenir « à la normale ». En revanche, en vous accablant, en culpabilisant ou en ne vous ménageant pas, vous augmentez à coup sûr la durée de votre arrêt. Optez donc pour des mini activités peu consommatrices d’énergie (si c’est prendre votre douche ou descendre chez l’épicier pour acheter de la confiture, c’est déjà très bien !).
A ce stade, n’hésitez évidemment pas à vous confier à un professionnel si ce n’est pas déjà le cas (médecin, psychologue, psychiatre, thérapeute, etc). Mettre de mots sur les maux peux assurément vous faire du bien.
Enfin et à l’évidence (mais il faut le répéter parce que ce n’est pas si évident en pratique) : coupure totale avec votre travail. La déconnexion est de mise, qu’il s’agisse des mails, du téléphone ou autre. Juridiquement parlant, vous êtes en arrêt en donc en droit de ne pas consulter vos mails ou de ne pas donner suite à un appel professionnel.
Ne cherchez pas à retrouver vos capacités physiques ou psychiques en quelques jours, ni quelques semaines. Soyez patient. Cela viendra mais ce n’est pas encore le temps. L’objectif, pour l’heure, est de récupérer un tout petit d’énergie au jour le jour,
Au bout de quelques temps (d’une durée extrêmement variable d’un individu à l’autre), votre énergie reprend ses droits. Vous êtes alors en train de « remonter la pente ».
3. Période de remontée
Passé quelques semaines, vous commencez à récupérer un petit peu d’énergie physique comme psychique. Votre état d’esprit se modifie: vous culpabilisez moins, vous commencez à vous rendre compte de la pertinence de votre arrêt. Acceptation il y a mais avec, en toile de fond, une inquiétude latente concernant votre avenir professionnel. Vous avez peur de la suite. Vous vous posez des questions : « il va falloir reprendre, comment vais-je faire ? », « pourrai-je tenir une journée entière ? ». Bref, vous n’êtes pas serein(e) quant au futur. A ce stade, la case « plaisir » réapparaît tout doucement. Là où vous aviez perdu l’envie de vous plaisir quelques temps auparavant, vous êtes plus enclin(e) à focaliser votre attention sur le fait de vous faire du bien. C’est le bon moment pour travailler sur vos craintes, votre gestion du stress ou votre équilibre de vie. Il s’agit de réinvestir toutes les cases de votre vie délaissées les semaines ou mois précédant votre arrêt (famille, amis, relation au corps, sport, vie spirituelle, etc).
Arrive ensuite la phase dite de consolidation et de projection.
4. Période de consolidation et de projection
Vous avez récupéré aussi bien sur le plan physique que psychologique. Votre optimisme et votre enthousiasme sont bien là. Ils sont revenus. C’est l’heure du retour à une certaine forme de « normalité » : idéalement, vous réinvestissez l’ensemble des pans de votre vie. Pourquoi « idéalement » ? Parce qu’il vous faut veiller à ce stade, et probablement sur du très long terme, à ne plus vous oublier. Il est essentiel de se poser les bonnes questions et de commencer à préparer votre reprise d’activité professionnelle. Tel un athlète bien préparé à une course de fond ou un candidat pour un entretien d’embauche, plus vous aurez préparé votre retour à l’emploi, mieux vous le vivrez. Souhaitez-vous rester sur le même poste, dans la même entreprise, dans le même secteur ? C’est peut-être l’heure de réaliser un bilan de compétences ou un bilan de carrière si ce n’est pas déjà fait. Il peut également s’avérer utile de consulter un(e) avocat(e) si vous envisagez de sortir de votre entreprise.
Pour finir, il est absolument fondamental de vous constituer des garde-fous avant de retourner sur votre lieu de travail (ou d’en changer). Il s’agit d’être capable de déterminer les conditions dans lesquelles vous souhaitez travailler et d’identifier votre rythme de travail. Il vous faut vous fixer de nouvelles limites, respectueuses de votre écologie personnelle. Objectif : ne pas récidiver et mettre en place, en les ancrant, de nouvelles habitudes de vie. N’oubliez pas qu’un épisode d’épuisement professionnel laisse des traces. Votre degré de fatigabilité et votre résistance au stress s’en trouvent fréquemment impactés. Il est dès lors prudent d’anticiper et de vous créer un environnement de vie, et de travail, propice à un meilleur équilibre.
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Pour en savoir plus sur le sujet : Marina Bourgeois. Burn-Out. Le (me) comprendre & en sortir, 2018.