Burn-out : le système nerveux sur-stimulé en permanence

Marina Bourgeois
Oser Rêver Sa Carrière
6 min readJul 2, 2020

Catherine, membre de notre groupe Facebook Burn-out : parlons-en témoigne de son burn-out pour nos lecteurs.

Catherine, pour toi, qu’est-ce que le burn-out ? Comment le définirais-tu ? Pour moi le terme épuisement professionnel est très approprié. Un épuisement physique, mental et émotionnel lié à un manque de sens au travail, et une relation malsaine avec le travail. Aussi, une sur-stimulation du système nerveux, qui se dérègle et est toujours en mode « urgence ».

A quel âge t’est-ce arrivé ? Ça m’est arrivé 2 fois, à 38 ans et à 42 ans

L’as-tu senti arriver ? Des signes annonciateurs ? La première fois j’ai vécu différentes déceptions liées au travail. Des non-sens. Je perdais graduellement ma motivation. Puis j’ai réalisé que je n’étais pas bien émotionnellement, j’avais des réactions disproportionnées. Je suis tombée malade, une bronchite-sinusite, puis je ne suis pas arrivée à me relever. J’étais de plus en plus fatiguée. C’est le médecin qui a diagnostiqué un « petit burn-out ».
Toutefois, je ne l’avais pas vu venir. La deuxième fois j’étais à nouveau dans une situation très compliquée au travail, une surcharge de travail et un manque de soutien depuis plusieurs mois. J’ai réalisé que je travaillais trop et que je n’arrivais plus à me reposer, comme si mon système nerveux était toujours à « on ». Je vivais beaucoup de stress, je me sentais anxieuse. Les signes annonciateurs ont été que j’ai pleuré en ouvrant mon ordi (le week-end) et j’étais essoufflée en parlant au téléphone. J’avais un gros
effort au boulot (une étude de terrain) et j’avais l’impression que j’allais me retrouver totalement vidée si j’y allais. En l’espace de quelques jours,
j’ai vu une psy et j’ai parlé à ma coach. Je leur ai dit que j’avais besoin d’aide
pour ne pas faire de burn-out à Noël (nous étions début novembre). J’ai eu du soutien immédiat et elles m’ont aidé à réaliser mon état. Puis je suis allée voir un médecin. Je crois avoir réussi à arrêter avant d’être vraiment rendue au bout du rouleau.

Comment ton burn-out s’est-il manifesté ? Je vais parler de mon 2 ème
burn-out. Je l’ai vraiment vécu comme une maladie/défaillance du système
nerveux. J’ai réalisé à quel point j’avais besoin de repos. Je me sentais dans une spirale, comme si je ne pouvais pas m’arrêter de travailler. Quand j’ai été en arrêt je me suis vraiment sentie « à plat ». J’ai eu besoin de temps avant de sentir que mon cerveau se calmait. C’est comme si je travaillais encore mais je ne travaillais plus. J’étais sur-stimulée, sur-excitée. Puis, j’ai beaucoup dormi, j’ai repris le yoga, la méditation, j’ai ralenti. Pendant plusieurs mois, j’ai eu l’impression d’avoir contemplé le précipice, la spirale, puis de m’en être éloignée d’un pas. Je me voyais facilement retomber dans mes patterns. J’avais peur de moi, peur de retourner au travail et de perdre
le contrôle à nouveau. J’ai été très chanceuse d’avoir un médecin qui m’a donné le cadeau de guérison le plus précieux : du temps. Il m’a aussi encouragée à faire des choses que j’aimais, me retrouver dans la nature par exemple.

Où en es-tu aujourd’hui ? Je suis de retour au travail depuis plus d’un an. J’ai lu sur le burn-out, j’ai été accompagnée par une psy. Un
livre qui m’a fait beaucoup de bien parlait du BO comme un manque d’estime de soi, entraînant un grand désir de plaire et de tout faire à la perfection. J’ai
travaillé sur mon estime de moi. Sur mes limites.
Aussi, j’ai poursuivi mes démarches avec ma coach, afin d’arriver à mieux
identifier ce qui clochait à mon travail. J’ai réalisé ce que je voulais changer, ce
qui me stimulerait davantage comme environnement, type de travail, un léger
changement par rapport à mon domaine actuel et d’autres rôles et tâches, qui
feraient plus de sens. Un moment fort de mon processus de guérison a été à l’automne dernier, quand la situation est redevenue tendue au boulot. Je me suis sentie dévalorisée, et je me suis sentie replonger dans cette spirale. Pendant quelques semaines, j’ai à nouveau bossé comme une folle sur un rapport — parce qu’on avait critiqué mon travail et je voulais « prouver » que je pouvais faire du bon travail. Puis, j’ai eu une séance de coaching qui m’a fait réaliser à quel point je m’étais à nouveau perdue de vue, et que j’allais foncer à nouveau dans le mur si je continuais comme ça. J’ai trouvé tellement ironique de m’être à nouveau autant défoncée dans mon travail, mais cette fois en sachant que ce travail ne faisait plus de sens pour moi et que je voulais le changer. Cette prise de conscience m’a emmenée à voir mon investissement dans le travail autrement. Si je ne voulais pas retomber dans l’épuisement, il fallait que je fasse attention sur une base quotidienne à ma relation au travail. Quand je m’arrête. Quand je pousse trop. Quand je veux tellement bien faire les choses et tout terminer. Quand j’en fait trop, quand j’en fais plus que les autres. J’ai décidé de prendre une semaine de vacances à la mer dans un centre de yoga. J’ai beaucoup réfléchi à la notion de limite, et j’ai relu un livre sur le BO qui m’avait fait du bien.

Cet épuisement a-t-il changé ta perception du travail ? Oui, tout à fait. Je valorise davantage de faire un travail qui fait du sens. Pour l’instant,
j’ai encore l’impression de ne pas être pleinement alignée avec ce que je veux, car je n’ai pas encore changé de travail. Toutefois, la différence est que je sais
davantage ce que je veux. Ça m’a pris beaucoup de temps à le clarifier. J’ai aussi davantage confiance et sais qu’en étant patiente et à travers des petits pas, le changement souhaité viendra. Aussi, je perçois maintenant que le travail va toujours me demander « plus ». Le travail n’est jamais content de mon investissement. Donc c’est à moi à dire « c’est assez pour aujourd’hui ». C’est extrêmement difficile pour moi de partir en laissant quelque chose d’incomplet. J’apprends à vivre avec cet inconfort. C’est un travail constant.
J’aimerais dire que je vois le travail comme une partie de la vie, et qu’il y a
d’autres choses que je valorise autant. Toutefois, j’ai encore tendance à me
valoriser par mon travail. Aussi, je suis une personne ambitieuse, et j’ai un
grand désir de « contribuer » à travers mon travail. Donc je continue de voir le
travail comme un grand moyen de réalisation de mon plein potentiel. Je pense
que je suis comme ça, plus que d’autres personnes. Je réalise aussi que si je ne
fais que travailler, je ne serai pas non plus heureuse. Je valorise donc l’équilibre, avec le travail comme une composante. Toutefois, je
suis bien consciente de la (trop) grande place que j’accorde (encore) au travail.
J’imagine qu’en étant « pleinement » satisfaite dans mon travail, ou du moins
sentir que je suis dans le « bon bâteau » pour cheminer, je vais être aussi plus
sereine dans les autres aspects de ma vie, notamment mes relations. Je veux
changer de travail, pour ensuite arriver à faire les autres changements que je
souhaite dans ma vie (déménagement, relation amoureuse).

Pour t’en sortir, quelles béquilles as-tu utilisé ? J’ai regardé des séries pour me vider la tête quand j’étais épuisée. J’ai été paresseuse. J’ai fait du yoga, presque quotidiennement. J’ai loué des chalets en campagne. Ma psy (approche ACT) a été essentielle, en m’accompagnant dans mes prises de
conscience. J’aimerais dire que j’ai beaucoup dormi, mais ce n’est pas tant le cas. Disons juste que je suis arrivée à dormir 8h/8h30 par nuit, paisiblement,
régulièrement.

Comment vis-tu ta reprise ? Ma reprise se passe bien car j’ai des collègues
géniaux. Toutefois, je vois la toxicité de mon milieu de travail plus clairement, le manque de reconnaissance et ma tendance à me laisser ré-embarquer dans la spirale du sur-travail super facilement. Je réalise aussi que je suis très
« poreuse » au stress des autres. Si je sens que mes collègues sont stressés,
anxieux ou ont des attentes, j’absorbe le stress et j’entre dans la spirale (ou du
moins, j’y met le pied). J’ai donc besoin d’une grande vigilance. Malgré tout, je suis maintenant convaincue que je ne ferai pas de nouveau BO. Même si je ne suis pas 100% rétablie car je peux retomber facilement dans mes
anciens travers, j’ai confiance dans le fait que je peux mettre un frein et me sortir du sur-travail et de la performance à tout prix. Je vois maintenant les demandes irréalistes comme des absurdités, et j’arrive de plus en plus à garder une distance par rapport à l’énergie que mon travail me demande.

Merci beaucoup Catherine pour ton témoignage !

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Marina Bourgeois, Directrice d’Oser Rêver Sa Carrière

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