Elle a réalisé le documentaire “La mécanique burn-out”. Interview d’Elsa Fayner

Marina Bourgeois
Oser Rêver Sa Carrière
5 min readApr 20, 2018
Documentaire La mécanique du burn-out. Elsa Fayner

Pour comprendre cet effondrement professionnel mais également personnel qu’est le burn-out, Elsa Fayner a choisi d’écouter celles et ceux qui l’ont vécu. Son documentaire La mécanique du burn-out, aussi poignant que fascinant, nous plonge dans la chute de cinq personnes aux vies et carrières très différentes.

Marina Bourgeois : Bonjour Elsa, merci d’avoir accepté cette interview !
Elsa Fayner : Je vous en prie. Merci à vous.

Marina Bourgeois : Elsa, vous êtes la réalisatrice du documentaire « La mécanique du burn-out », présentant 5 personnes souffrant ou ayant souffert d’épuisement professionnel. Vous nous en dites plus ?
Elsa Fayner : Le film fait résonner cinq parcours en effet très différents puisque j’ai recueilli les témoignages d’un cuisinier, d’une assistante sociale, d’une cadre de banque, d’un travailleur associatif et d’un berger. Mais tous ces témoins ont des points communs, depuis les signes avant-coureurs jusqu’au jour de l’effondrement, et dans leur cheminent vers la reconstruction.

Marina Bourgeois : Comment l’idée d’un tel documentaire est-elle née ?
Elsa Fayner : Je suis journaliste indépendante depuis quinze ans, spécialisée dans le monde du travail, et aujourd’hui la santé. J’ai écrit en 2008 “Et pourtant, je me suis levée tôt…”, réalisé trois documentaires pour la télévision, et dirigé pendant deux ans la rubrique Economie de Rue89. C’est pourquoi France 5 m’a contactée. La chaîne voulait diffuser un film sur le burn-out, sujet qui avait peu été traité chez elle jusque-là. J’étais un peu méfiante vis-à- vis d’un énième nouveau terme, comme on en voit apparaître régulièrement dans le domaine de la souffrance psychique. Finalement, à force de me documenter et de rencontrer des médecins, des psychothérapeutes et des spécialistes, j’ai compris qu’il s’agissait d’une dépression, donc d’une crise existentielle. C’est à ce moment-là que j’ai accroché avec le sujet.

Marina Bourgeois : Vous présentez 5 parcours de vie différents dans votre documentaire. Comment les avez-vous trouvé ? Comment s’est déroulé le tournage ?
Elsa Fayner : J’ai lancé via mon réseau professionnel et personnel un appel à
témoignages. J’ai interviewé par téléphone une trentaine de personnes, durant une heure à chaque fois. Pour savoir qui nous allions filmer, nous avions des contraintes à prendre en compte. Il fallait varier les lieux, les âges, les métiers. Il fallait aussi qu’il y ait quelque chose de visuel à montrer. Et que les témoins soient suffisamment remis pour pouvoir raconter ce qui leur était arrivé. Une fois que j’ai eu identifié cinq personnes qui permettaient ces variations et ce recul pour la compréhension, j’ai été les rencontrer tranquillement aux quatre coins de la France. C’était nécessaire pour faire connaissance. Quelques mois plus tard, je suis revenue avec un cadreur et un ingénieur du son pour tourner. Ca s’est bien passé. Si ce n’est que nous devions tourner beaucoup en peu de temps et que nos interlocuteurs étaient encore très fatigués. Il a fallu faire avec ces deux données. Je ne peux parler que pour moi mais je garde un très bon souvenir de ces tournages.

Elsa Fayner

Marina Bourgeois : Elsa, vous le savez nous oeuvrons beaucoup chez Oser Rêver Sa Carrière pour rompre la solitude inhérente au mal-être du burn-out. Quel regard portez-vous sur cette maladie, dite (hélas) la « maladie du siècle » ?
Elsa : Oui, la dépression est une souffrance répandue à notre époque. Et le
psychiatre Robert Neuburger que j’ai interviewé dans mon documentaire
l’explique bien : la dépression fait partie de ce qu’il appelle les souffrances « de la désappartenance ». La famille a perdu de son côté structurant, les religions, les idéologies aussi. Les gens divorcent, se séparent, quittent leur travail ou sont virés : tout ce sur quoi ils avaient construit leur sentiment d’exister se disloque. Alors ils se retrouvent face au vide, que nous essayons tous de ne pas voir de trop près d’habitude. Mais il est des moments où il n’est pas possible de faire autrement. Et ça fait très mal.

Marina Bourgeois : Quel est le dénominateur commun observé chez les
épuisés de votre documentaire ?

Elsa Fayner : Ils ont tous beaucoup aimé leur métier et longtemps un équilibre entre ce qu’ils y investissaient et ce qu’ils en retiraient a permis de grosses charges de travail mais un plaisir à l’effectuer. C’est une perturbation dans cet équilibre qui a fait tout basculer. Un changement d’organisation du travail, un problème dans la vie privée qui fait qu’on attend encore plus du travail, une nouvelle méthode de management, un logiciel plus compliqué, et le sentiment que la loyauté n’est plus payée en retour, que la protection n’est plus assurée, voire que les valeurs ne sont plus partagées.

Marina Bourgeois : A l’aune de toutes vos investigations, quelle définition donneriez-vous du burn-out ?
Elsa Fayner : je n’emploierais pas le terme de « burn-out » mais de « dépression », à laquelle je donnerait la définition de « crise existentielle ». Comme le dit Robert Neuburger, c’est une réaction normale à une situation anormale. Ce n’est pas une pathologie. Vouloir en faire absolument une pathologie pose question.

Marina Bourgeois : Pensez-vous qu’il faille en faire une maladie
professionnelle ?

Elsa Fayner : Je ne le crois pas, pour la raison que je viens d’expliquer. En revanche, réfléchir à la manière dont les personnes dans cet état peuvent vivre financièrement me paraît très important. Et de savoir qui paie.

Marina Bourgeois : Elsa, avez-vous d’autres projets sur le sujet ?
Elsa Fayner : Pas pour le moment. Je me remets :)

Marina Bourgeois : Merci Elsa !

Retrouvez Elsa Fayner sur son site A votre santé !

Pour en savoir plus sur le burn-out : Marina Bourgeois. Burn-out. Le (me) comprendre & en sortir, 2018.

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