Entrepreneur(e)s, êtes-vous à l’abri du burn-out ?
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Après 15 ans d’expériences salariées dans le domaine informatique, Karine Di Fusco crée en 2010 “Mikado & Co”, un cabinet de formations et de conseil. Pendant deux ans, elle va consacrer son énergie et son temps à développer son “bébé” professionnel. Au bout de ces deux ans, ce qu’elle attendait arrive enfin : les appels entrants de clients potentiels, les propositions de partenariat avec d’autres cabinets, des demandes de renouvellement de missions ! Pourtant, c’est à ce moment précis que Karine ferme le cabinet. Elle est usée, fatiguée, n’a plus envie et n’a plus d’énergie. Cela s’appelle un burn-out. Et cela arrive aussi aux entrepreneurs. Et même à ceux qui ont changé de métier pour se lancer dans le job de leurs rêves. Karine a eu la gentillesse, lors de la 7ème édition des Samedis du Burn-Out (#SBO) de nous présenter les facteurs qui l’ont amené à “exploser en vol”, comme elle dit, après 2 ans d’entreprenariat et les enseignements qu’elle a tirés de cette expérience. Elle revient témoigner lors de la 1ère Session du Burn-Out 2018 (#SBO).
Voyage au pays de l’entrepreneuriat et de ses potentiels travers…
Avant de vous relater les différents risques encourus par l’entrepreneur en termes d’épuisement professionnel, nous vous précisions que Karine a crée, depuis cette zone de turbulences, la société Boîte Crânienne et co-crée le Lab 21. On s’en remet, donc, du burn-out…;-).
Et non seulement on s’en remet, mais on peut même repartir à l’aventure mieux outillé(e), mieux préparé(e) et surtout informé(e) !
I. LES 7 FACTEURS DE RISQUE CHEZ L’ENTREPRENEUR(E)
A la fois “internes” et “externes”, Karine a identifié 7 causes pouvant amener l’entrepreneur(e) au burn-out.
- Un enjeu trop important dès le départ de l’aventure
Mettre “la barre très haut”, vouloir monter “trois marches à la fois”…Karine s’est mis la pression dès le début de son aventure entrepreneuriale.
Karine avait quitté son ancienne vie de salariée avec des modalités négociées. Elle a donc pu bénéficier de deux ans de chômage. Rassurant a priori. Oui mais…
Elle s’est dit qu’elle avait du coup deux ans pour faire ce que la plupart de ses pair(e)s font en quatre ou cinq ans.
Beaucoup de néo-entrepreneurs (fraîchement au chômage) ont le même réflexe : se dire qu’ils n’ont que le temps du chômage pour faire leurs preuves. Oui, mais non…
Ce réflexe est conditionné par la peur (celle, tout à fait légitime, de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins financiers, et ceux de sa famille) et par le manque d’expérience : à ce stade, on ne conçoit pas encore la possibilité de faire rentrer suffisamment d’argent pour pouvoir continuer sans “parachute” à l’issue de ces 2 premières années. Cela entraîne une sorte de précipitation et d’agitation pour “tout faire” sur la période “chômage”.
Or, on le rappellera jamais assez, passer du salariat à l’entrepreneuriat réclame déjà, dans un premier temps, une adaptation à une nouvelle culture : celle du monde des entrepreneurs. Cette adaptation prend du temps : nouveau rythme (bien souvent rapidité d’exécution tout en continuant à améliorer en parallèle ses services ou son produit), nouveaux codes, nouvelles démarches, nouvelle stratégie, nouveaux partenaires, nouvelle vie, etc. En ayant en tête, dès le début, le fameux “de toutes les façons, il faut que ça marche en 2 ans”, la pression est d’emblée à son maximum.
Attention donc, vous avez toute la vie de votre boîte pour la faire évoluer. Rome ne s’est pas construit en un jour…! Se précipiter au départ pour tout faire et être sur tous les fronts est dangereux, pour vous comme pour l’activité. Ne confondez pas lancement et développement de l’activité ! Chaque chose en son temps.
2. La quête de perfection (superfection ?!)
“Vouloir que tout soit parfait”.
Karine voulait que sa boîte, Mikado & Co, soit une “super jolie boutique”, aussi bien sur le fond que sur la forme.
Elle a donc oeuvré “pour que sur les étagères, il y ait plein d’offres de qualité, un superbe catalogue, un super site...”. Bref, il fallait, pour reprendre ses mots, que tout soit “au top” ET “vite”.
Lorsqu’elle regarde aujourd’hui ses dossiers de l’époque, elle se dit “mais ce n’est pas possible tout ce que j’ai abattu comme travail en si peu de temps, comment ai-je pu produire autant ?”.
Il fallait que la boutique soit “toute pleine et toute jolie”, même au niveau de la forme juridique de l’entité : “plutôt que de démarrer en testant sous la forme de l’auto-entrepreneuriat, je me suis dis que j’allais monter tout de suite une SASU, une vraie société avec des vrais statuts, etc”.
Nous le savons, le perfectionnisme est une des caractéristiques typiques des personnes victimes de burn-out : vouloir bien faire est une bonne chose, mais savoir lâcher du leste est aussi essentiel, notamment pour ne pas s’épuiser et fragiliser son business.
3. L’isolement
Karine a souligné l’importance du facteur “isolement” dans son burn-out. Bien que par nature plutôt solitaire, elle indique ainsi “j’étais toute seule”, “je ne me suis pas faite aider pour monter ma boîte”, “je bossais sur la table de ma cuisine, donc le matin je me levais j’étais toute seule toute la journée avec mon ordinateur (…) très peu de contacts avec l’extérieur, avec d’autres formateurs ou consultants”.
L’isolement constitue également un élément récurrent chez les personnes en burn-out, notamment les entrepreneur(e)s. Il est d’autant plus dangereux qu’à s’isoler, on réduit les possibilités de se faire avertir par l’entourage qui, lui, perçoit bien souvent avant nous, les signes de l’épuisement !
4. Une charge de travail trop importante
“J’ai pris beaucoup de missions avec des délais très courts”, la charge de travail était donc énorme. Chaque heure était dédiée à quelque chose (…) pas de temps à perdre”. Bien que Karine se soit rapidement dit “il ne faut que pas que mon boulot soit la chose la plus importante dans ma vie”, il a finalement pris toute la place, en temps et en énergie.
Elle continuait à faire des choses à côté, à voyager par exemple mais elle travaillait dans l’avion et tentait de systématiquement optimiser son emploi du temps de façon à tenir les délais et à avancer. Chaque minute était rentabilisée. Elle ne décrochait donc jamais.
5. L’insécurité de l’emploi
Ne pas savoir ce qui rentrera à la fin du mois implique des choix qui peuvent être, eux aussi, énergivores : “là j’ai des missions, mais peut-être que dans cinq mois je n’aurai rien, donc je prends, je prends, je prends”. Je dis oui à tout. “Karine, ça te dirait de faire cette mission, au fin fond de je ne sais quelle campagne et très mal payée ? …ben ouais, ok je prends”.
Il est difficile, lorsque l’on démarre en tant qu’entrepreneur, de refuser des contrats peu opportuns. On craint de perdre le client de façon définitive, on se dit que l’on ne peut pas se permettre de dire “non”. Karine l’exprime parfaitement bien : “j’ai pris tout et n’importe quoi avec deux conséquences : je n’ai pas arrêté de bosser et surtout ce n’était pas au service de ma stratégie”.
Savoir trier et hiérarchiser les opportunités est important.
6. Sortir de sa zone de confort en permanence
Démarrer une nouvelle activité, selon de surcroît des modalités entrepreneuriales nouvelles, réclame une énergie et une adaptation permanente. Bien souvent, la première année, on sort de notre zone de confort tous les jours : “comme je débutais, tout ce que je faisais me mettait en dehors de ma “zone de confort” ce qui me réclamait déjà une énergie très importante”. C’est fatiguant. Alors vouloir qu’en plus, tout soit parfait, constitue une autoroute pour le burn-out.
7. L’absence de cloison étanche entre vie professionnelle et vie personnelle
On peut parler, pour Karine, d’organisation de travail “dysfonctionnelle” : “je travaillais sur la table de ma cuisine. Mon lieu de vie et mon lieu de travail étaient les mêmes”. Autant dire que “je ne décrochais jamais”.
L’ensemble de ces 7 facteurs ont contribué au burn-out de Karine qui s’est retrouvée, tel “un lapin dans les phares” , dans un “état de sidération” tel qu’elle avait l’impression que son “cerveau ne fonctionnait plus” : “tout me semblait hyper compliqué”, “faire un rendez-vous client, c’était l’horreur” “animer une formation, avoir plusieurs choses à faire dans la journée…tout était compliqué, même les tâches du quotidien”, “faire les courses me prenaient une énergie folle”. Autres conséquences décrites par Karine : “une absence totale de plaisir”, “une grande tristesse sans comprendre pourquoi : c’est pourtant le truc que j’ai monté, qui me fait kiffer et je suis triste…”, “une perte d’envie, de motivation et surtout j’avais perdu le sens de mon aventure et oublié la raison pour laquelle j’avais monté cette boîte : prendre du plaisir !”.
Pour autant, Karine perçoit aujourd’hui son burn-out comme une expérience : “ça n’a pas été simple de fermer ma boîte, je l’ai vécu comme un échec professionnel certes mais pas comme un échec personnel”.
“Ca m’a appris des choses, j’en ai tiré des leçons”.
Après avoir fermé sa boîte, Karine a fait un break de six mois. Elle a eu besoin “de se ressourcer, de se restaurer, de retrouver du sens, le sourire et le plaisir”.
Et puis, petit à petit, elle a recommencé à prendre des missions avec ce qu’elle a appris de ce passage difficile.
II. LES 7 ENSEIGNEMENTS A RETENIR
- L’iter-activité (ou “pas à pas”)
Plutôt que de mettre la barre très (trop) haut, Karine a pris le pli de penser et agir en mode “itératif” : petit à petit, pas à pas.
Optez pour la méthode dite des “petits pas” ou le “kaïzen”… se fixer des objectifs réalistes et les réaliser les uns après les autres.
2. S’entourer
Ne pas s’isoler : “trouver des partenaires, bosser avec d’autres coachs, d’autres consultants et formateurs, aller à des évènements, réseauter pour rencontrer des pair(e)s, d’autres gens, échanger sur nos pratiques”. Après son burn-out, Karine a décidé de rompre l’isolement inhérente à l’activité de solo-entrepreneur. Il existe de très nombreux évènements d’entrepreneurs aujourd’hui, n’hésitez pas à vous y inscrire ou à rejoindre vos pair(e)s dans des évènements dédiés à votre secteur d’activité. Idem, des groupes Facebook ou Linkedin proposent d’échanger sur les joies et galères de l’entrepreneur(e). Je pense notamment, pour les femmes, au travail de Céline Pod avec Les Serial Kiffeuses.
3. S’écouter
Ecouter ses humeurs et son état émotionnel : nous n’avons pas toujours conscience que l’on rentre dans la “zone rouge”. Agitation, irritabilité, agacement disproportionné, panique pour des évènements tout bêtes ou une surcharge de calendrier. Soyez vigilant(e). Chacun a ses propres “signaux internes”. Il faut apprendre à les reconnaître, puis à les écouter. Pour Karine, c’est cette sensation de “lapin dans les phares”. Pour vous, ce sera autre chose.
Apprendre à écouter son corps est également fondamental. Celui-ci nous envoie effectivement des signaux pour nous signaler que l’on est dans le “trop” : migraines répétées, mal de dos, torticolis à répétition, etc.
S’écouter est d’autant plus important que bien souvent, lorsque l’on a déjà essuyé un burn-out, le seuil de résistance au stress s’abaisse. Il faut le prendre en compte. Des éléments autrefois bien gérés peuvent désormais vous créer une surcharge mentale trop importante. Attention, donc : dès qu’un de vos signaux internes retentit : levez le pied et sans culpabilité ! Parce que faire une pause, prendre une matinée, une journée ou plus permet d’être au service de son activité. Vous vous garantissez ainsi de tenir sur la durée !
4. Adapter ses échéances
Apprendre à être réaliste et non pas idéaliste. Exit le dossier urgent qui était à traiter pour avant-hier…A moins d’être chirurgien, urgentiste ou pompier, vous ne sauvez pas des vies ! Alors keep cool. Votre client sera mécontent. Oui, et alors ? Est-ce bien grave ? Ne préfèrera-t-il pas un travail bien fait plutôt qu’un travail bâclé ou inachevé ? Bref, étalez, priorisez, organisez-vous de façon à ne plus crouler sous le travail 7 jours sur 7. Rendez vos échéances tenables et réalistes !
Sans tomber sans une vision idéaliste de l’entrepreneuriat (qui bien souvent exige d’être polyvalent et rapide), il est possible d’agir sur ce point en revoyant par exemples ses priorités et en rationalisant son organisation et ses process’. Savoir bien s’outiller peut être d’une aide précieuse en termes de gain de temps qualitatif.
5. Se rappeler son objectif “plaisir”
Comme beaucoup d’entrepreneurs, vous avez très certainement opté pour ce statut pour la liberté d’organisation et de choix qu’il permet. Pour ne plus subir. Autrement dit, pour vous faire plaisir. Alors pourquoi s’embarquer dans un rythme infernal qui vous privera des vertus de l’entrepreneuriat ? Faites vous une piqûre de rappel de temps à autre en vous posant la question suivante : “pourquoi ai-je choisi d’être entrepreneur(e) ?”.
6. Filtrer les relations toxiques
Déployer vos antennes en termes de relations toxiques : faire attention aux demandes de clients ou de partenaires qui vous coûtent (trop) chères en énergies ou en ressources et qui ne vous apportent strictement rien derrière. Choisissez votre entourage selon vos valeurs.
7. Cloisonner vie professionnelle et vie personnelle
Trouver un équilibre, se créer des garde-fous, gérer son agenda de façon à conserver des moments pour soi et de vrais moments avec les autres (où l’on est présent aussi bien physiquement que mentalement!). Ne pas s’oublier : penser à sa boîte mais penser à soi, travailler seul(e) peut-être mais voir des gens. Préserver la rupture temps privé - temps professionnel, pour vous, pour respirer, pour votre conjoint(e), vos amis, votre famille, etc.
Récapitulatif des 7 conseils anti burn-out :
- Fonctionner par petits objectifs
- S’entourer
- Ecouter son corps et son humeur
- Adapter ses échéances
- Se rappeler la case “plaisir”
- Eviter les personnes toxiques
- Cloisonner vie pro/vie perso’
Pour visionner ou écouter le replay de la 7ème édition des Samedis du Burn-Out en date du 8 juillet 2017 : cliquez ici.