Serge, ex avocat reconverti après un burn-out

Marina Bourgeois
Oser Rêver Sa Carrière
4 min readDec 6, 2016

ORSC : Bonjour Serge, merci d’avoir accepté cette interview.
S : Il faut parler du burn-out. Vous le faites, c’est bien.

ORSC : Serge, vous avez été avocat pendant 22 ans. Pourquoi avoir « rendu la robe » ?

S : Je suis tombé malade. Enfin…j’ai fait un burn-out comme on dit aujourd’hui.

ORSC : « Comme on dit aujourd’hui »…sous-entendez-vous qu’un autre terme existait auparavant ?

S : Je crois que, de « mon temps », on aurait parlé de dépression. L’expression « faire un burn-out » est apparue il y peu non ?

ORSC : Votre burn-out, à quoi ressemblait-il ?

S : A une chute.

ORSC : C’est-à-dire ?

S : J’ai toujours été endurant, voire infatigable. C’est d’ailleurs ce qui m’a permis de tenir aussi longtemps dans la profession (vous connaissez ce milieu Marina, vous n’êtes pas sans en ignorer les exigences et le rythme). J’ai pourtant sombré suite à une période au cours de laquelle ma vie ressemblait à une course effrénée après le temps. Je m’explique : je courais de plaidoirie en plaidoirie la journée, je travaillais sur mes dossiers le soir et le week-end. J’avais pour principe de ne pas surcharger les collaborateurs, et surtout pas les nouvelles recrues, je ne voulais pas les faire partir (je suis de la vieille école…). Bref, je n’avais pas réalisé que je n’étais plus aussi résistant qu’avant et au lieu de déléguer, j’ai tenu à prendre en charge l’intégralité de mes plus gros dossiers. Résultat : j’ai craqué.

ORSC : Qu’est-ce que ça veut dire Serge « craquer » ?

S : Je n’ai plus pu plaider. Du jour au lendemain, j’ai ressenti une appréhension de rentrer dans une salle d’audience. J’ai mis ça sur le compte du stress et d’une fatigue passagère, mais plus les semaines passaient, plus mon inconfort grandissait.

ORSC : Comment avez-vous géré cet « inconfort » ?

S : je l’ai caché dans un premier temps. J’ai délégué. Mais en vain.

ORSC : A partir de là, que s’est-il passé ?

S : L’insomnie et les migraines sont arrivées. J’ai levé le pied. J’ai quitté Paris deux semaines pour partir en vacances avec ma femme. Mais c’était déjà trop tard.

ORSC : Qu’avez-vous fait ?

S : A notre retour, j’ai consulté un médecin qui a posé le diagnostic : burn-out.

ORSC : Votre réaction ?

S : En sortant de son cabinet, je suis rentré dans un café et j’ai tapé « burn-out » sur mon portable. Je me suis rapidement reconnu. J’ai à nouveau levé le pied quelques jours, avec un seul objectif : souffler pour retourner rapidement au cabinet. Erreur : les jours passaient et je récupérais mal. Je me suis mis la pression pour pouvoir retravailler. Un véritable cercle vicieux. Mes dossiers étaient encore ma priorité. Je n’avais pas encore compris que le temps de « guérison » n’est pas maîtrisable.

ORSC : Comment avez-vous fait justement pour guérir ?

S : Coupure totale. J’ai attendu que la tempête passe.

ORSC : Vous êtes-vous fait aider ?

S : Pas vraiment. Mais ma famille m’a soutenu. Ma femme m’a posé un ultimatum. Cela a été une source de stress supplémentaire mais j’ai compris à posteriori qu’elle était dans le juste : elle voyait le précipice arriver. Quelques mois plus tard, j’ai revendu mes parts. J’ai quitté le cabinet.

ORSC : Qu’avez-vous fait alors ?

S : J’ai retrouvé, tout à fait par hasard, un ami d’enfance qui venait de racheter une brasserie dans Paris. De déjeuner en déjeuner, il m’a convaincu que ma carrière n’était pas terminée. Un midi il m’a proposé de racheter avec lui une seconde brasserie. J’ai accepté.

ORSC : Serge, vous m’avez dit avoir des « séquelles » de votre burn-out.

S : Cela est vrai. Ma concentration n’est pas encore à son niveau optimum. J’ai renoncé à retrouver mes facultés à 100%. Tout ça m’a bien été expliqué par le corps médical.

ORSC : Vous en voulez-vous Serge d’avoir « trop forcé » ?

S : M’en vouloir…? Non, j’ai des regrets mais m’en vouloir non, je ne crois pas.

ORSC : Merci Serge pour ce témoignage !

S : Je vous en prie.

Pour en savoir plus sur le burn-out : Marina Bourgeois. Burn-out. Le (me) comprendre & en sortir, 2018.

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