Du marketing à pilote de ligne

Marina Bourgeois
Oser Rêver Sa Carrière
7 min readSep 28, 2020
Clément

Clément, tu as opéré une reconversion impressionnante pour beaucoup de gens ! As-tu conscience du caractère atypique de ton switch ? J’ai conscience que mon changement de carrière n’est pas très courant. Il y a effectivement un grand gap entre le marketing et pilote de ligne ! Cependant, je n’adhère pas à l’image élitiste que peut véhiculer ce métier. Elle est à mon humble avis surévaluée. Nous avons certes des responsabilités, notamment en termes de sécurité, mais il n’y pas, selon moi, plus de gloire à poser un avion que de lancer une campagne marketing ou défendre un client face à un juge.

Pilote de ligne… ce n’est pas rien quand même ! Et ça fait rêver dans l’imaginaire collectif ! Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans cette voie ? Avant tout la passion pour l’aérien, et l’envie d’en faire partie. J’ai toujours été attiré par les avions, et fasciné par les évolutions technologiques qui ont eu lieu en à peine un siècle. Il est incroyable d’imaginer que le premier vol en avion a eu lieu en 1903, et que seulement 117 ans après, nous sommes capables de transporter plus de 500 passagers pendant 15 heures non-stop !

C’est drôle car nos accompagné(e)s parlent souvent du métier de pilote de ligne. Mais ils nous en parlent sous forme de plaisanterie, air de dire « non, je blague, c’est impossible. Ce qu’est qu’un rêve… ». Mais toi tu l’as fait ! Possible alors ? Plus que possible ! Je pense malheureusement que ce métier souffre de « préjugés » qui freinent des personnes qui en seraient tout à fait capables. Surtout en France, où l’on imagine qu’il faut être mathématicien. Alors que c’est totalement faux. J’en suis la preuve, je n’ai pas de BAC scientifique, et les maths étaient ma bête noire au lycée. Le principal challenge est la quantité d’informations à retenir, plus que la difficulté à les comprendre. Une bonne motivation sera votre meilleure alliée !

Peux-tu nous parler de ton parcours du Bac jusqu’à ta reconversion afin que l’on comprenne « d’où tu viens » ? Après un Bac technologique, obtenu en 2010 en pleine crise de l’aérien, j’ai démarré des études de communication web avec un DUT Services et Réseaux de Communication (SRC). J’ai ensuite bifurqué vers une licence de gestion, avec une spécialité Marketing, matière qui m’avait particulièrement plu en SRC. La suite logique était un Master Marketing. Master 1 effectué en Erasmus, pour l’anglais et l’expérience de vivre à l’étranger. A mon retour en France, j’ai effectué une année de césure à Paris me permettant de faire deux stages de 6 mois en marketing : l’un dans une agence digitale, le second chez L’Oréal Luxe en tant qu’Assistant Chef de Produit. J’ai ensuite passé mon Master 2, validé par un stage de fin d’études chez Topito en Brand Content. Suite à cela, j’ai décidé de partir 8 mois en Nouvelle Zélande. De retour en France, j’ai trouvé un poste de Responsable des Opérations Commerciales Internationales chez La Redoute. C’est durant cette dernière expérience que j’ai envisagé et démarré cette reconversion.

Quel était ton degré de satisfaction dans ton ancienne vie dans le marketing ? Si tu devais mettre une note entre 1 et 10 ? 5. Une note moyenne qui montre que je n’étais pas en souffrance. Mais une note suffisamment basse pour me convaincre que je ne pouvais pas poursuivre dans ce domaine pour les 40 prochaines années. Je ne croyais plus vraiment en mon métier, et l’utilité qu’il avait. Aussi, me lever tous les matins à la même heure, prendre le même métro tous les jours, et rentrer à la même heure, ce n’était pas pour moi !

Lorsque tu as pris conscience que tu souhaitais changer de voie, comment as-tu fait très concrètement ? Combien de temps de l’idée jusqu’à la fin de ta reconversion ? Très longtemps. Car en réalité, depuis mon Master 1, inconsciemment, tous les ans à la même époque, je faisais déjà des recherches sur le métier de Pilote de Ligne et comment le devenir. Mais c’est réellement fin 2017 que j’ai fait des recherches plus « sérieuses » sur les écoles, les différentes options, les prix… Ensuite, avant même de décider de me lancer j’ai passé ma visite médicale de classe 1. Elle est obligatoire pour tous les pilotes professionnels, et il n’était pas nécessaire de démarrer mon training si j’avais une incompatibilité avec les pré-requis. Au total, environ 4 mois de recherches puis 2 ans de formation m’ont été nécessaires.

Ton entourage a-t-il eu peur ? A-t-il été soutien ? Non, aucune peur. Je n’ai reçu que des réactions bienveillantes. Les personnes qui me connaissent le mieux n’ont pas forcément été surprises de cette décision, conscientes de ma passion pour l’aviation, et ma tendance à avoir toujours la tête levée vers le ciel !

Te savoir dans les airs ne leur fait pas peur ;-) ? Je dirais que ça dépend à qui vous le demandez ! Certains n’étaient pas inquiets, d’autres l’étaient. Pas vraiment pour moi en réalité, mais plutôt parce qu’elles s’imaginaient elles-mêmes à ma place, seules aux commandes d’un avion.

Et toi, as-tu eu des craintes durant ton cheminement ? Évidemment. C’est inévitable. Et même si ce n’est jamais agréable, je pense qu’il est indispensable d’en avoir. Elles m’ont permis, à plusieurs moments clés, de remettre en question certains choix, et réajuster ma « stratégie » pour atteindre mon but.

Qu’est-ce qui a été le plus dur dans ton training ? Le volume des choses à apprendre. Foncièrement, aucune matière n’est vraiment difficile à appréhender. Cependant, la quantité rend les choses compliquées. Il y a 14 matières, et autant de livres à connaître pour passer les examens théoriques, ça fait une belle pile ! D’un point de vue pilotage, la difficulté réside en la capacité de penser « devant » l’avion pour ne jamais être pris de vitesse : on ne peut pas mettre pause ou s’arrêter sur le bas-côté !

Comment s’est passé ton premier vol ? Je considère qu’il y a eu deux premiers vols. Le premier, avec mon instructeur pour mon tout premier cours de pilotage : découverte de la sensation de contrôler la machine « ah en fait c’est hyper sensible un manche d’avion !? » et premières vues d’en haut, magique ! Le « second premier vol », c’est mon premier vol en solo (c.-à-d. seul à bord). Je pense que je n’ai jamais été aussi concentré de ma vie ! Environ 10 minutes qui sont passées en un claquement de doigt, et c’est une fois garé que je me suis dit « Ah ouais, c’était quand même vraiment bien ! ».

Comment te sens-tu aujourd’hui à l’aube de cette nouvelle vie professionnelle ? J’ai deux sentiments ambivalents qui se mêlent. Je me sens confiant et j’ai hâte de voler, encore et encore, pour engranger de l’expérience et de la maturité. La découverte de tous les aspects de ce métier est aussi une source d’excitation. Cependant, la situation économique actuelle due au Covid-19, apporte aussi son lot d’incertitudes. Bien qu’embaucher par une compagnie solide, le futur est très incertain. J’espère que ce début de carrière « rêvé » ne sera pas balayé par une réalité économique ravageuse.

Que recommanderais-tu à des aspirant(e)s pilotes ? Il m’est difficile de répondre à cette question car il y a une multitude de façons pour réussir cette reconversion. Et les choix que j’ai pu faire ne conviendraient peut-être pas à d’autres. Si je devais mettre en avant deux axes qui me semblent primordiaux :

  • L’anglais. De part mes expériences passées à l’étranger, et d’une bonne partie de ma formation hors des frontières françaises, j’ai acquis un niveau d’anglais quasi bilingue. Être limité dans sa recherche d’emploi par son faible niveau d’anglais, sur un marché mondial et ultra concurrentiel, n’est pas envisageable.
  • Oser demander de l’aide. Je n’ai pas hésité à m’appuyer sur l’expérience passée de plusieurs pilotes pour orienter mes choix tout au long de ma formation. Qui de mieux pour vous donner un avis sur une école qu’un élève qui en sort ?

Estimes-tu avoir « trouvé ta voie » aujourd’hui Clément ? Je le pense oui ! Je suis en tout cas là où je voulais me trouver il y a deux ans et demi lorsque j’ai effectué mon premier vol, et j’en suis ravi !

Si c’était à refaire ? Je le referais sans hésitation. Et mes choix tout au long de ma formation seraient sans doute les mêmes. Merci Clément !

Vous pouvez retrouver Clément ici.

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Marina Bourgeois, Directrice d’Oser Rêver Sa Carrière

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