Reconversion : attention au mythe de l’herbe plus verte ailleurs…

Marina Bourgeois
Oser Rêver Sa Carrière
5 min readDec 14, 2016

On les appelle les switchers, les reconvertis, les audacieux… Ils l’ont fait : le grand écart, le grand plongeon, l’ascension du Mont changement !

Oui, ils ont osé ! Oui, ils ont eu du courage ! Oui, beaucoup aimeraient lâcher ce qu’ils font pour « du plus » : plus de temps pour soi, plus de projets intéressants, plus de vacances, plus de responsabilités, plus de sens, plus d’argent, plus de liberté, plus prêt de chez soi, plus prestigieux, plus de reconnaissance, etc. Ou « du moins » : moins de stress, moins de routine, moins de pression, moins de transports, moins de hiérarchie, etc. Un point commun chez l’ensemble des reconvertis : ils veulent « du mieux » ! C’est ça une reconversion réussie : quand la balance penche du côté du « mieux » après. Mais attention au fantasme ! Si la littérature sur le sujet met en avant des reconversions « réussies » (avec ce fameux « mieux » après), il ne faudrait surtout pas croire qu’elles le sont toutes !

Avant d’être vraiment « posé » dans la « vie d’après », vous pouvez avoir à faire face à bon nombre de turbulences intérieures comme extérieures : savoir gérer les doutes, faire fi du scepticisme des « autres » ou de la jalousie de ceux qui en rêvent discrètement mais qui n’osent pas, régler les obstacles matériels et financiers, gérer le rythme effréné inhérent à tout projet de cette envergure, accepter les réveils nocturnes avec l’« idée de génie », laisser derrière soi l’ancienne vie professionnelle, fabriquer un nouveau réseau et/ou une nouvelle clientèle, construire de nouveaux repères…un véritable parcours du comBATTANT !

Et même « après », se reconvertir ne garantit pas une « better life » !

Exit le mythe du salarié qui pose sa démission (au revoir, au revoir, Président) et qui, dès le lendemain, se réveille épanoui, le sourire aux lèvres, avec l’idée du siècle ou le job-passion lui permettant de subvenir à tous ses besoins en lui laissant, en plus, le temps de boire un verre avec ses amis à l’envi…

Tous les reconvertis ne vivent pas une success story personnelle et/ou financière. A interroger les « switchers », la plupart gagnent moins après qu’avant, mais ils disent avoir une meilleure qualité de vie. Mais quid de ceux qui ne gagnent clairement pas suffisamment pour vivre, voire même pour survivre ? Ils sont pourtant nombreux et on en parle (trop) peu ! On a tout à apprendre de leurs expériences. A la place des « je te l’avais bien dit » ou des petites phrases stigmatisant l’échec sans reconnaître l’audace, ne ferait-on pas mieux de les interroger à outrance (« mais comment as-tu fait pour parvenir jusqu’à cette étape ?!! ») et à décortiquer leurs parcours pour ne pas commettre les mêmes erreurs ou maladresses ?

La plupart des reconvertis ont « fait le grand saut » parce qu’ils voulaient redonner du sens à leur vie en se raccordant à leurs valeurs. Tous n’ont cependant pas trouvé dans la reconversion le Graal qu’ils imaginaient, (ou fantasmaient !).

C’est le cas de Juliette qui, après dix ans dans les ressources humaines, a changé de direction pour créer une boutique en ligne de vêtements pour enfants. Elle est à fond, s’investit, planifie, organise mais s’aperçoit rapidement que travailler seule toute la journée et s’auto-motiver n’est pas fait pour elle. Le coworking n’étant pas très développé dans sa région, elle stoppe tout quelques mois plus tard pour retourner dans les RH, malheureusement déçue. C’est aussi le cas de Patrick qui a ouvert un restaurant après avoir été cuisinier pendant treize ans. Il rêvait d’avoir sa propre affaire. Une fois montée, catastrophe ! Son truc, c’est la cuisine et non la comptabilité qu’il exècre. Encore moins le recrutement du personnel. Plein d’idéaux, Patrick est rapidement redescendu sur terre. Citons enfin Ophélie qui, après dix ans dans l’immobilier, est devenue ostéopathe. Après quelques mois d’exercice, elle décide de retourner vers l’immobilier. Elle avait finalement juste besoin d’un break et non d’un virage à 180 degrés. Non accompagnée dans sa reconversion et avec un entourage familial peu convaincu par son projet, elle n’a pas pris le temps de bien réfléchir en amont à son projet afin de pérenniser son action sur le long terme. Elle a par la suite décidé de travailler davantage en extérieur et a retrouvé le second souffle tant espéré.

Pas forcément besoin, donc, d’un changement « radical » ou de partir vers de nouveaux horizons pour trouver le fameux « mieux ». Une prise de conscience, un ré-aiguillage ou encore quelques « menus aménagements » peuvent parfois suffire à retrouver enthousiasme et envoie, sans avoir à vivre les affres d’une reconversion mal pensée (bien que, même avortée, la tentative de reconversion constitue à elle seule une expérience de vie intéressante).

Si la reconversion est souvent affaire de cœur, elle est avant affaire de construction. Et construire son projet de vie « d’après » nécessite du temps. C’est un processus jalonné d’étapes, toutes aussi importantes les unes que les autres. Or, à bâcler l’introduction, le livre risque d’être mal écrit…

Parmi les étapes incontournables :

- identifier ce qui ne plaît plus dans la situation du moment (perte de sens, ennui, burn-out, dissonance, etc.) ;

- analyser son besoin et ce à quoi il correspond (envie, nécessité, injonction extérieure, etc.) ;

- étudier l’ensemble des alternatives possibles (la reconversion n’étant peut-être que l’une d’entre elles) ;

- se préparer au changement (Quel est l’ampleur du changement à accomplir ? Suis-je prêt(e) ? Qu’est-ce que cela va modifier dans ma vie ? Est-ce le bon moment ?) ;

- relire le passé pour y déceler ce qui a plu, déplu ;

- cibler les expériences au cours desquelles la congruence et le « flow » étaient là… ou pas loin ;

- pointer ses envies, ses non-envies, ses besoins, ses idées, ses priorités, ses savoir-être, ses savoir-faire et ses valeurs ;

- imaginer son environnement professionnel idéal ;

- (re)connaître ses peurs, ses freins, ses verrous, ses zones de confort et d’inconfort ;

- préparer son entourage (être au clair avec soi-même, voire apprendre à bien s’entourer) ;

- faire émerger un ou plusieur(s) projet(s) réalisable(s) ;

- confirmer son intérêt en confrontant sa représentation du métier à la réalité ;

- dessiner le parcours permettant d’atteindre l’activité visée (formation, diplôme, VAE, immersion, réseau, etc.), lequel variera suivant le type de reconversion envisagé (« radicale » ou « simple » bifurcation) (« entrepreneuriale » ou « salariale »).

Autrement dit, une reconversion réussie réclame de respecter le processus inhérent à tout grand changement de vie, car c’en est un, assurément, autant pour vous que pour vos proches. Il faut s’y préparer !

Avant tout, la reconversion doit être motivée par de bonnes raisons. Attention aux reconversions décidées « à chaud », mal anticipées ou ne faisant que diversion à d’autres frustrations ou problématiques.

… L’herbe sera d’autant plus verte ailleurs si vous avez pris soin, au préalable, de bien « CULTIVER VOTRE JARDIN » ;-).

Vous ❤ cet article ? N’hésitez pas à le partager !

--

--