Lettre ouverte aux managers : Il est urgent de réapprendre à faire confiance

Quentin Villot
OuiSpoon
Published in
7 min readApr 25, 2019

Depuis quelques années j’ai le sentiment qu’une tendance de fond se dégage de manière uniforme dans bon nombre d’entreprises. Cette tendance de fond c’est en fait le besoin de s’adapter aux changements pour rester dans l’ère du temps. S’adapter aux changements, cela peut vouloir dire beaucoup de choses : changer ses méthodes de management, repenser son offre pour satisfaire un nouveau besoin, développer de nouveaux canaux de communication internes comme externes, digitaliser ses processus et son environnement de travail, etc.

Pour reprendre une expression assez mythique du film Le Bon, La Brute et le Truand je dirais que le monde se divise en deux catégories : les entreprises qui arrivent à s’adapter aux changements et celles qui n’y parviennent pas. Et autant vous dire qu’il vaut mieux faire partie de la première catégorie que de la deuxième.

C’est cette capacité à s’adapter aux changements qui fait la différence entre une entreprise comme Netflix et une entreprise comme Blockbuster. Les deux entreprises proposaient à leurs débuts de la location de DVD et VHS. Puis internet et la vidéo en ligne sont arrivés. La suite ? Netflix a développé sa plateforme de streaming et compte aujourd’hui environ 150 millions d’abonnés tandis que Blockbuster, qui comptait 84 000 salariés à travers le monde en 2004, a déclaré faillite en 2010. C’est le prix que Blockbuster a payé pour n’avoir pas su s’adapter aux changements.

Il y a quelques années encore le maître mot de l’adaptation aux changements pour les entreprises était Transformation Digitale. Désormais, il s’agit de la Transformation Agile. De plus en plus d’entreprises s’y mettent et veulent donner plus de responsabilités aux middle managers et à leurs équipes grâce à cette transformation de leurs méthodes de travail.

Et autant vous dire qu’il y a du pain sur la planche ! Parce que justement les entreprises ont depuis des années et des années largement contribué à réduire la capacité d’action et de décision de leurs salariés à coup de règles, de process à respecter, de procédures à suivre et de manuels à appliquer. N’y aurait-il pas derrière cela une forme de méfiance vis-à-vis de nos salariés ? D’ailleurs, quand cette confiance a-t-elle commencé à disparaître ?

Derrière ce manque de confiance envers nos collaborateurs, le vrai problème selon moi, c’est que nous revoyons sans cesse à la baisse les attentes que nous avons envers eux.

Regardez le Bac, il en est l’exemple parfait : nous avons voulu que tout le monde puisse avoir le bac, alors nous en avons abaissé les exigences, dévalorisant par la même occasion sa valeur. Une partie de mon programme de maths de prépa était au programme du bac de mes parents ! Puis, on entend de nombreux professeurs d’études supérieures se plaindre du niveau des élèves qu’ils ont en cours. Vous ne trouvez pas qu’il y a là quelque chose qui cloche ?

Et bien j’ai l’impression que c’est exactement ce qu’il se passe dans nos entreprises : nous avons souvent des attentes très faibles envers nos collaborateurs que je pourrais schématiser de la façon suivante : “Fais ceci, et fais le comme ça.” Pas de place à la prise d’initiative, pas de liberté. En même temps, il n’y en a pas besoin puisque tout ce que nous attendons c’est que le travail soit fait en temps et en heure comme nous l’avons demandé.

Evidemment, ce genre de comportement à l’égard de nos collaborateurs, comme à l’égard de nos lycéens, est largement contre-productif : quand on abaisse les attentes que l’on place en quelqu’un, la seule chose que l’on obtient c’est la médiocrité. Face à l’impossibilité de faire preuve d’esprit d’initiative dans son entreprise, même les personnes les plus talentueuses ne donneront pas le meilleur d’elles-mêmes.

Inversement, vous seriez surpris de ce que l’on peut obtenir quand on élève les attentes que l’on a envers quelqu’un. Même de la part de personnes médiocres. Quand on encourage l’excellence et que l’on donne les moyens à ses salariés de l’atteindre, alors on obtient des résultats qui dépassent nos attentes. Il est donc urgent pour les entreprises de reconsidérer les attentes qu’elles ont envers leurs middle managers , car à attendre de ceux-ci qu’ils soient uniquement des exécutants, ce qu’elles encouragent c’est l’absence de réflexion et de remise en question des méthodes de travail appliquées.

Reconsidérer les attentes que l’on peut avoir envers ses employés, cela commence par restaurer le rapport de confiance entre dirigeants et salariés, et entre managers et managés, car celui-ci s’est totalement dégradé au fil des années. Aucune des deux parties ne fait plus confiance à l’autre mais c’est finalement le salarié qui en subit le plus les conséquences entre contrôle permanent à tous les niveaux, difficulté à faire valoir son opinion et revue de performance annuelle qui prend parfois des airs de flicage.

Alors oui, opter pour une Transformation Agile est une première forme de réponse mais cette transformation ne concerne que l’organisation globale de l’entreprise et ses méthodes de travail et management alors que ce qu’il faut réellement changer c’est notre rapport à nos salariés. Réapprendre à faire confiance à ses salariés, c’est à la fois le début et la fin du changement que les entreprises ont besoin d’opérer. Et si vous ne savez pas par où commencer, j’ai quelques idées à vous suggérer.

Accordez de l’autonomie aux salariés — Responsabilisez-les et laissez-leur de la liberté dans la réalisation de leurs tâches. Un objectif, quelques consignes, une deadline et laissez-les se débrouiller. Vous verrez qu’ils sont capables de vous surprendre. Et s’ils rencontrent des difficultés, vous pensez réellement qu’ils vont sagement attendre qu’on vienne les aider ? Vos salariés sont adultes, ils savent demander de l’aide à un de leurs collègues ou faire une recherche sur Google, ne vous en faites pas. Peut-être même qu’en faisant de la sorte ils trouveront des manières plus efficaces d’atteindre leur objectif que vous pourrez ensuite réutiliser.

Ha oui mais comment on s’assure qu’ils ne glandent pas ? La fameuse confiance ! Commencez par définir — conjointement si possible — un objectif qui soit à la fois ambitieux et atteignable. Si vous avez visé juste sur l’objectif et sur la deadline, votre salarié ne devrait pas avoir le temps de glander, tout en étant stimulé et challengé par son travail. Faites confiance à vos salariés et ils vous le rendront au centuple.

D’ailleurs, certaines études sur le télétravail montrent que les salariés qui travaillent de chez eux sont plus productifs. Elle est pas belle l’autonomie ?

Donnez la parole aux salariés — La plupart des décisions qui ont un impact sur le travail de vos salariés sont prises sans même consulter les principaux intéressés. Pourtant ce sont eux qui vont en subir les conséquences et ce sont eux qui ont la connaissance du terrain. Leur vision est différente de la vôtre, confrontez-vous y et appréciez-la à sa juste valeur car elle en a énormément !

Vous avez, en tant qu’entreprise, bien souvent la chance de compter parmi vos effectifs des profils variés : des jeunes et des moins jeunes, issus de différentes catégories sociales et passés par des formations différentes. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte mais c’est une véritable force dont vous auriez tort de vous passer. D’autant plus que le besoin de pouvoir exprimer son opinion et que celle-ci soit écoutée — ce qui ne veut pas dire acceptée — est un besoin souvent remonté par les salariés.

A titre personnel, j’envisage très mal l’idée de travailler pour une entreprise dans laquelle mon avis ne serait jamais écouté. Ce serait pour moi un signe que mes valeurs ne sont pas accord avec celles de mon entreprise.

Acceptez le manque d’expérience — Si vous êtes jeune et que vous avez cherché un emploi en sortie d’étude vous devez savoir de quoi je parle. Les offres d’emploi pour des profils junior demandant plusieurs années d’expérience pullulent sur les sites de recherche d’emploi. C’est à en perdre raison.

Pourtant, si nous — les jeunes — n’avons pas plusieurs années d’expérience professionnelle dans nous bagages, nous avons tellement d’autres choses à apporter à une entreprise : la fougue de la jeunesse, la volonté de bien faire, l’envie d’apprendre, un regard neuf. Et tant d’autres qualités. Si vous — les entreprises — n’êtes pas prêtes à nous faire confiance et à miser sur notre capacité à apprendre, comment pouvons-nous acquérir cette expérience ?

D’ailleurs, des voix de tous horizons nous expliquent que nous allons sûrement avoir plusieurs métiers au cours de notre carrière professionnelle. Des métiers qu’il nous faudra apprendre et pour lesquels nous manquerons d’expérience au début. Ce qu’il faut ce n’est donc pas forcément quelqu’un qui connaisse son métier sur le bout des doigts et qui dispose de plusieurs années d’expérience, mais une tête bien faite capable d’apprendre rapidement de nouvelles connaissances et de les appliquer.

Pour reprendre mon propos du début, il y aura selon moi deux types d’entreprises dans le monde : les entreprises qui feront confiance à leurs salariés et dont les salariés seront pleinement investis dans le projet de leur entreprise et les entreprises qui n’arriveront jamais à faire confiance à leurs salariés et dont les salariés seront totalement désengagés.

Alors faites le bon choix : faites confiance à vos salariés et poussez-les toujours vers l’excellence ! Vous leur rendrez service et vous vous rendrez service à vous-même.

--

--

Quentin Villot
OuiSpoon

Technology breakthrough. Sustanaible development. Start-up