POUR UNE REGULATION VERTUEUSE DE LA BLOCKCHAIN

victor GOSSELIN
Ownest
Published in
6 min readJul 3, 2018
Photo by Joshua Sortino on Unsplash

Face à la fulgurance du phénomène, la blockchain nourrit de multiples fantasmes plus ou moins bien fondés.

Le second forum sur la blockchain qui s’est tenu mardi 12 juin à la maison de la chimie et auquel a participé la startup innovante Ownest, a été l’occasion de rappeler la multiplicité des champs d’application que permet cette technologie. Et parce que régulation ne doit pas rimer avec interdiction mais bien avec organisation, des mesures concrètes doivent être prises afin de hisser la France au rang de leader parmi les early adopters.

UNE VISION OUVERTE ET RESPONSABLE DE LA BLOCKCHAIN

Alors que le gouvernement s’apprête à promulguer la loi PACTE (dite loi Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) qui pourrait introduire un taux d’imposition peu engageant, il convient de clarifier les requêtes de la communauté blockchain, à laquelle se joint la start-up Ownest.

Au vue de la mission d’information lancée en avril dernier par la commission des finances, sous la présidence du député Eric Woerth, le bitcoin, et par extension les crypto-actifs, suscitent autant d’excitation que d’inquiétudes pour les organisations étatiques.

Parce qu’elle est un actif diversifiant, permettant de diminuer le risque, la cryptomonnaie présente une utilité réelle d’un point de vue étatique.

Dans son état actuel, la blockchain n’est encore qu’à un stade primitif de développement, ce qui ne lui permet pas de supporter un fort niveau de transactions.

Ownest soutient l’idée du développement d’une surcouche entièrement décentralisée capable de concurrencer les interfaces bancaires conventionnelles.

De nouveaux types de paiement, fortement demandés par la communauté blockchain, pourraient alors être proposés comme le paiement à la seconde de l’énergie ou le paiement entre divers UT (unités de temps).

L’idée est de recourir à la blockchain pour des activités “basiques”, telles que la certification, et à l’usage de token sans avoir à procéder à une quelconque levée de fonds.

La communauté blockchain regrette de ne pas avoir d’intermédiaires qui favoriseraient une certaine préférence nationale et se tourne donc par défaut vers des plateformes internationales comme Kraken ou Coinbase.

De même, il est faux de penser que le réseau puisse être changé dès lors qu’un certain seuil de pourcentage d’utilisateurs est atteint. En effet, c’est la communauté qui fait office de régulateur naturel.

LE POINT SUR LES FAUSSES CROYANCES QUI CONDAMNENT BITCOIN

A entendre ses détracteurs, bitcoin aurait tout de l’antagoniste notoire : énergivore, spéculatif, anti-écolo…

Pourtant nombre de ses reproches émanent d’abord d’instances qui y voient surtout le développement d’une technologie concurrente qui leur ferait de l’ombre.

Les médias, quant à eux, insistent sur le danger supposé des bitcoins ainsi que leur volatilité.

S’il ne fallait retenir qu’un grief relayé par les opposants à la blockchain, ce serait sans aucun doute l’anonymat qui offrirait une couverture de choix pour tout ce que la planète compte de financements occultes (blanchiment d’argent, activités terroristes…)

Or, si la blockchain est effectivement anonyme, toutes les transactions effectuées sont tracées, ce qui permet, dès lors qu’un individu procède à une transaction, en particulier lors du paiement des bitcoins en euros, d’être clairement identifié par son numéro de compte. Dès lors, grâce aux obligations de KYC (Know Your Customer) des plateformes de change traitant des monnaies fiduciaires, tout individu pensant se soustraire à la loi peut être épinglé.

Ensuite, le bitcoin n’étant pas fongible, contrairement à une pièce de monnaie, il est possible de remonter l’ensemble de son parcours pour identifier ses propriétaires successifs. C’est d’ailleurs parce qu’il n’est pas fongible, que le bitcoin ou le millionième de bitcoin est un outil sophistiqué de traçabilité.

Il faut ainsi savoir qu’un bitcoin généré par un bitcoin mining est un “bitcoin blanc”, réputé sûr et propre. A l’inverse, un bitcoin issu du black market est un “bitcoin noir” que son propriétaire serait dans l’impossibilité de pouvoir l’échanger.

Comme nombre de startups appartenant à la grande communauté des enthousiastes de la blockchain, Ownest ne considère pas les crypto-monnaies comme un outil spéculatif. Sa volatilité actuelle provient des anticipations que l’on fait sur ses usages futurs. Ces derniers étant eux-mêmes spéculatifs et l’incertitude demeurant très importante sur le quoi, le quand et le combien, il n’est pas étonnant que la valeur de ces anticipations, couplée à l’ignorance et l’appât du gain à court terme, entraîne autant de volatilité. Mais au fur et à mesure que les incertitudes s’éloigneront, que l’ignorance reculera et que le marché se structurera, cette volatilité s’estompera et la spéculation trouvera d’autres supports pour s’exercer.

On le dit énergivore, mais la sécurité qu’il procure ne peut pas se faire sans contrepartie. En outre, sa nature distribuée permet à cette consommation de se concentrer sur des zones de production énergétique à faible coût. Or ces dernières correspondent à des zones d’excédents de production. Ceci s’explique par le fait que la construction d’une unité de production électrique se fait en prévision de besoins futurs. Construire une centrale hydraulique (un barrage) de 5 GWh ne coûte pas 5 fois plus cher qu’une centrale de 1 GWh. Si l’on anticipe des besoins en croissance dans les 10-20 ans à venir, le choix d’investissement va naturellement aller vers des structures actuellement sur-dimensionnées. Les coûts de production de ce type de centrale sont ensuite faibles (c’est la construction qui représente le coût principal) et permettent de délivrer de l’électricité à un prix bas. Les mineurs utilisent donc ces zones puis, lorsque la demande et les prix augmente, se déplacent vers de nouvelles zones. Ils permettent ainsi de rentabiliser des infrastructures dont la capacité ne correspond pas instantanément aux besoins.

APAISER LES POINTS DE TENSION

Les banques devraient aider les sociétés innovantes de la blockchain plutôt que de leur mettre des bâtons dans les roues.

En effet, celles-ci, par mesure de sécurité et afin de ne pas être impliquées dans des procédures de complicité de blanchiment d’argent, refusent de traiter avec tout client travaillant avec des crypto-monnaies.

Beaucoup de startups blockchain ne peuvent alors achever leur processus de création, faute de possibilité d’ouverture d’un compte bancaire.

Les DAO, auxquelles appartiennent les ICO (initial Coin Offering, levée de fonds en monnaies virtuelles), ne sont pas un vrai moteur de croissance pour le pays, ce sont des structures par essence transnationales, il convient alors de privilégier les sociétés créatrices d’emplois en France, comme la société française Ledger en est un parfait exemple. Son produit demeure le plus important “wallet hardware” du mouvement blockchain.

ET SI LA REVOLUTION BLOCKCHAIN DEVENAIT FRANCAISE

L’américain Coinbase domine aujourd’hui dans l’univers des places de marché des crypto-monnaies. Or, cette situation hégémonique est loin d’être irréversible.

Par sa réputation d’excellence dans le domaine mathématique (que ce soit avec l’aéronautique et l’ingénierie) la France a son rôle à jouer dans ce qui s’apparente au marché de l’internet 2.0 et peut tout à fait se faire une place dans le domaine des crypto-actifs.

La France, à l’instar d’autres pays européens comme l’Espagne et l’Allemagne, se doit de prendre le virage crypto avant que son retard ne soit irrattrapable.

L’Asie a déjà adopté la crypto-monnaie dans les transactions du quotidien. Ainsi, le Japon apparait comme le plus avancé dans ce domaine, puisqu’il est tout à fait possible de payer en bitcoins dans le pays.

Signe encourageant, face à la forte avancée des pays asiatiques qui ont inclu les crypto-monnaies dans leurs usages quotidien, l’Europe est en train de se réveiller, si l’on en croit le sursaut allemand.

En effet, l’Allemagne a annoncé, en février dernier, que le paiement de bitcoins pour des produits de la vie courante ne serait pas taxé. Cette nouvelle mesure risque de phagocyter l’ensemble de l’écosystème européen: toutes les startups crypto pourraient être tentées de migrer en Allemagne.

--

--