Le pire endroit pour croiser un container mais un sauvetage de rêve

Guy Chollier
Oxygen Catana 50
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4 min readAug 12, 2016

NAUFRAGE D’OXYGEN

Voila cela fait tout juste 2 mois, c’est le temps qu’il ma fallu pour pouvoir vous en parler publiquement.

Le 8 juin nous étions en trans-pacifique, partis depuis 8 jours des Galapagos et à 9 jours de l’arrivée prévue aux Marquises. 5h du matin, mon équipière est de quart, je ne dors pas vraiment et à ce moment un CRACK énorme à l’avant tribord suivit du soulèvement du cata sur tout le coté tribord puis un autre bruit à l’arrière tribord. J’ai tout de suite compris que nous venions d’heurter un OFNI.

Je sors de ma cabine en même temps que Serge de la sienne, nous regardons tous à l’arrière si nous voyons ce que l’on vient de croiser de trop près, mais à plus ou moins 10 noeuds et dans la nuit noire nous ne voyons rien.

Après avoir enfilés nos gilets, Serge et moi allons à l’avant pour constater l’ampleur des dégâts. A première vue, rien de dramatique, l’avant est déchiré sur le coté mer, mais il est encore là et la déchirure se situe à l’avant de la cloison qui sépare la crash box de la partie centrale, ce n’est pas dramatique…

Je vais donc voir le compartiment moteur, j’avais bien senti que le Z-drive avait été touché. Là ce n’est pas la même, le compartiment moteur a déjà 30 à 40 cm d’eau et la coque est déchirée sur la moitié de cercle support du Z-drive.

Je fonce à l’intérieur, regarde tous les passe-coques, rien à signaler, mais il y a 10 cm d’eau environ dont je ne connais pas la provenance.

J’estime que l’entrée d’eau arrière est la priorité, et que l’on pourra peut être sauver le bateau.

Je téléphone à Boris, mon contact à terre et l’informe de l’accident, que je me donne une heure avant de déclencher les secours avec ma balise EPIRB, je pensais à l’heure pouvoir colmater la brèche à l’arrière et que c’était le plus grave des problèmes apparents.

Erreur…. 30 minutes environ sont passées, alors que je m’occupais de l’arrière — après avoir tombé les voiles — le flotteur tribord s’est rempli. L’électricité s’est coupée, donc plus de pompes et à partir de ce moment tout s’est accéléré.

J’ai déclenché les secours avec la balise EPIRB, nous avons mis l’annexe à l’eau, rassemblé ce que nous avons pu, effets personnels pour notre coéquipière, tout pour notre sécurité, eau, aliments etc pour Serge et moi. Nous nous sommes mis en sécurité “en haut” donc à l’avant du bateau, après avoir mis l’annexe à l’eau accrochée avec 50m de boute.

Un CATANA CELA NE COULE PAS ce n’est pas une légende. Nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité, même avec tout le cul du catamaran sous l’eau, merci Catana je saurai m’en souvenir et vous qui me lisez, si vous êtes en réflexion pour l’achat d’un bateau posez vous les bonnes questions… La mer, c’est fait pour les bateaux, pas pour les camping car à flotteurs.

Oxygen ballotté par les vagues énormes qu’il y avait ce jour s’est rempli des 2 côtés, il était enfoncé par l’arrière mais restait stable 1/3 dans l’eau. C’est moins confortable que d’habitude mais je pense mieux qu’un radeau de survie.

Je n’avais aucun moyen de communication, mon iridium GO ayant été submergé par une vague à l’intérieur du cockpit et je savais qu’en France, beaucoup de personnes dont Isabelle qui avait renoncé à faire la trans-pac la veille du départ des Galapagos pour des raisons familiales, ainsi que mes enfants allaient se faire un souci énorme; nous, nous savions que nous étions là pour quelques jours. Mais la mer et le vent comme prévu par la météo s’étant calmé, nous sommes restés sur l’avant et le toit du cata aussi bien que possible dans ces conditions.

Nous nous trouvions à mi-chemin entre les Galapagos et les Marquises à environ 1500 milles nautiques de toute terre, très loin de toutes routes de navires marchants. Aucun moyen aérien n’était envisageable, je pensais que l’on allait nous envoyer des secours de Tahiti et qu’il faudrait environ 8 a 10 jours pour nous rejoindre en bateau.

Le CROSS GRIS-NEZ qui a pris en main l’organisation des secours a été d’une efficacité remarquable et je ne les en remercierai jamais assez. Ils ont été en rapport avec ma femme en permanence, la rassurant et la tenant informé au fur et a mesure de l’avancement des secours, encore MERCI.

Ils ont contacté les navires marchands qui étaient les moins loin de nous et plusieurs ont accepté de se dérouter pour venir nous récupérer. Ils se trouvaient à 24h de nous pour le plus près …

La balise donnait en permanence ma position et 28h après notre accident nous avons vu arriver un navire, c’était fini, merci à eux. La solidarité en mer ce n’est pas une vue de l’esprit ? c’est énorme, quelle générosité !

8 jours après, nous finissions notre voyage presque là où c’était prévu, en arrivant a Papeete, mais à bord d’un porte-container… Encore merci à tous ces équipages et leurs compagnies.

A l’arrivée j’ai été accueilli par un homme d’une humanité rare MERCI Patrick Beuscher. Il était mandaté pour expertiser l’accident par mon assurance et en plus il a passé beaucoup de temps pour s’occuper de moi qui en avait grandement besoin.

Nous ne sommes restés “que 28 heures” à attendre, c’est exceptionnel! Bravo et encore merci le CROSS je pensais que cela allait durer au moins 8 jours.

Aujourd’hui, on se reconstruit, on apprend à vivre avec la perte d’OXYGEN, avec le souvenir de ce naufrage en essayant de relativiser, je ne pensais pas que cela me marquerais autant. Nous n’oublierons jamais les bons moments passés avec Oxygen et espérons que bientôt nous vivrons d’autres aventures qui ressembleront plus à ces 5 années merveilleuses que nous avons vécue avec lui.

Adieu mon bateau, mon ami. “Tiens j’en pleure encore”…

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