Nos conseils pour réussir sa campagne de crowdfunding

Une campagne de crowdfunding est un moment crucial dans la construction d’une marque. Nous sommes récemment passés par là avec Pétrone, et on en a tiré quelques bonnes pratiques qui pourraient vous aider, vous qui prévoyez de bientôt vous lancer. C’est aussi l’occasion de vous partager quelques enseignements acquis au cours des premiers mois d’existence de notre marque, qui vous intéresseront peut-être si vous nous suivez depuis le début.

Marion Dubuc
Pétrone
12 min readMar 7, 2019

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Be kind, rewind

Vous débarquez ici et vous n’avez aucune idée de qui nous sommes ? On vous refait l’histoire : nous sommes Pétrone, une jeune marque de sous-vêtements pour hommes.

Des sous-vêtements fabriqués au Portugal, des visuels faits…maison

En mai 2018, Nicolas, désireux de voler de ses propres ailes dans le monde vallonné de la mode, pose les statuts de Pétrone avec une idée en tête : créer une marque de sous-vêtements pour hommes qui soient à la fois de très bonne qualité, fabriqués en Europe, beaux et élégants, et à prix accessible. On vous met au défi de trouver un équivalent sur le marché 🤓

En juillet 2018, nous partions à la rencontre de gérants d’usines au Portugal, dans la région au nord de Porto, pour trouver ceux qui allaient devenir nos fabricants de boxers et de chaussettes. Après plusieurs mois de travail sur les prototypes de modèles et sur la construction de la marque, nous lancions en novembre 2018 notre campagne de crowdfunding sur Ulule.

Au lancement de la campagne, nous étions pour ainsi dire totalement inconnus au bataillon — en dehors de nos poignées d’amis. Nos pages Facebook et Instagram affichaient chacune environ 150 fans au compteur, principalement des proches à qui nous avions gratté des likes sur des photos au style plutôt artisanal. Le lancement de notre campagne coïncidait donc totalement avec le lancement “officiel” de notre marque.

Pourquoi démarrer par du crowdfunding ?

Plusieurs raisons ont motivé notre envie de démarrer la vie de Pétrone par une campagne de crowdfunding :

  • Le choix d’un principe de préventes, qui nous permettait de constituer une avance de trésorerie plutôt que payer l’intégralité de notre production en fonds propres,
  • Une mise sur le marché qui nous obligeait à sortir un “POC” (proof of concept) rapidement,
  • Une exposition auprès d’une base de clients potentiels, Ulule étant pourvoyeur d’un trafic naturel d’internautes sensibles au concept du crowdfunding,
  • La possibilité de construire une première communauté de clients, de “fans” et de démarrer notre mailing list.

Résultats des courses : 264 contributeurs, 1386 préventes enregistrées, pour un CA total d’un peu plus de 15 000 €.

Et surtout, presque 50% de clients inconnus. Tous les soutiens nous ont évidemment fait chaud au coeur et nous ont encouragés pour la suite, mais de tous les indicateurs de performance qu’on s’était fixé, ce dernier chiffre nous a vraiment motivés. Car il valide notre capacité à convaincre des clients qui ne nous connaissent pas (encore), au-delà du cercle d’amis et de proches à qui nous avons tous envoyé 364 textos / mails / whatsapp / messenger.

En définitive, nous regardons aujourd’hui ces chiffres comme des résultats honnêtes, pour la première campagne d’une marque qui sortait totalement du bois. A la réflexion, à refaire, on lancerait certainement notre campagne plus tard, avec un début de communauté déjà installé, et donc plus de potentiels clients à activer.

Campagne terminée le 24 décembre 2018 : un beau cadeau pour Pétrone

Nul doute que si on se décidait à relancer une campagne, on la ferait un peu différemment, et mieux. Mais cette première campagne nous a permis de beaucoup apprendre et de nous forger quelques convictions. Voici donc, modestement, 10 conseils qui seront toujours valables si on doit aiguiller un entrepreneur au lancement de son projet.

#1 — Travailler son pitch

Vous êtes votre projet : il faut le porter, le vivre. En maîtriser toutes les gammes et tous les arguments est indispensable. Chaque sortie, chaque rencontre est une opportunité de présenter votre projet et donc potentiellement, de convaincre.

Attention évidemment à ne pas devenir le forceur de première catégorie, mais si c’est bien fait, avec sincérité et justesse, on vous le passera (pardon à toutes les personnes auprès de qui on a certainement lourdement insisté avec notre speech 😉)

Nous vous conseillons donc de commencer par travailler votre plateforme de marque, la feuille de route qui condense les grandes orientations stratégiques de la marque. Voici quelques questions qu’on a pu se poser et qui nous ont aidés à raconter l’histoire de Pétrone :

  • Quelle est l’histoire, l’origine ?
  • Quel est votre combat ? Le problème qu’on souhaite résoudre ?
  • Quelle est votre promesse ? Quels bénéfices tireront vos clients de vos produits / services ?
  • Quelle est la personnalité de la marque ?

Et plus spécifique à une campagne — et suprêmement important : pourquoi vous avez besoin d’argent ? C’est un travail qui vous aidera de toute façon dans la construction de votre marque et la formalisation de vos messages dans vos textes de présentation de la campagne.

#2 — Se fixer un objectif facile à atteindre…mais tout de même intéressant

Nous avons longuement réfléchi à ce point. Les plateformes vous enjoignent fortement à mettre un objectif très bas, qui sera facilement atteint, pour pouvoir ensuite bénéficier d’un effet “campagne-wahou-qui-surperforme”. La trace laissée serait plus vive si vous approchez des 1000 préventes alors que vous vous étiez fixé un objectif de 100 préventes, plutôt que si vous peinez à glaner les quelques % vous séparant de 25 000€ — et ce même si vos 1000 préventes vous amènent à un total de 10 000 € par exemple. Un petit objectif, finalement explosé, serait gage d’une campagne réussie. A l’inverse, tout objectif non atteint annule la campagne et rembourse les contributeurs, ce qui serait dommage après tout ce chemin parcouru. C’est donc le jeu à jouer pour faire partie des “gros” projets du moment, souvent valorisés par les plateformes de crowdfunding. Faites donc la balance entre un objectif qui vous semble accessible, mais qui ne soit pas totalement déconnecté de vos enjeux financiers.

#3 — Penser à sa stratégie de contenus

La façon de parler de votre projet compte, évidemment, mais les contenus (photos, vidéos) pour le porter sont essentiels, surtout si vous vendez un produit physique. Nous avons pris le parti de réaliser toute une maquette pour notre page Ulule (un enchaînement d’images jpeg où on travaille au préalable sur le texte, l’agencement des images) pour plus d’esthétisme, mais certaines campagnes qui se “contentent” d’ajouter du texte simple et des images réussissent très bien — à vous de choisir donc.

Nous avions choisi de présenter à la fois nos produits comme dans une boutique en ligne, avec des photos “packshot” (le produit présenté simplement, sur fond blanc) et des photos d’ambiance, où l’on voit le produit évoluer in situ. Pour ça, pas de mystère : la photo c’est un métier et/ou une passion, alors faites-vous un bon copain photographe, ou passez par un pro.

La vidéo est un outil essentiel pour présenter votre projet. Nous avons pris le parti de faire une vidéo de marque, qui pourrait vivre après la campagne, plutôt qu’une vidéo dédiée à la défense du projet (souvent plus longue, narrée par les porteurs du projet en voix off).

Actor’s Studio pour cette relecture de “Un jour sans fin”

Une vidéo, c’est aussi une multitude de photos et de mini-vidéos, alors n’hésitez pas à découper votre vidéo en petits bouts. Nos capacités créatives sont encore assez limitées, mais l’outil de création de Giphy fait ça très bien.

Cette stratégie s’organise sur vos réseaux sociaux (pour nous principalement Facebook et Instagram pour Pétrone, et nos comptes Facebook et Linkedin respectifs + mon compte Twitter). Construisez un calendrier éditorial sur un tableau excel, où vous posez par écrit, et à l’avance, vos publications. Promis, ça sauve des vies.

Nous avions aussi tenté de faire un groupe privé Facebook : 69 membres, pour une moyenne de 50 vues sur les posts. Je ne sais pas si cela nous a beaucoup aidés (les membres étant de toute façon nos amis déjà fortement sollicités), mais il faut dans tous les cas penser à une façon d’activer vos plus proches soutiens. On a bricolé ça un peu tard et c’est dommage, mais vous pouvez anticiper la création d’un kit de communication à destination de ce club de soutiens : il peut être dématérialisé (paragraphe d’argumentaire + quelques photos + le lien URL de la campagne) et physique (affichettes, cartes de visite…)

Ne négligez pas les supports physiques. A nouveau on l’a pensé un peu tard, mais certains profils sont toujours sensibles aux affiches punaisées près de la machine à café.

#4 — Incarner son projet en ligne

Ce n’est pas agréable mais oui, il faut prendre des photos des vous, et parler de vous. C’est ce qui permettra de créer du lien et de l’empathie avec vos contributeurs, et particulièrement ceux qui ne vous connaissent pas (qu’on appelle “le troisième cercle”).

Certains entrepreneurs réussissent particulièrement bien à faire ça, comme le duo à la tête de 17h10 qui avait lancé quelques mois avant sa campagne son podcast, “Commencer”.

Pour notre part, nous avons encore de gros progrès à faire de ce côté-là, même si ce Medium et nos prises de parole régulières sur Linkedin notamment y contribuent. On s’aperçoit d’ailleurs que notre article dédié à l’équipe Pétrone fait déjà partie de nos pages les plus consultées sur notre site en ligne, et que le (rare) portrait de nous est aussi une de nos photos les plus likées sur Instagram. Pas de mystère, les gens aiment…les gens :)

#5 — Anticiper le plan de communication de sa campagne

Tracez le déroulé des 4/5/6 semaines de votre campagne pour en dessiner les étapes importantes. Cela vous permettra de créer des séquences dans votre campagne. On n’envoie pas tout d’un coup — on échelonne ses actions, ses messages.

Ces jalons peuvent être anticipés (“j’ai un rendez-vous avec les anciens de mon école que je vais pouvoir mobiliser”), et c’est un travail important car il offre autant de béquilles sur lesquelles se reposer quand vous aurez un coup de mou. Comme on dit, tout ce qui est fait n’est plus à faire, et ce sera autant de disponibilité en temps et en esprit pour se consacrer aux opportunités non prévues.

#6 — Prévoir des rendez-vous physiques

Les moments de rencontre sont particulièrement importants et on vous conseille fortement d’en prévoir un ou deux dans votre plan de campagne. C’est la loi du commerce : cela ne marche jamais aussi bien que lorsque les potentiels clients écoutent votre projet, discutent avec vous, touchent vos produits. Essayez de vous trouver une opportunité d’organiser une présentation devant des gens : cela vous fera travailler votre présentation, et cela déclenchera certainement l’envie chez certaines personnes de vous soutenir. Dans notre cas, c’est une présentation au Tank qui nous a apporté quelques ventes et nous a permis de tester nos produits dans la vraie vie.

#7 — Travailler avec la presse — dans la mesure du possible

Obtenir des retombées presse ou blog, c’est extrêmement compliqué. La concurrence est féroce, les journalistes sur-sollicités, et je ne suis moi-même pas convaincue du pouvoir médiatique d’une campagne de crowdfunding, particulièrement dans la mode.

Mais essayez de travailler deux types de relais en priorité :

  • les médias qui font autorité dans votre domaine (pour nous, le blog Comme un camion et sa puissante newsletter)
  • la presse locale. Notre atout est d’avoir un ancrage dans le Gers (notre siège social est à Auch et une moitié de Pétrone est un enfant du pays), ce qui nous a permis de valoriser notre histoire auprès de la Dépêche du Midi, un titre de presse locale, puis le Journal du Gers. Les lecteurs adorent les histoires naissantes d’entrepreneurs en devenir !
Des boxers élevés au grand air

Certains influenceurs, médias, blogueurs vous proposeront des partenariats rémunérés. Il ne faut pas se l’interdire, mais plutôt considérer l’impact de cet investissement (500€ pour un post, c’est plus de 2 semaines de campagnes sponsorisées Facebook pour nous) et jauger sa capacité à vous ramener vraiment des clients, et pas seulement de la notoriété.

#8 — Travailler le storytelling autour de sa collecte

C’est là où le bât a blessé de notre côté.

Pour nous, plus de préventes était “simplement” synonyme plus de fonds, et le plus était le mieux. Nous n’avions pas anticipé que les objectifs successifs devaient correspondre à des paliers qui se débloquent : par exemple, un goodies offert à tous les contributeurs aux 200 % atteints. Nous n’étions pas persuadés que l’attrait d’une “jolie pochette” ou qu’un quelconque service supplémentaire motive réellement des potentiels clients à se décide. Néanmoins, il doit exister des mécanismes cognitifs réels, déclenchés par l’attrait de ce “petit quelque chose” en plus. Ce sont donc des leviers de communication que l’on penserait clairement autrement, si on devait refaire une campagne demain.

#9 — Penser à toutes les étapes de la commande

Les contreparties Ulule offrent une personnalisation assez limitée. Si vous ne vendez qu’un modèle de casquette en taille unique, pas de problème. Mais dans notre cas, nous avions déjà 10 modèles de boxers, dans 5 tailles, et 20 modèles de paires de chaussettes, dans 2 tailles différentes, soit 90 produits différents. Nous avions donc besoin de reprendre contact avec nos contributeurs après coup, pour préciser leur commande.

Ca fait beaucoup, beaucoup de choix différents

Nous avions mis en place un mailing via Mailchimp, envoyé tous les jours à nos nouveaux clients, pour connaître leur sélection de produits. Concrètement : un export quotidien de la base de données Ulule, puis intégration des nouveaux contacts dans la base Mailchimp, tag de l’audience avec la date du jour, et envoi du mailing à ce segment.

Il existe certainement un moyen d’optimiser tout ça via un Zappier, mais on débute encore dans le monde du marketing digital (d’ailleurs si quelqu’un veut nous filer quelques conseils, on est preneur ;)) Le recours à un typeform peut également être intéressant pour faciliter le choix en ligne et surtout faciliter le recueil des informations, mais comme vous l’avez compris, nous avions beaucoup de produits, avec des variantes de tailles, donc ce n’était pas l’option la plus simple pour nous. Pensez en tout cas de manière très précise les étapes successives du parcours client, pour aller un peu au-delà que le mail automatique de confirmation de Ulule.

#10 — Et surtout… ménager sa monture !

Une campagne de crowdfunding c’est dur, physiquement et psychologiquement.

Image courante d’un porteur de projet en pleine campagne

C’est à la fois très long — les jours s’étirent quand on attend les commandes… — mais également très speed tant il y a de choses à faire.

Les derniers jours peuvent tout changer, tout accélérer, donc patience. On évoque souvent un modèle en U pour décrire le rythme d’une campagne. C’est assez vrai dans notre cas : nous avons réalisé 25% de notre chiffre total dans les 3 premiers jours, et à nouveau 25% dans le dernier week-end. Même si on préfère sécuriser toutes ses ventes avant, bien sûr, il faut toujours compter sur l’effet sprint final, auprès de vos amis comme d’inconnus.

Niveau trafic en revanche la fréquentation de notre page était plutôt stable, drainée par des publicités Facebook déployées pendant trois semaines. Nous avons bénéficié de quelques pics de trafic grâce aux retombées presse évoquées plus haut, et sur les 5 derniers jours de la campagne.

Les mots d’ordre pour une bonne campagne : organisation, patience et ténacité.

Il faut toujours se rappeler que ce qui représente une grosse partie de votre vie à instant T, n’est qu’une fraction de seconde dans la journée bien chargée des personnes à qui vous en parlez. On s’aperçoit tout juste que cela reste valable pour l’entrepreneuriat au sens large d’ailleurs :)

Voici donc une première série de conseils — il y en a bien d’autres et on complètera peut-être cet article au fur et à mesure des idées qui nous reviennent.

Et la suite ?

Notre e-shop est en ligne, et nous travaillons sur une collection de chaussettes fabriquées en France pour cet été. On va activement travailler au développement de la notoriété de la marque, donc à suivre :)

D’ici là, on reste disponible pour en discuter sur contact [at] petroneparis [point] com. Et on vous raconte toujours nos aventures sur Facebook et Instagram.

Vous avez trouvé notre article intéressant ? N’hésitez pas à nous le faire savoir via quelques 👏👏👏 pour aider d’autres entrepreneurs en herbe à le trouver. Merci !

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Marion Dubuc
Pétrone

Co-fondatrice de Pétrone — sous-vêtements masculins, beaux et confortables.