Comment cesser de “Liker” pendant deux semaine sur Facebook a transformé ma vision de l’humanité…

Romain Pillard
8 min readFeb 27, 2015

Un regard plein d'espoir jeté vers ce qui se passe lorsque vous quittez le “Like”…

Le 1er août, j’ai solennellement annoncé que j’allais cesser de “Liker” quoi que ce soit sur Facebook. A l’époque, j’ai simplement stipulé que j’allais être moins actif — et donc moins soutenir et moins “Liker”— sur le site que je l’avais été par le passé, mais c’est plutôt ma réelle curiosité qui m’aura amené à cela : comment mon expérience de Facebook allait-elle changer lorsque je cesserai d’alimenter ses moteurs avec mes “Like(s)”?

J’ai arrêté de “Liker” et ce fut difficile.

La première chose que j’ai remarqué, c’est combien il était difficile de ne pas “Liker” quoi que ce soit sur Facebook. Alors que je fais défiler les fils d’actualités et les mises à jour, mon doigt gravite instinctivement autour du bouton “Like”” pour des centaines de messages et de commentaires. C’est devenu viscéral… Un réflexe pavlovien ! J’ai vu des mises à jour et des actus que j’aimais ou que je voulais que les autres saches que je les “Likais”, alors me voilà cliquant presque inconsciemment et donnant mon approbation.

Le “Like”” est une sorte de feu vert de soutien et sans paroles donné au beau milieu d’une pièce plongée dans le brouhaha. C’est le plus simple des “Oui(s)”, des “Je suis d’accord”, des “Moi aussi”… Je ressentais les affres de la culpabilité de ne pas “Liker” certaines mises à jour, comme si l'absence de MON “Like” en particulier serait traduit comme une désapprobation de ma part ou un manque d’engouement. C’était comme si ma capacité à communiquer se retrouvait tout à coup un peu boiteuse. La fonction “Like” m’avait permis de me dispenser d’écrire tellement de commentaires depuis tant d’années, que j’aurais sans doute pu en faire un livre aussi long que Guerre et Paix.

A mesure que les jours s’égrainaient, éviter de “Liker” était devenu plus facile, et cela me sembla même d’un bénéfice certain lorsque j’ai remarqué une différence significative dans mon fil d’actualités Facebook. Je n’étais pas sûr pour autant que mon expérience vaille la peine d’être “posée sur papier”, jusqu'à ce que je lise un article de Mat Honan, intitulé : “ J’ai “Liké” tout ce que j’ai vu sur Facebook pendant Deux Jours. Voilà ce que cela m’a fait.Honan a choisi de tout “Liker” sur Facebook, soit le parti inverse de ce que j’ai fait en cessant de “Liker” quoi que ce soit. Nos découvertes, une fois confrontées et mises en parallèle, soulignent d’autant plus ce que mon expérience de ne plus rien “Liker” avait mis en évidence.

#1 Avantage de cesser de “Liker” sur Facebook : Un meilleur fil d’actualités.

Il est impossible de dire avec une certitude scientifique que mon fil d’actualités Facebook est très sensiblement différent de ce qu'il était, mais il me semble que c’est le cas.

On pourrait penser que “Liker” certaines mises à jour sur Facebook “enseignerait” à l'algorithme afin qu’il vous donne plus de ce que vous voulez voir… Oui mais voilà, l'algorithme de Facebook n’est pas humain. L'algorithme ne comprend pas les nuances psychologiques. Pourquoi vous aimez telle chose et pas une autre, en dépit du fait qu’elles comportent des mots clés relativement similaires et sont destinés à des publics plus ou moins comparables. Ainsi, lorsque j’ai “Liké” plusieurs vidéos et/ou images d'animaux plutôt douces et réconfortantes, l'algorithme de Facebook m’a renvoyé plusieurs histoires et de thèmes relatifs aux animaux, dont beaucoup n’avaient rien de réconfortant. On y voyait des traitement inhumains commis sur des éléphants notamment… Apparemment, l'algorithme de Facebook a confondu mon amour pour les animaux avec le désir de voir des images de pachydermes brutalisés.

L'algorithme commet la même erreur avec la politique, la mode et les messages du quotidiens. Le fait de me montrer davantage ce que mes “Like(s)” pourraient vouloir signifier par déduction algorithmique fit que mon expérience Facebook devînt vraiment désagréable dans bien des situations. L’algoritme ne cerne pas les nombreuse nuances politiques, philosophiques et émotionnelles s’agissant d’un sujet donné. “Liker” un hôpital-vétérinaire local ne témoigne pas de mon envie de voir des chiens maltraités, et “Liker” un post sur un beau mariage ne signifie pas que je veux convoler en noces (ou même seulement sortir…) avec toute créature exaltante que New-York a pu ou peut encore compter parmi sa population ! L'algorithme est hermétique à tout cela, car il ne peut pas connaître les individus.

Il m’apparaît soudain que le “Like” m’avait littéralement pris au piège dans un univers où l'environnement n’est dicté que par une sorte d’ad-bot réflexe (un “ad-bot” est un programme qui filtre vos publicité en fonction de vos “clics”). Vous aimez le yaourt ? Vous aimerez d’autant plus Extreme yogourt ! Vous avez “Liké” des vidéos de chatons tout mignons ? Vous devez donc sans doute avoir envie de voir huit chatons en train de se faire torturer par des scientifiques !

Maintenant que je ne commente plus rien sur Facebook et que je ne clique sur aucun “Like” mon flot d’actualités s’est assoupli, il s’est fait plus conversationnel. C’est comme si tous ces bruyants guetteurs de “Like(s)” avaient été éconduits en dehors de la pièce dès que j’ai cessé de demander (accidentellement) ce type d’actus et de mises à jour par le biais du bouton “Like”. Je n’ai pas vu la moindre image répugnante de torture animale, je n’ai pas non plus été exposé à quelque discours politique fallacieux que ce soit, ni n’ai continué de me noyer sous le flot de chatons mielleux tous formats confondus (les chatons c’est plus fort que moi…).

C’est comme si la raison avait été restauré. Je peux désormais commenter la photo d’un animal tout mimi sans pour autant me faire inonder de vidéos d’animaux partagées par 800 autres personnes cette semaine, tout comme je peux commenter une actualité traitant des relations entre les races sans pour autant recevoir un flot continue de remarques et de réactions teintées au vitriol.

Facebook sans les “Like(s)” pourrait presque paraître sain.

#2 Avantage de cesser de “Liker” sur Facebook : Plus d’Humanité et plus d’Amour.

Lorsque je me suis privé de la fonction “Like” sur Facebook à titre de méthode de communication, je suis resté avec le désir inassouvi de faire savoir aux gens que je les avais entendus, lus, ou que j’avais apprécié le contenu qu’ils venaient de poster. Je me suis tout à coup senti invisible. Je lisais, mais personne n’était au courant que je le faisais, j’ai donc réalisé que je devais changer ma façon d’interagir avec Facebook. Sans pouvoir me reposer sur les “Like(s)”, il me fallait me mettre à poster des commentaires sans quoi je serais perçu comme un antisocial et serais encore plus déconnecté de ce monde. Alors j’ai commencé à commenter plus que je ne l’avais fait sur la plate-forme.

Là où j’aurais jadis seulement “Liké” la photo du nouveau bébé d’un contact, désormais j’écris : “Quelle superbe touffe de cheveux !” Là où j’aurais jadis simplement ”Liké” une actualité relative à un anniversaire de mariage, maintenant je tape “Tu te souviens quand on s’était caché dans le pavillon de ta grand-mère pour fumer des cigarettes ?” Je fais des phrases élogieuses pour les parents, je partage mon amour secrets pour les smoothies au chou (mixer le chou en premier…), et je fais des blagues à propos de la sociopathie des chats d’appartement.

J’avais déjà souffert d’une forme de déconnexion au sein de ma communauté virtuelle avant d’arrêter les “Like(s)”. Il m’avait parfois semblé que les conversations se faisaient moins fréquentes, que les platitudes et les éloges quant à elle étaient devenues des lieux communs, tout comme les dérapages pompeux, qu’ils soient politiques ou religieux. C’était usant et assez déprimant… Après avoir cessé de “Liker”, tout cela changea. Je suis devenu plus présent, plus engagé, simplement parce que je dois utiliser mes propres mots plutôt qu’une fonction “Like”sans la moindre nuance. J’ai commencé à prendre le temps de dire au gens quels étaient mes sentiments et mes ressentis, j’ai pris en considération la vie de mes amis afin de partager autant les joies que les peines avec d’autres humains.

Il s’avère au final qu’il y a infiniment plus d’humanité et plus d’amour dans les mots qu’il n’y en a dans la fonction “Like”.

Pour faire court, la fin de mes “Like(s)” a rendu Facebook meilleur et m’a ramené un peu d’amour.

De nouveau je le précise, cette expérience de cesser de “Liker” sur Facebook n’a pas de cachet scientifique. Je n’ai fait aucune statistique, je n’ai suivi aucun utilisateur en particulier et je n’ai pas non plus créé quelque classement exotique que ce soit. Mais le résultat a cependant été clair et s’est situé aux antipodes de là ou l’experience de Mat Honan l’avait conduit en “Likant” absolument tout. Facebook est juste mieux sans les “Like(s)”.

Quand j’avais pour habitude de “Liker” tous les sujets ou les actualités qui ne me posaient pas de problème en particulier, mon fil d’actus Facebook ressemblait à une sorte de patchwork sans queue ni tête et sans cohérence : mariages, animaux tout mignons et parfois tout de même au beau milieu, un vrai sujet digne d’être étudié de plus près. Depuis que j’ai cessé les “Like(s)” à outrance, mon Facebook me fait penser à une sorte de dîner mondain et cosmopolite. On y trouve des conversations avec des “pour” et des “contre” (plus de “contre” que de “pour” du reste…) mais sans la moindre animosité, bref il y a de la connexion. Il me semble en fait que je reçois plus que ce que je demande, sans pour autant que le “plus” ne tienne en des versions extrêmes de ce que j’ai “Liké” plus tôt.

J’ai des débats de très longue date avec Facebook — hors responsabilité du terrible algorithme social— et ses Conditions d’Utilisation. Des problèmes qui touchent à la vie privée et à la pente savonneuse sur laquelle se trouve une large proportion de la population planétaire s’agissant de savoir-vivre et de comportement décent. Une fois la fonction “Like” effacée de ma vie voilà que je commence à vraiment aimer (“Liker”) Facebook. Au final vous vous apercevrez que vos amis sont sans doute plus aimable encore (“Likable”) que ce que la fonction “Like” de Facebook peut bien vous laisser imaginer ou transparaître. Quant à cette sensation de déconnexion que beaucoup d’entre-nous ressentons, elle n’est peut-être due au fond qu’à un algorythme acouphène.

Lorsque l’on laisse tomber le “Like”, on peut finalement commencer à s’aimer (à se “Liker”) pour de vrai ! Et alors on se connecte.

Cessez de “Liker” et voyez si cela humanise votre Facebook.

Faites reposer votre fonction “Like” et voyez ce qui se passe. Préférez commenter avec des mots. Regardez votre fil d’actualités changer. Je n’ai rien “Liké” depuis le 1er août dernier, et les améliorations dans mon fil d’actus sont tellement patentes que je ne prévois pas de “re-Liker” quoi que ce soit à l’avenir.

Ce n’est pas un secret, l’humanité, l’amour, l’immense majorité (silencieuse) des gens aimant et ne prêchant pas les extrêmes ne sont pas entendus ni mis en lumière, pire même, tout est finalement noyé par un algorithme inhumain. Je pense qu’il est vital de remettre ces composantes sociales vitales sur le devant de la scène.

Arrêtez de “Liker” et faite l’expérience d’une meilleure connexion. Que va-t-il arriver à votre Facebook sans vos “Likes” ? Comment votre perception, pas seulement de vos contacts Facebook, mais du monde en général va-t-il en être bouleversé ? Que va-t-il nous arriver ?

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