Cachez ce spoil que je ne saurais voir

Les 6 profils-types des spoilers contemporains

Hugo Clery

--

Je déteste démesurément le spoil. Évidemment, personne n’aime ça, mais certains s’en foutent éperdument. Je ne parle pas seulement de la fin d’un film, d’une série ou d’un jeu vidéo, mais de n’importe quel élément d’une histoire, d’une intrigue pouvant gâcher une éventuelle surprise. Un twist n’est pas forcément un dénouement, mais un revirement de situation changeant partiellement ou complètement la donne d’une histoire. Cela peut être aussi une révélation sur un personnage, pouvant aider le lecteur, spectateur, public à mieux saisir les tenants et aboutissants.

Les trailers ne se retiennent pas de montrer l’intégralité des films en 2 minutes 30 de cuts, dévoilant parfois les deux premiers actes (certains propriétaires de cinéma voudraient voir leur durée baisser à 2 minutes max). Cela devient pesant. Ne rien savoir sur un film devient un luxe, pour peu qu’on soit actif sur Twitter, que l’on fasse une veille avec des RSS. Je fais maintenant mon autiste au cinéma, baissant les yeux et me bouchant les oreilles pour ne pas voir ce qui rendrait le film prévisible une fois sorti en salle.

Récemment, c’est avec Game of Thrones qu’on a beaucoup reparlé de spoil. La fin du fameux épisode 9, secrètement gardée par les lecteurs du livre, a provoqué à torrent de réactions. Les gens ne pouvaient plus se retenir, n’ayant plus aucune inhibition à parler ouvertement de ce qui s’était passé. Avec un objet télévisuel tel que GoT, le potentiel était déjà massif avec les livres.

Et pourtant, les non-lecteurs se sont fait berner. Devenus la risée des fans de la première heure, et pour certains un véritable spectacle vivant à l’heure de la diffusion, nous avons parcouru tout ce chemin avec des personnes qui en connaissaient la destination. Mais ils ont su garder leur langue, toutes ces années, rien que pour le plaisir de savourer notre effondrement.

Les 6 profils-types du spoiler

Quant à d’autres, ce fut une toute autre histoire. Certaines personnes ne peuvent s’empêcher de parler. J’ai pu garder toute la surprise de cet épisode en mutant pas moins de 20 mots clés sur TweetDeck. La semaine qui a suivi, j’ai pu assister à de véritables confrontations entre spoilers et personnes qui n’avaient pas vu l’épisode. En étant observateur, on peut repérer quelques schémas, des motivations plus ou moins claires.

Good Guy Damon Lindelof (showrunner de Lost)

J’ai pu distinguer 6 types de spoil au fil des années. Vous reconnaitrez surement ces profils, vous vous reconnaitrez peut-être. Si c’est le cas, may God have mercy on your soul.

L’immense spoiler

Comme je l’ai dit plus haut, je déteste le spoil. Je ne lésine donc pas sur le vocabulaire pour définir ce qui est pour moi la quintessence du phénomène. Le pire des spoilers, celui qui n’a pas aucune limite, qui agit instinctivement. Une véritable bête sauvage. Vous savez, le genre de personne à prendre des RTT le lundi matin rien que pour regarder le dernier GoT après la sortie des sous-titres VO, à l’heure d’ouverture des boulangeries.

Et qui ensuite, trouvant dans cette pratique avant-gardiste un sentiment de pouvoir, n’hésite pas à distiller sa suffisance en balançant des énormes spoils, au hasard. Surement dirigé par sa soif de chaos, ce gigantesque troll n’a bien souvent pas de vie, ce qui lui permet de suivre 14 séries en même temps pour garnir son compte Twitter. C’est ici le spoiler de la pire espèce, qui n’a aucun mobile pour ses crimes, ne vivant que pour ça, savourant chaque unfollow comme une victoire. Sa maxime ?

“Si tu ne veux pas être spoilé, tu n’as qu’à être à jour.”

Le spoiler trop ironique

On les croise aussi souvent, dans le sillage du premier. Il arrive souvent après la bataille, prenant les gens de haut en tentant de faire des analogies fumeuses. Sa spécialité ? Faire référence à des twists connus pour commettre son crime. Ainsi, si vous voyez quelqu’un commencer une phrase par “Et en fait à la fin de Star Wars…”, c’est qu’il se prépare à lâcher son gros spoil de merde avec délectation. Il n’en peut plus, cela le fait tellement rire.

Non, il ne parlera pas de Dark Vador mais bien de l’épisode que vous n’avez pas encore vu parce que, et bien comme beaucoup de monde, vous êtes au travail. Ce mec trop ironique, au-dessus de la masse, se gausse devant toutes ces personnes criant au spoil et en profite, telle la fouine qu’il est, à glisser sa condescendance dans une ridicule tentative de dédramatisation. Il est donc à peu près aussi détestable que le premier, l’assurance en moins.

La fausse excuse

“Si on ne peut plus parler de la série…”

Là, c’est un peu plus subtile. Nous ne sommes pas dans le troll, mais dans une attitude assez hypocrite. Vous avez déjà surement entendu cette phrase. Quelqu’un qui, pris en flagrant délit, se dédouane en prétextant que balancer le nom du dernier personnage mort pendant le cliffhanger du dernier épisode, c’est parler ordinairement d’une série. Une bien belle excuse de merde.

Le spoil de Shrodinger : le faux spoil qui en est un (ou pas)

Alors là, on est dans une pratiquement largement répandue et ce pas seulement sur l’Internet. Dans l’imaginaire collectif, le spoil ultime est “À la fin, il meurt”. Cela est devenu tellement répandu qu’on l’utilise souvent pour chambrer son entourage après avoir vu un film. Sauf qu’il y a une chance sur deux que ce spoil soit vrai. On ne pourra le savoir qu’en regardant le film et on ne peut en vouloir à la personne l’ayant balancé parce que et bien, c’est devenu une boutade récurrente.

D’autres spoils de ce type apparaissent au fil du temps, au fur et à mesure que les films sortent, de nouveaux twists peuvent apparaitre, d’autres reprennent de vieilles ficelles. Le spoil de Shrodinger est donc inoffensif, sauf s’il ne laisse aucun doute, auquel cas il est complètement raté et vous devenez un gros fils de pute.

In The Spoiler all the action is spoiled just before it takes place. Spoiling has never been more fun!
http://moviesudontwant2see.tumblr.com/

Le mec qui ne peut pas s’empêcher

“De toute façon, tu ne vas pas regarder !”

Certaines personnes adorent parler de séries, mais n’ont pas l’habitude de spoiler. Mais quand vous êtes en soirée et qu’il vient de voir le season finale de la saison 2 de Falling Skies, il est tellement excité qu’il ne peut plus se retenir. Après une brève analyse de son public, il conclut que, de toute façon “vous n’allez pas regarder”.

C’est une façon de se donner bonne conscience pour ensuite briller en dévoilant un cliffhanger qui va, à coup sûr, lui permettre de pécho ce soir-là. Il ne vous laisse donc pas la liberté de choisir vos séries, croyant vous connaitre et ne rien faire de mal. La vérité, c’est que bien sûr que si, un jour, j’aurais envie de regarder la fin de Gossip Girl.

Le mec qui n’en fait pas exprès

“Ah merde, j’pensais que tu l’avais vu..”

Ah oui, le fameux. Trop confiant dans l’assiduité de ses amis à regarder les derniers films ou séries, il lâche des gros spoil dans la discussion avec nonchalance. Trop peu soucieux, il croit que tout le monde est comme lui. Il s’excuse sur le coup, mais ne s’arrêtera sans doute jamais. Cela fait partie de lui, c’est à son entourage de fixer des règles, d’anticiper, de l’arrêter. Comme un schizophrène sujet à crises à n’importe quel moment. C’est un travail de tous les instants.

Bien sûr, il peut exister d’autres types de spoils, mais certains ne pouvaient pas faire l’objet d’une catégorie. Ainsi, bien souvent, des personnes vous parlent d’un film avec tous les superlatifs du monde : “C’était énorme, tu vas tellement kiffer”, “La fin est dingue, on s’y attend mais PAS DU TOUT”. Résultat, vous vous attendez à quelque chose, vos attentes sont revues à la hausses et vous avez déjà 14 scénarios différents en tête pour la fin.

--

--