Le dépistage du cancer de la prostate qui m’a sauvé la vie
Par Ben Stiller — Une traduction de l’article original publié le 4 octobre dernier
"C’est officiel, j’ai un cancer."
Il a suffit de deux secondes pour que mon urologue qui me racontait à quel point cela l’embêtait de déposer sa fille à l’école le matin m’annonce que j’avais un cancer. Il y a deux semaines, je n’avais même pas d’urologue.
“Et oui” m’a-t-il alors dit d'une manière légèrement détachée en regardant mes résultats, “J’ai été moi-même surpris”.
Alors que mon docteur tout droit sorti d’un autre monde se mettait à me parler de noyaux cellulaires, des scores de Gleason, de mes chances de survie, d'incontinence et d'impuissance, me conseillait d’avoir recours à la chirurgie en m’expliquant quelle opération serait préférable, je finissais littéralement pa rne plus entendre sa voix comme si j’étais dans film ou une série dans laquelle on annonce à quelqu’un qu’il a un cancer... Une scène digne de Breaking Bad sauf que je n’étais pas Walter White, j’étais moi et personne n’était en train de me filmer.
Le vendredi 13 juin 2014, j’ai été diagnostiqué d’un cancer de la prostate. Le 17 septembre de la même année, je réalisais un test de dépistage qui se révélait négatif. Les trois mois qui se sont écoulés entre ces deux dates ont été une course folle à laquelle peuvent s’identifier environ 180.000 hommes chaque année aux États-Unis.
Juste après avoir appris la nouvelle et essayant encore de donner du sens aux mots qui résonnaient maladroitement dans ma tête (« probabilité de survie-vie-vivre... » « incontinence-nence-nence-nence ... »), j’ai sauté sur mon ordinateur puis j’ai tapé dans Google “Hommes ayant eu un cancer de la prostate”. Je ne savais pas du tout quoi faire et j’avais simplement besoin d’être rassuré sur le fait que toute cela n’était pas la fin de mon monde.
John Kerry... Joe Torre... génial, ces deux-là se portent toujours bien. Mandy Patinkin... Robert DeNiro. Ils sont vitaux. OK, super. Je commençais à être un peu plus optimiste, mais j’avais quand même envie de faire une nouvelle recherche, un peu plus sombre cette fois puisque je saisis rapidement “personnes mortes du cancer” au lieu de “ayant eu” dans la barre de recherche.
Au fur et à mesure que j’en apprenais plus sur ma maladie (notamment sur le fait qu’il ne faut pas rechercher sur Google “personnes qui sont mortes du cancer de la prostate” immédiatement après avoir été diagnostiqué d’un cancer de la prostate), je réussissais à me persuader que j'étais incroyablement chanceux. Chanceux parce que mon cancer avait été détecté assez tôt pour être traité. Mais aussi chanceux d’être tombé sur un interne qui eu la bonne idée de me faire passer un test non obligatoire.
Faire le test de dépistage de l’antigène prostatique (PSA) m’a sauvé la vie. Au sens propre du terme. C’est pour ça que je vous écris aujourd’hui. Ce test a été sujet à de nombreuses controverses ces dernières années : des articles ou des tribunes qui remettent en cause sa fiabilité, des études qui semblent se contredire ou encore des débats sur la nécessité ou non pour les hommes de faire ce test. Je ne parle pas ici d’un point de vue scientifique, il s’agit de ma vision personnelle, basée sur ma propre expérience. Ce que je retiens de cette histoire : j'ai eu la chance d'avoir un médecin qui m'a fait passer ce test (qu’ils appellent “test PSA de référence”) alors que j’avais 46 ans. Je n'avais pas d'antécédents dans ma famille et n’avais pas le profil d’une personne à risque, n’étant ni d'origine africaine ni scandinave, du moins pas à ma connaissance. Je précise également que je n’avais aucun symptôme.
La chance que j’ai eu, c’est d’avoir été le patient d’un interne précautionneux qui a senti que c’était le bon moment pour vérifier mon niveau de PSA, un test que que l’on propose souvent de faire à mon âge, et qui a pris le temps d’en discuter avec moi. Si je suis en bonne santé aujourd’hui, c’est grâce à lui.
S’il avait attendu mes 50 ans comme le préconise la Société Américaine de Cancérologie, ce n’est que deux ans après la fin de mon traitement que j’aurais appris la présence d’une tumeur en moi. Et s'il avait suivi les directives du Groupe de travail des services préventifs des États-Unis, je n’aurais jamais été testé et j’aurais appris l’existence de mon cancer bien trop tard pour qu’il ne soit traité.
Dans mon cas, mon docteur, Bernard Kruger, observa mon taux PSA augmenter régulièrement pendant plus d’un an et demi, me faisant passer des tests tous les six mois. Comme les chiffres continuaient de grimper, il m’envoya voir un urologue qui me fit passer un test invasif dans son cabinet en utilisant un doigt ganté. Cela ne prit que 10 petites secondes. Bien sûr je ne recommande pas ce test même pour s’amuser mais bizarrement certains eux ne le recommande pas du tout. C’est après cet examen, et voyant mon taux de PSA continuer d’augmenter, que le docteur m’a conseillé de passer une IRM afin de réaliser un bilan complet de ma prostate.
Il s’agit d’un examen non invasif du même genre que celui pratiqué sur les athlètes pour lesquels on soupçonne une blessure touchant les ligaments croisés antérieurs : un examen lourd mais indolore. C’est seulement après avoir étudié les résultats de mon IRM que mon médecin m’a recommandé de faire une biopsie, un examen qui est tout sauf agréable. Contrairement à l’IRM, la biopsie était clairement invasive : de longues aiguilles en moi dans des endroits extrêmement sensibles tout en discutant d’enfants et des conduites à l’école.
Puis les résultats de la biopsie se sont avérés positifs. Bien sûr, “positif” dans le jargon médical n’est pas vraiment positif. Mon score de Gleason était de 7 (3 + 4), soit une note qui classe mon cancer comme un “cancer agressif de niveau moyen”. A ce moment, une intervention chirurgicale était nécessaire. Avant de prendre ma décision, j’ai décidé d’aller voir d’autres médecins afin de recueillir d’autres avis. Tous les docteurs avec lesquels j’ai discuté de la situation étaient d’accord sur le fait que j’avais besoin de subir une intervention afin que la tumeur soit retirée.
Acceptant mon sort, j’ai alors pris rendez-vous avec un chirurgien merveilleux nommé Edward Schaeffer, avec lequel je me suis tout de suite senti à l’aise. Il a pratiqué sur moi une prostatectomie radicale par laparoscopie assistée par un robot. Grâce à son habileté et sans doute d’un peu de bienveillance venue d’en haut, j’ai été débarrassé de toute la tumeur. Au moment où j’écris ces lignes, cela fait maintenant deux ans que je suis sorti de mon cancer et j’en suis extrêmement reconnaissant.
Alors, qu’en est-il de ce test du PSA et pourquoi il y a-t-il autant de controverses à son sujet ?
On effectue un simple test sanguin indolore, qui n’est en aucun cas dangereux. Si le niveau du PSA (Antigène Prostatique Spécifique) est élevé dans le sang ou si les niveaux augmentent rapidement au fil du temps, cela peut indiquer la présence d'un cancer de la prostate. Ce test n’est bien sûr pas infaillible.
Le reproche que l’on peut faire à ce test est le suivant : selon la façon dont ils interprètent les données, les médecins peuvent demander aux patients d’effectuer d'autres tests comme l’IRM et la biopsie, qui elle est plus invasive, alors qu’en fait ils ne sont pas nécessaires. Les médecins peuvent diagnostiquer des cancers à faible risque et curables, en particulier pour les patients les plus âgés. Dans certains cas, les hommes souffrants de ce type de cancer bénéficient d’un “sur-traitement”, comme la radiothérapie ou l’opération chirurgicale, ce qui entraîne des effets secondaires tels que l'impuissance ou l'incontinence. Évidemment, cela n'est pas souhaitable ; mais le médecin qui s’occupe du patient est le seul à pouvoir évaluer les risques au cas par cas.
Mais sans ce test du PSA ou toute autre méthode de dépistage, comment les médecins pourraient-ils détecter les cas asymptomatiques comme le mien ? Et surtout le détecter avant que le cancer ne devienne incurable et développe ses métastases dans tout le corps du patient ? Et qu'en est-il des hommes qui sont les plus à risque, les personnes d'origine africaine et les hommes qui ont des antécédents de cancer de la prostate dans leur famille ? Est-ce qu’il faudrait, comme le suggère l’USPSTF (U.S. Preventive Services Task Force) ne pas chercher à les faire dépister ? De plus en plus de preuves indiquent que ces recommandations ont conduit à une augmentation des cas de cancers de la prostate détectés trop tard pour que le patient ne puisse survivre à la maladie.
Cinq ans après leur recommandation initiale d’arrêter les tests PSA, l'USPSTF est actuellement en train comme ils l’expliquent sur leur site web de “revoir ses recommandations”. Je pense que tous les hommes de plus de 40 ans devraient avoir la possibilité de discuter de ce test avec leur médecin et d’en apprendre plus à son sujet, afin qu'ils aient la chance de recevoir un vrai diagnostic. Une fois informé, le patient pourrait faire ses propres choix et savoir comment agir en conséquence.
Je me sens béni chaque jours d’avoir eu ce docteur qui m’a présenté ces options. Quand j’ai décidé de faire ce test, il m'a orienté vers des médecins qui ont travaillé dans des centres d’excellence spécialisés pour déterminer les étapes suivantes. C’est un problème très complexe et qui évolue constamment. Mais dans ce monde imparfait, je crois que la meilleure façon de déterminer un plan d'action pour ce cancer qui reste mortel mais qui fait partie de ceux qui se soignent le mieux, est de le détecter le plus tôt possible.
LIENS UTILES A PROPOS DU CANCER DE LA PROSTATE
Northwestern Medicine: Prostate Cancer
L’Association Française d’Urologie (AFU)
ANAMACAP (Association Nationale des Malades du Cancer de la Prostate)
EN SAVOIR PLUS SUR LE TEST DE DÉPISTAGE DU PSA
Les directives de l'American Urological Association sur le dépistage du cancer de la prostate
L’American Cancer Society sur le dépistage du cancer de la prostate
La Déclaration consensuelle de Melbourne sur le dépistage du cancer de la prostate
Les conseils de L’Institut National du Cancer sur le dépistage du cancer de la prostate
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Des centres de dépistage du Cancer préconisés par le National Cancer Inst
L’Institut National du Cancer sur le dépistage du cancer de la prostate