Construction responsable — Emmanuel Cazeneuve co-fondateur d’Hesus

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6 min readDec 5, 2018

— Cet article fait partie du dossier de veille sur la construction et l’aménagement de la Ville Durable. Retrouvez l’édito et les autres interviews ici et retrouvez le dossier complet ici !

Spécialistes de l’évacuation et de la valorisation de terres et matériaux de chantier, la start-up Hesus est au cœur des transformations du secteur de la construction. Emmanuel Cazeneuve, cofondateur et CEO, nous brosse un contexte et les solutions proposées par les acteurs du secteur.

Recyclé jusqu’aux racines

Après des études en environnement, j’ai passé 4 ans chez Ikos à la gestion des terres. Et puis, rapidement, j’ai créé Hesus en 2008 avec mon associé Pierre Cazeneuve. Nous fêtons donc nos 10 ans ce mois-ci. Hesus c’est environ 1,5 millions de tonnes de matière, donc 60 000 tours de camions et quelques trajets en péniche.

Emmanuel Cazeneuve, cofondateur de Hesus

Si je devais résumer nos actions, c’est parce que les enjeux environnementaux bouleversent en profondeur la gestion de chantiers de construction, qu’Hesus propose aux entreprises du BTP d’optimiser l’exploitation de leur déblais et déchets, et dans la fourniture de terres et de matériaux issus de ces ressources. Notre cœur de métier est simple : nous valorisons la matière. Notre rôle est de trouver des solutions pour évacuer le surplus de terres d’un chantier. On y trouve une destination, que ce soit un centre de traitement, de l’enfouissement ou un chantier de réutilisation.

Notre cœur de métier est simple : nous valorisons la matière.

Par exemple, nous avons récupéré 10 000 tonnes de terres sur un chantier au Millénaire à Aubervilliers. Nous avons tout évacué par péniche, et, selon le niveau de pollution des terres, nous avons trouvé des centres de valorisation appropriés. Nous en avions un en Normandie et deux sites de traitement en Belgique (l’avantage du pays étant que ces terres ont pu être réutilisées pour les constructions). Autre exemple, nous avons travaillé sur un chantier à Alfortville pour Bouygues. Pour celui-ci, nous avons pu réutiliser les terres récupérées sur un second chantier.

Evidemment, tout ça ne se fait pas en un claquement de doigts. Il y a certes une application sur laquelle nous nous reposons, mais surtout il y a une connaissance logistique pointue à avoir pour réaliser ces transferts.

Il faut aussi être en mesure d’assurer la traçabilité documentaire, c’est-à-dire de suivre tous nos transports (camions et péniches), qui sont documentés et tracés. Tous les déplacements sont renseignés et centralisés chez Hesus. Pour la suite, nous investissons dans une traçabilité plus large, pour en arriver à anticiper la compatibilité entre les terres. Nous pouvons certes tracer les déplacements, mais qui nous dit que les terres du chantier A n’auront pas un impact nocif sur le chantier B ? Grâce à notre réseau, nous pourrons prendre compte les compatibilités entre les différentes terres. Les analyses seront réalisées par les maîtres d’ouvrage / maîtres d’œuvres et alimenteront une base de données que nous utiliserons pour cartographier les fongieux chimiques selon les chantiers.

Des acteurs en pleine transition

Ces actions sont des réponses à des enjeux environnementaux qui vont amener à des changements particulièrement conséquents, nous en sommes convaincus. Il faut savoir que le marché du BTP est le plus polluant, avec plus de 220 millions de tonnes de déchets. C’est 100 fois plus que le volume de déchets ménagers ! Et pour le moment, seulement 40% sont valorisés. La loi de la Transition énergétique, votée en 2017, prévoit que ce chiffre soit élevé à 70% en 2020. Les acteurs d’aujourd’hui ont toujours le choix d’enfouir, de réutiliser ou de valoriser.

Les façons de procéder sont en train de changer, on se prépare à ces objectifs. La Société du Grand Paris impose d’ailleurs une traçabilité beaucoup plus précise que la réglementation actuelle. L’objectif est d’être capable de tracer tous les déchets transportés par camion. Je pense que demain, ce sera la norme sur les chantiers de construction. Les acteurs se rendent compte qu’ils doivent agir, en raison de la mise en place des lois, de l’évolution du marché, mais également la raréfaction des matières premières. Actuellement il est de plus en plus difficile d’ouvrir de nouvelles carrières pour obtenir les matières premières, les centres de traitement sont toujours plus loin des centres urbains… La réutilisation des matériaux est finalement plus intéressante. Face à ces grands enjeux environnementaux, le BTP prend l’économie circulaire à bras-le-corps.

L’objectif est d’être capable de tracer tous les déchets transportés par camion. Je pense que demain, ce sera la norme sur les chantiers de construction.

Et ce n’est finalement pas nouveau dans le domaine du BTP : depuis que le terrassement existe on échange des matériaux entre les chantiers. La mise en relation n’est pas nouvelle, mais elle est aujourd’hui plus facile, plus rapide et, en conséquence, la communauté est plus importante. Le réseau est plus transparent, les acteurs sont plus confiants dans l’échange et ont plus de facilités à s’y investir. On peut faire le lien avec Bla Bla Car : ils n’ont pas réinventé l’auto-stop mais ont multiplié les usages en rassurant les utilisateurs !

Orientation plein futur

Aujourd’hui, Hesus regarde de plus en plus la construction. On se dirige vers plus de services de transports de matériaux, on investit beaucoup dans les filières de réutilisation des terres. L’un des champs les plus intéressants à notre sens est la construction d’un matériau à partir de la terre recyclée : on peut par exemple construire des briques avec des terres récupérées. Il y a un réel gisement dans ce domaine. Dans la continuité, on peut parler de l’utilisation de matériaux de seconde œuvre. Par exemple, Cycle Up, dont nous sommes partenaires, a développé une plateforme numérique de réutilisation de ces matériaux (des portes, des poignées, des luminaires…), qui étaient auparavant considérés comme des déchets. Faire passer ces matériaux d’un bâtiment à un autre c’est leur donner une seconde vie.

Il nous faut réapprendre à travailler avec la terre, et des matériaux que l’on peut réutiliser.

Il est clair que nous allons changer nos façons de construire, avec de nouveaux matériaux. Il nous faut réapprendre à travailler avec la terre, et des matériaux que l’on peut réutiliser. Comme on l’a entendu chez Bouygues, on peut envisager un bâtiment comme une réserve de matières premières secondaires. La vision est intéressante : un bâtiment dans 30 ans sera une réserve de béton, de portes… C’est une tendance de fond très forte, poussée par des enjeux environnementaux.

De notre côté, en travaillant dans un écosystème aussi moteur que l’économie circulaire du BTP, nous avons de quoi être ambitieux. En nous exportant à l’étranger (Royaume-Uni, Allemagne, Pologne), nous nous sommes rendus compte que la France est particulièrement valorisée dans le secteur du bâtiment. L’économie circulaire du BTP française est une économie locale, avec un savoir-faire à exporter.

Dossier de veille Ville Durable

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