“Encore une question M. Airbnb”

Bruno Le Lan
3 min readJan 16, 2018

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Le 15 novembre 2017, le matinalier de France Inter, Nicolas De Morand recevait Emmanuel Marill, directeur général France d’Airbnb. L’angle d’attaque du journaliste était clairement l’impact du dispositif Airbnb à Paris. Le directeur général du réseau mondial avait une annonce à faire : dans certains arrondissements de la capitale, un hôte ne pourra accueillir plus de 120 nuitées par an. Double effet : un mini-scoop, qui permet à la radio d’être citée par les confrères, et une annonce parfaitement programmée pour répondre aux mécontentements qui bruissent ici ou là dans le pays.

M. Marill était moins confortable pour répondre à la question de Léa Salamé sur le montant ridiculement bas de l’impôt payé par Airbnb en France. On y découvrait également le nombre d’emplois créé par le réseau en France : une quarantaine.

Airbnb est une entreprise qui a réussi, en très peu de temps et de manière simple et géniale, à créer une nouvelle relation entre l’habitant, le gars du coin, et le touriste, ce visiteur en manque de repères. Pas de jugement de valeur, c’est la réalité qui s’impose à nous (jusque dans ma rue, jusque dans mon immeuble), qu’on y voit une menace ou une opportunité.

Comme l’approche relationnelle d’Airbnb, vis à vis des collectivités, a toujours été d’être sympathique et ouvert, profitons-en pour suggérer quelques questions complémentaires.

  • À l’évocation de la taxe de séjour, vous répondez toujours en citant les endroits où vous la collectez. Savez-vous que la taxe de séjour s’applique sur l’ensemble du territoire ? Par quel miracle un établissement privé comme le vôtre peut-il décider d’appliquer la réglementation ici et pas là ?
  • La grande qualité de votre réseau est l’échange entre un habitant, un hôte, et son visiteur. C’est souvent vrai. Parfois, pourtant, la rentabilité d’un hébergement, grâce à votre site internet, peut rivaliser avec les meilleurs placements boursiers et intéresser des investisseurs rompus aux analyses comparatives. Parmi les hôtes qui constituent votre catalogue, pouvez-vous distinguer celui qui a une existence réelle de celui qui est employé d’une entreprise et dont le profil relève plus du profil de poste que d’un autoportrait sincère ?
  • Le jour où Airbnb est entré dans le jeu, c’est devenu une évidence pour tout le monde : la photographie est le meilleure support pour vendre une offre touristique. C’était une fausse découverte, tout le monde le savait, mais personne ne le faisait aussi bien. Derrière l’image, comment pouvez-vous assurer une qualité de service ? Quelle est votre responsabilité réelle en cas de litige ?
  • En se déployant dans le monde entier, Uber a pris une posture très agressive vis à vis des réglementations. Avec Airbnb, c’est la sympathique start-up de San-Francisco qui arrive, tranquillement, sans faire de bruit. Le formidable succès du concept entraine des difficultés sur le terrain, dans la cage d’escalier d’un immeuble, dans certains quartiers qui deviennent inaccessibles aux habitants parce qu’un loyer à l’année est moins rentable. D’après vous, à l’image de ce qui se fait dans l’industrie pour l’impact environnemental, aurez-vous un jour à mesurer la trace sociologique de votre activité ?

Le site internet d’Airbnb est un accélérateur de transaction incomparable. Il met Joanna en relation avec son hôte Javier. Parfois Javier se transforme en jeune femme pressée qui fait un accueil presque furtif : “voici les clefs, vous les posez là le jour du départ et vous claquez la porte… merci… au revoir…” Parfois c’est Javier et sa femme Jeannice qui ouvrent la porte avec un grand sourire et plein de choses à raconter. Vous lancez la pièce : verdict à l’arrivée. Pour Airbnb et son story telling la pièce n’a qu’une face.

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Bruno Le Lan

Directeur de l‘Office de tourisme Baie de Morlaix - Finistère.