Tribune

10 conseils pour rédiger un dossier de série vendable

(et faire gagner du temps aux producteurs)

Raphaël Tilliette
Paper to Film

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par GILLES DANIEL, producteur en charge du pôle fiction chez Morgane Production, et également scénariste.

1 — Faites court

Les producteurs passent leurs temps à chercher des myriades de projets, tout en alternant cette recherche avec leurs productions en cours. Le temps est leur denrée la plus précieuse. Un dossier doit idéalement représenter une quinzaine de pages maximum (hors continuité dialoguée si vous en avez déjà une). Si vous avez écrit une méga bible avec des recherches poussées sur votre univers ou un dictionnaire Français-Klingon, mentionnez son existence, citez-en des extraits à la rigueur, mais ne les joignez pas ; au passage vous sauverez des forêts.

2 — N’oubliez pas la tagline en première page

La tagline donne l’identité, voire la tonalité de votre série. Le concept et les points forts du projet doivent apparaître dans les deux premières pages. Il n’y a rien de pire que de devoir errer dans un dossier pour comprendre où vous voulez en venir, quelle est l’originalité du projet ou sa promesse.

3 — Ne noyez pas votre lecteur sous les fiches personnages

Certains les zappent directement. Une demie page par personnage, c’est parfait. Décrivez les traits de caractère et la psychologie de vos héros/antihéros. Leur rapport aux autres. Leur positionnement social et familial. Leur philosophie de la vie. Le cas échéant leurs enjeux. Évitez de trop écrire au passé, de la backstory qui ne sera exploitée que dans des cas particuliers. Une fiche personnage n’est pas un CV. Méfiez-vous également du futur. Toute info au futur (sauf si c’est une question) doit être dans les arches, pas dans la fiche perso. Enfin, essayez de commencer la description des personnages par une formule qui les caractérise chacun (ex : « le bon sens en action »).

4 — Précisez quels sont le ou les personnages dont le point de vue porte l’histoire

C’est important pour se projeter dans la série. Essayez de positionner vos personnages sur des axes (ex : conservateur/progressiste, sociable/misanthrope…) pour vérifier qu’ils sont tous suffisamment différents et vecteurs de conflits. Ne soyez pas manichéens et évitez les personnages monodimensionnels, d’un bloc. Dotez les de vrais traits de caractères (que vous avez observé autour de vous si possible), parfois opposés ou complémentaires. Veillez à ce que dans tous les cas, les personnages puissent être générateurs d’empathie et s’impliquer émotionnellement dans l’histoire.

5 — Attention au style rédactionnel si vous décrivez un pilote ou des arches

Plus il est précis, plus le lecteur a tendance à se projeter dans le projet final. C’est très bien, mais uniquement pour une intro ou des passages clef. Car à ce stade, vous avez rarement la matière pour tout écrire. Il ne faut donc pas hésiter à être synthétique et elliptique. À laisser des questions ouvertes, des points de suspension. N’essayez surtout pas de raconter toute votre série de A à Z. Attention aux résumés d’épisodes ou aux arches d’une saison, qui sont en fait quelques scènes mises bout à bout. Si vous n’avez pas encore toute la matière, c’est normal. N’essayez pas de faire croire le contraire, car un producteur expérimenté s’en rendra compte tout de suite.

6 — N’oubliez pas de rappeler fréquemment qui est qui dans vos descriptifs d’histoire

Mentionnez métier, nom de famille si nécessaire, lien familial, rôle par rapport aux autres, etc. Il n’y a rien de plus irritant que de devoir retourner aux fiches personnages pour se repérer. Choisissez si possible des prénoms qui se terminent par des sonorités différentes. Au besoin faites un petit schéma généalogique ou policier, ou encore une liste de vos personnages à laquelle il est facile de se référer. En revanche évitez les répétitions sur les points non essentiels de l’histoire. Si une info est dans les fiches perso ou dans le synopsis du pilote, ne la mettez pas dans les arches, ou vice versa.

7 — Essayez d’avoir une vision claire de la mécanique de votre série et de ses moteurs d’histoire

Une des questions que les producteurs se posent le plus souvent est « C’est une bonne idée, mais y’a-t-il la matière pour en faire une série ? » ou « Comment cela va-t-il se renouveler ? ». On peut y répondre en listant les thèmes possibles (familiaux, professionnels…), en les regroupant par catégories, en étudiant comment des séries similaires sont construites mais aussi alimentées. Si vous n’avez pas un hôpital ou un commissariat, où les histoires arrivent « par elles-mêmes », c’est essentiel de maîtriser vos moteurs et de savoir les présenter.

8 — Mettez de l’air dans vos dossiers

Du blanc, des intertitres, des photos. Faites un document visuellement appétissant. Pas un certificat de garantie en petits caractères. Pensez plaisir de lecture ! Si vous présentez une comédie, il faut que le dossier fasse rire ou au moins sourire à toutes les pages ou presque. Par votre style rédactionnel, mais aussi si possible en rythmant le texte avec des extraits de dialogues.

9 — Donnez des références

Le type de séries auxquelles la vôtre voudrait ressembler. Quitte à en mixer plusieurs, ou citer d’autres œuvres comme des films. N’hésitez pas à entrer vos références sur Google et utiliser la fonction « recherches associées » (en bas à droite). Cela vous donnera une idée du type de série ou d’œuvres similaires ou connexes qui existent et de la catégorie dans laquelle vous vous positionnez, en terme de tonalité, de galerie de personnages, de mécanique dramatique etc.

10 — Pensez au type de chaîne que vous visez

Généraliste ou payante. Au public qu’elle réunit et au type de séries (françaises ou étrangères) qu’elle diffuse. Cela vous aidera à éviter de vous épuiser sur des projets sans case (ex : comédie gore 52 minutes). C’est le travail du producteur de savoir à quelle chaîne vendre un projet, mais avoir un minimum conscience du marché peut vous faire gagner un temps fou dans votre parcours créatif.

Bon courage et bonne chance !

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