Benoît Grenier : « Mon inspiration part du réel. Je puise toujours dans ma culture, mon vécu, mon quotidien et dans l’état d’esprit dans lequel je me trouve sur le moment. »

Auteur pour Disney, David Copperfield et pour des séries d’animation, Benoît Grenier s’est mis à la rédaction de ses propres projets. Avec nous, il revient sur ses différentes expériences.

Louise Rubi
Paper to Film
8 min readApr 29, 2020

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Quel est ton parcours professionnel ?

J’ai grandit avec Star Wars et j’ai découvert très jeune des films de Science-fiction comme Planète Interdite ou Metropolis avant de m’intéresser aux films d’Horreur. Je suis entré dans le milieu du cinéma par la presse en écrivant pour l’Écran Fantastique et pour Lucasfilm magazine. Parallèlement j’étais aussi fan de Disney et j’ai commencé à écrire pour le journal de Mickey et pour toutes les parutions Disney à la fin des années 90. Même si le journalisme me plaisait, je voulais devenir scénariste. J’ai eu l’opportunité d’écrire des Bandes Dessinées pour des personnages classiques comme Mickey ou Winnie. J’ai aussi travaillé pour les Éditions Atlas en tant que concepteur éditorial spécialisé en licences. En plus du cinéma et Disney, je me suis intéressé dès mon plus jeune âge à la Magie et de nos jours j’écris pour des magiciens, comme David Copperfield et je collabore avec Arthur sur les émissions Diversion pour TF1.

J’ai commencé à travailler en 2005 avec Pierre Sissmann, l’ancien PDG de Disney Europe, en tant que scénariste et directeur d’écriture en animation. Depuis, j’ai écrit sur de nombreuses séries animées françaises et internationales. Enfin, je suis intervenant en école de cinéma pour aider les cinquièmes années à écrire leurs films de fin d’études.

En marge de tout cela, j’ai toujours eu des projets de long-métrages — notamment avec Christian Fechner, Raphaël Bénoliel et Kader Aoun. Le projet que j’ai déposé sur Paper to Film, retranscrit cette passion à la fois du cinéma, des coulisses et du fait de réaliser ses rêves.

Quels sont tes projets actuellement ?

Je travaille sur une série pour M6 et je prépare de nouvelles émissions avec Arthur. Je suis également sur l’écriture de deux long-métrages, cette fois ci avec mon co-auteur François Willenz — que je connais depuis plus de vingt ans et avec qui je faisais des courts-métrages à la fin des années 90.

Quelle est ta méthode de travail ?

Pour moi, tout est question de structure. J’ai toujours été passionné par les grandes théories de John Truby, Syd Field, Robert McKee… J’essaye toujours d’avoir un canevas en commençant par mes personnages, puis en mettant ma structure en place. Si je parviens à faire vivre mes personnages au cœur de cette structure alors tout va bien. J’aime prévoir exactement ce que je vais faire chaque jour et à chaque étape de l’élaboration d’un texte. J’alterne aussi les différents projets afin de toujours avoir un regard “neuf” sur mes textes.

Sur les projets actuels, je discute en FaceTime avec mon co-auteur pendant une à deux heures par jour. Nous travaillons ensuite chacun de notre côté avant de nous recontacter le lendemain afin de vérifier que nous avançons dans la bonne direction et que nous sommes sur la même longueur d’onde.

Quelles différences fais-tu entre écrire pour de l’animation et pour de la prise de vue réelle ?

Ecrire pour l’animation, c’est écrire avec une liste de contraintes. Et c’est ce qui est intéressant. En animation, il y a un nombre de personnages, de décors et d’objets définis, tout comme la durée. Arriver à écrire avec toutes ces contraintes est un bon exercice. Lorsque vous passez à l’écriture de projets live, vous vous rendez plus facilement compte de ce qui est primordial au récit et ce qui ne l’est pas. De plus, en animation comme pour Disney, nous ne pouvons pas parler de tout ; il existe des thèmes qui ne sont aujourd’hui plus du tout abordés, et d’autres qui sont abordés de manière différente. Lorsque j’écris pour du live, j’essaye de garder à l’esprit toutes ces petites contraintes tout en me lâchant un peu plus.

Comment vient l’inspiration pour les sujets sur lesquels tu écris ?

Mon inspiration part du réel. Je puise toujours dans ma culture, mon vécu, mon quotidien et dans l’état d’esprit dans lequel je me trouve sur le moment. J’écris sur des choses que j’affectionne, comme pour le projet que j’ai déposé sur Paper to Film, traitant des coulisses du cinéma. J’ai eu la chance au début des années 2000 d’avoir été souvent invité sur les tournages des séries d’Aaron Spelling, comme Charmed ou 7 à la maison. Par la suite j’ai pu découvrir les coulisses de grandes séries comme Alias, CSI : NY ou NCIS : Los Angeles. Comme j’ai beaucoup aimé ces expériences, j’y ai puisé mon inspiration. Mon projet de film actuel, J’aurais ta peau, est inspiré du travail des figurants que j’ai parfois pu observer lors de tournages, de leurs désirs et leurs aspirations. Lorsque l’on écrit sur un sujet que l’on ne maîtrise pas bien, cela devient forcément plus compliqué.

As-tu des affinités à écrire un genre particulier ?

Lorsque j’étais plus jeune, c’était l’époque de Scream, le premier film que j’ai écrit était de ce fait un slasher qui avait une résonance avec Jack l’Éventreur. Puis avec le temps, il est vrai que je me suis plus dirigé vers la comédie. J’apprécie également broder à partir d’une situation plausible et y ajouter un élément de science-fiction ; c’est que nous essayons de faire en ce moment pour nos projets de films avec mon co-auteur. Comme il est très compliqué de produire des films de genre en France, il s’agit donc d’essayer de garder un film tout public (le spectateur doit pouvoir regarder le film en comprenant et se retrouvant dans les enjeux des personnages et les situations), tout en amenant un élément mystérieux. Un peu comme le faisait Rod Serling dans la Quatrième Dimension.

Quel est ton rapport à la co-écriture ?

J’ai écrit pendant très longtemps tout seul. C’est seulement depuis l’année dernière que je me suis réellement mis à la co-écriture. Pour moi, on ne peut coécrire qu’avec une personne que l’on connait bien et avec qui nous avons des affinités au-delà du travail. Il est primordial de se sentir en confiance sinon impossible de se lâcher, d’être soi-même ou de partir dans un délire sans que la personne ne nous regarde avec des yeux ronds. Avec mon co-auteur, il n’y a aucun jugement entre nous ; nous sommes à l’aise dans notre rapport à l’écriture, nous partageons nos références, nos envies et nos élucubrations. À mes yeux, la co-écriture n’est possible à partir du moment où il y a une osmose avec la personne avec laquelle nous travaillons.

As-tu déjà réalisé ?

Plus jeune, j’ai pu faire des courts-métrages avec ce qu’on appelait à l’époque les films du dimanche. C’était un peu cheap, fait avec les moyens du bord, mais nous écrivions le matin, tournions l’après-midi, montions le soir puis nous mettions le métrage à disposition sur une plate-forme. Il s’agissait de « micro-métrages » et nous en faisions des dizaines. C’était un bon exercice afin de comprendre comment mettre en place et réaliser une idée en très peu de temps. À l’exception de cette expérience, je n’ai jamais vraiment eu de volonté de réaliser. Je pense qu’il s’agit d’un métier à part entière et, étant un peu perfectionniste, je ne pense pas avoir toutes les clefs en main nécessaires afin d’être suffisamment à l’aise pour me lancer dans une telle entreprise. Le langage de l’image est tellement différent de celui de l’écriture que je préfère laisser cela aux professionnels.

Quel serait ta relation idéale avec un producteur ?

Une relation basée sur la communication à toutes les étapes de la validation. Une fois un scénario entre les mains d’un producteur, par expérience, il devient difficile de suivre les différentes étapes de validation. Même si je sais que les producteurs sont des personnes débordées, l’idéale serait de pouvoir accompagner le projet, connaître les prochaines étapes, les soucis rencontrés et si le projet risque de passer à la trappe. Nous partageons tous le même but, celui de voir notre histoire adaptée et passer à l’écran, mais si à un moment ou à un autre ce rêve semble impossible à réaliser, il est préférable d’être au courant rapidement plutôt que d’attendre des retours qui ne viendront jamais. De ce fait, à mes yeux, un producteur idéal accompagnerait un minimum le projet du scénariste en désignant les étapes à franchir au fur et à mesure et en clarifiant le travail commun à effectuer. Ainsi, cela permettrait de limiter pour le scénariste, ce sentiment d’éloignement et les doutes quant à l’avenir du projet.

Peux-tu nous parler de ton rôle d’intervenant en école de cinéma ?

Il ne s’agit pas vraiment de cours, mais plutôt d’un accompagnement à l’écriture. Je travaille dans une école spécialisée dans les effets spéciaux et qui forment des spécialistes en création 3D. L’école s’est aperçue que plutôt que de se concentrer uniquement sur l’image et la technique, il pouvait être intéressant que les étudiants s’initient à l’art de la narration. Ainsi, l’école a mis en place quelques cours d’écriture. Quant à nous, notre rôle en tant que scénaristes et intervenants, est d’aider ces groupes de quatrième et de cinquième année. À partir de ce qu’ils veulent raconter, nous leur expliquons ainsi comment développer un personnage, une situation, etc. Nous apportons notre expertise en leur enseignant comment il est possible de sublimer leurs envies créatives, visuelles et graphiques à travers une histoire.

Comment intègres-tu la musique dans ton écriture ?

J’ai très souvent des thèmes et des chansons en tête lorsque j’écris, pour m’inspirer. Chez Disney, lorsqu’une musique est présente, c’est toujours pour faire progresser l’histoire et ce n’est pas seulement pour poser une ambiance. J’aime choisir ma bande son et mes chansons, que je tente d’intégrer dans mes écrits. Il m’arrive de penser en amont à des titres ou des chansons précises. La musique est tellement importante, qu’il est bien de concevoir son propre mood board musical.

As-tu déjà participé à des résidences d’écriture ?

Je n’ai jamais vraiment participé à des résidences d’écriture. Cependant, en animation, nous faisons régulièrement des ateliers d’écriture. Nous amenons un pitch, puis nous nous retrouvons pour essayer de le développer ensemble en réglant tous les problèmes à travers la discussion. Après cela, chacun repart chez soi et termine l’écriture de son épisode. De telles manières de travailler étaient assez peu envisagées en France jusqu’à récemment. Je trouve cela fantastique, car à mes yeux il s’agit d’une manière tout à fait enrichissante et efficace d’avancer, à partir du moment où chacun se prête au jeu. Lorsqu’on travaille ainsi, il faut s’affranchir de la propriété d’une idée et s’épauler pour un but commun ; l’écriture du projet. C’est avant tout l’histoire qui doit primer.

Que penses-tu de Paper to film ?

C’est une initiative qui manquait vraiment dans le monde des scénaristes jusqu’à aujourd’hui. Une plateforme qui permette de mettre en avant des histoires après être passées par un premier filtre : celui de vos équipes. Lorsque vous jugez qu’un projet est viable, cela doit déjà donner confiance aux producteurs, qu’ils ne perdront pas leur temps à lire des projets qui ne répondent pas aux attentes de l’industrie cinématographique. Cela permet aussi de donner une chance à des scénarios écrits par des auteurs qui ne sont pas toujours professionnels mais qui ont pourtant des idées fabuleuses. Je pense qu’il y a encore tellement de talents à révéler, qu’une telle plateforme est une très bonne initiative.

Son projet sur Paper to Film

J’aurais ta peau : “Seriez-vous prêt à endosser l’identité d’un autre pour devenir célèbre ?”

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