Déborah Hadjedj : “Pour moi, alterner entre différents types de missions et passer d’un projet à un autre est la clé de l’efficacité.”
Avant de devenir scénariste, Déborah Hadjedj travaillait aux service des acquisitions de Canal +. Maintenant autrice confirmée, elle nous raconte son parcours et ses envies.
Peux-tu nous parler de ton parcours et de comment tu en es venue à écrire pour le cinéma ?
Mon parcours est un peu particulier. Pendant longtemps, je n’ai pas assumé ma vocation artistique. J’avais, comme beaucoup de personnes dans ce métier ou d’autres, le syndrome de l’imposteur. J’ai donc d’abord étudié l’économie dans des classes préparatoires puis intégré une école de commerce très axée médias, ce qui m’a permis de rapidement me spécialiser. Du fait de ce parcours classique et académique, j’ai débuté ma vie professionnelle côté production. J’ai notamment travaillé pendant une longue période aux acquisitions chez Canal+. C’était un travail très intéressant, avec de nombreuses missions éditoriales mais surtout d’ordres administratif, financier et juridique. Cela m’a provoqué un électrochoc.
Je me suis rendu compte que c’était la partie artistique (mais minoritaire) de mon travail qui m’épanouissait réellement.
C’est pour cela que j’ai décidé, en 2016, après près de 2 ans chez Canal+, d’enfin oser me lancer dans l’écriture.
Comme j’étais un peu effrayée par ce saut dans le vide, j’ai opéré cette reconversion avec une amie de longue date qui travaillait également pour une chaîne de télévision et qui ressentait la même frustration que moi. Le fait de se lancer en binôme était une bonne idée. Cela m’a beaucoup rassurée, puisque c’est un métier difficile, surtout au départ, où l’on connaît beaucoup de rejets et où il faut apprendre tous les jours pour s’améliorer. Grâce à cette expérience positive en binôme, j’ai décidé de toujours écrire en collaboration. A deux ou plus.
Ma particularité est que, même si j’ai grandi avec des rêves de cinéma et ai été très inspirée par des films, j’ai opéré une forme de tournant en réalisant que je m’épanouissais davantage dans le secteur de la télévision.
J’apprécie beaucoup les narrations sérielles. J’aurais donc tendance à dire que 90% de mes projets sont destinés à la télévision, que ce soit pour des chaînes plutôt classiques et linéaires comme, par exemple, TF1, France TV ou M6, ou des plateformes qui permettent de proposer des contenus et des genres différents. Je travaille actuellement sur un ou deux projets de cinéma, auxquels je consacre moins de temps, et le reste de mon temps est consacré à la télévision. Je développe également des scénarios pour la bande dessinée dont, pour moi, la narration reste très proche de celle d’une série TV.
Peux-tu nous parler des projets sur lesquels tu travailles en ce moment ?
Je travaille actuellement sur une série feuilletonnante, un thriller hitchcockien pour M6. Le thriller psychologique c’est mon genre de prédilection. J’écris également pour l’éditeur Les Humanoïdes Associés les deux tomes d’une BD policière et fantastique.
C’est assez agréable puisque l’on peut prendre beaucoup de libertés sans devoir prendre en compte le budget.
J’ai également plusieurs projets de créations originales (comédie, polar, fantastique, dystopie…) qui sont soit chez des producteurs, soit en lecture chez des diffuseurs, soit en train d’être finalisés avant de les faire circuler. Je me rends compte que j’ai un réel besoin de développer des projets personnels. Je ne peux pas uniquement travailler sur un ou deux projets à la fois, même si c’est déjà suffisamment chronophage.
J’ai besoin de créer différents projets à la fois. Cela me permet, lorsque je suis “bloquée” sur un projet, de débloquer autre chose et donc de rendre le processus d’écriture nettement moins frustrant.
Mais cela demande beaucoup d’organisation pour beaucoup de plaisir. J’aime le fait de pouvoir travailler le matin sur un thriller de 52 minutes et, l’après-midi, d’avoir l’occasion de me pencher sur une comédie de 26 minutes. J’apprécie également beaucoup les relations humaines que je peux avoir avec différent.e.s co-auteur.ice.s et producteur.ice.s. Cette idée d’échanger avec différent.e.s interlocuteur.ice.s me plaît d’autant plus qu’ils m’apprennent et m’apportent tou.te.s quelque chose de différent. J’ai la chance, humainement parlant, d’avoir toujours connu de belles collaborations avec tous mes interlocuteurs. Contrairement à l’image que l’on peut avoir des scénaristes, je suis loin d’être esseulée. J’ai la chance d’avoir d’avoir des collaborateur.ice.s génia.ux.les qui me permettent de rythmer mon quotidien et de faire que chacune de mes journées est très excitante.
As-tu une journée type ou méthode de travail particulière ? T’arrive-t-il de travailler seule ?
J’aurais tendance à dire que mon avantage est d’être une “adepte du contrôle”. En tant que scénariste, c’est une réelle force plus qu’une névrose. Je suis extrêmement organisée et je divise mes journées en plages horaires d’une heure ou deux. C’est-à-dire que je passe d’un projet à un autre toutes les heures Le fait de jongler entre différents projets est aussi quelque chose de très rafraîchissant et propice à la productivité. Lorsque l’on sait qu’une seule heure est dédiée à un projet le lundi, cela augmente l’efficacité et, en y retournant le jeudi, on retrouve le projet avec un esprit plus clair. Pour moi, alterner entre différents types de missions et passer d’un projet à un autre est la clé de l’efficacité.
Je suis généralement beaucoup plus efficace le matin, pour ce qui concerne l’écriture — j’ai donc tendance à me concentrer le matin à tout ce qui relève de l’écriture de bible, de dialogues et à tout ce qui est assez prenant intellectuellement. L’après-midi, je privilégie davantage les rendez-vous, les discussions, le brainstorming, les recherches et la documentation, les visionnages, etc. Par ailleurs, je me suis aperçue que ce que je pensais être parfois de la perte de temps — regarder des séries par exemple ou lire des romans — s’avère être d’une importance capitale pour nourrir mon travail. Auparavant, je culpabilisais lorsque je lisais un article, un roman ou visionnais une série — qui, pourtant, avaient un lien avec mon travail de scénariste -, jusqu’à ce que je me rende compte que j’en ai besoin.
Lorsque tu écris avec tes co-auteur.rice.s, avez-vous une méthode particulière ? Comment s’organisent ces échanges ?
Il n’y a pas de règle. J’ai souvent apporté une idée, mais j’ai aussi souvent accepté, avec grand plaisir, une proposition de collaboration parce que je trouvais cela intéressant d’un point de vue narratif ou parce que je voulais travailler ou re-travailler avec tel.le auteur.rice. Parfois, un mariage d’auteur.rice.s est fait par la production, et j’ai eu la chance de rencontrer d’excellent.e.s collaborateur.rice.s par ce biais. Ces rencontres, sur le plan humain comme artistique, ont toujours été précieuses et j’ai toujours eu envie de collaborer à nouveau avec les personnes rencontrées. En termes de travail, c’est entièrement une écriture à quatre, six ou huit mains. Il n’y a pas un.e co-auteur.rice qui s’occupe des personnages, un.e autre de la structure, etc. C’est un “ping pong” permanent. Un.e des auteur.rice.s fait le premier jet, l’autre rebondit, etc. Au bout d’un moment, on aboutit à un texte tellement collaboratif qu’en fin de compte, en tant qu’auteur.rice.s, on ne se souvient plus de sa contribution exacte. Cela me plaît !
Le but est de faire en sorte qu’on oublie l’auteur.rice individuel.le dans le texte et que l’on discerne réellement la marque d’une collaboration fructueuse d’auteur.rice.s.
Comme beaucoup d’auteur.rice.s, j’ai mes préférences et il y a des aspects dans lesquels je suis plus à l’aise. Je m’efforce toutefois de collaborer à chaque aspect du scénario. Par exemple, même si j’adore développer les personnages, je ne me concentre pas uniquement là-dessus malgré la tentation !
As-tu des sujets de prédilection, des inspirations particulières ?
Tous mes projets sont comme “mes bébés”, que ce soit les projets de commandes ou des créations originales. En fait, je n’accepte un projet de commande qu’à condition que je m’y retrouve, en termes d’envie ou s’il y a un challenge qui me plaît. Il m’est arrivé que l’on fasse appel à moi, par exemple, pour une adaptation de roman. Pour la BD, l’éditeur m’a contactée avec une idée qui tenait en quelques lignes, et c’était totalement ce que j’avais envie de faire. Je me suis donc emparée du projet. C’était presque troublant de voir à quel point il correspondait à mes envies éditoriales et artistiques du moment. Je travaille également sur beaucoup de projets “on spec” dont l’inspiration provient de différentes sources. Il m’arrive parfois de lire un article sur une tendance sociétale ou un fait divers et de me sentir inspirée. Ou encore de visionner un film et, par association d’idées, de vouloir explorer cette arène comme, par exemple, l’espace.
L’inspiration fonctionne de tellement de manières différentes que je la trouve parfois à des endroits incongrus et à des moments inattendus.
Que ce soit une conversation entre deux inconnus dans le métro que je surprends, ou en allant au théâtre ou au cinéma. Rester ouverte au monde extérieur m’aide à me nourrir intellectuellement et artistiquement.
Ce sont souvent les personnages qui me donnent envie de développer un projet. Les personnages sont ce que je préfère le plus écrire, même s’il ne faut jamais négliger la structure. J’aurais du mal à écrire un concept qui n’aurait pas de personnages suffisamment attachants ou complexes. Je commence souvent un développement par l’écriture des personnages. D’ailleurs, c’est aussi pour cela que je développe de nombreux thrillers psychologiques. J’aime aussi beaucoup le genre, comme le fantastique ou la science-fiction, mais en général, je ne l’utilise jamais frontalement. Je le travaille souvent dans le but de décaler un projet qui aurait pu, autrement, être plutôt classique ou attendu. En ce moment, par exemple, je développe une romance que j’ai décalée avec le sous-genre du fantastique. J’aime mélanger les genres, c’est souvent comme cela que je fonctionne.
As-tu les mêmes genres de prédilection en tant qu’autrice et en tant que spectatrice ? Comment choisis-tu ton format lorsque tu travailles pour la télévision ?
90% des fictions que j’aime voir en tant que spectatrice sont aussi des fictions que j’ai envie d’écrire — que ce soient les polars, les thrillers, les séries avec un genre fort comme le fantastique ou la science-fiction. Je suis également une grande amatrice, en tant que spectatrice, de comédie. Mais pendant longtemps, je n’ai pas osé m’y aventurer en tant que scénariste car, selon moi, c’était le format le plus difficile. J’ai tout de même sauté le pas, récemment, et je développe actuellement une comédie de 26 minutes, un peu “trash” et je m’amuse beaucoup. Cela me fait du bien de pouvoir se permettre beaucoup de choses en termes de ton ou de narration. Je me “débloque” pas mal et je pourrais bien avoir envie de continuer à travailler dans le genre de la comédie. En termes de format, ce n’est jamais ce à quoi je réfléchis en premier. Je pars de l’histoire et, selon ce que je veux raconter et la narration que je déploie, cela me donne une idée de format. Il m’est aussi arrivé que le format change en cours de route. Par exemple, « Welcome Home », mon projet qui a remporté le prix de la Fondation Lagardère et le FAIA, était initialement un projet de 10 x 10 minutes. En le développant avec ma co-autrice, on s’est rendu compte qu’on ne pourrait pas tout traiter en restant sur ce format. Il y avait beaucoup d’arches à développer, énormément de matière et de potentiel. C’est pour cela que l’on a décidé, en cours de route et même si cela demandait beaucoup de travail, de changer le format pour un 6 x 52 minutes et nous ne le regrettons pas.
Une série, c’est de la matière vivante. À tout moment, le projet peut évoluer dans un sens comme dans un autre et il faut absolument être à l’écoute de cela.
Cela demande bien entendu beaucoup de travail, de recul et de lucidité sur son propre texte, ce qui n’est jamais chose facile. De temps en temps, ça fait du bien de faire un diagnostic de son projet et de constater s’il y a des changements à apporter en termes de point de vue, de format, de rajout d’un potentiel sous-genre… Et de définir s’il n’y a pas un moyen d’améliorer le texte afin de le rendre plus organique.
Penses-tu que le fait d’avoir travaillé dans un service d’acquisition chez Canal+ te confère une meilleure connaissance de ce que recherchent les diffuseurs et te permet de “rentrer dans les cases” ?
Le fait d’avoir travaillé dans un service d’acquisition au sein d’un diffuseur, mais aussi en tant que directrice littéraire dans différentes sociétés de production, a été au départ, autant une force qu’une faiblesse. En effet, il y avait le danger d’être formatée et d’écrire un projet parce qu’on sait qu’il correspond à la demande actuelle sans démarche personnelle et artistique. J’ai beaucoup appris de ce point de vue-là. Aujourd’hui, j’écris des projets qui me tiennent à cœur et, au moment d’en proposer un — que ce soit à une chaîne ou à des producteur.rice.s -, je fais en sorte de maximiser les chances pour que le projet puisse séduire. S’il est possible de respecter l’intégrité du projet tout en lui donnant plus de chances de se faire, je procède effectivement à une deuxième écriture. Quoi qu’il en soit, il est vrai que de travailler aux acquisitions d’un grand groupe m’a beaucoup apporté, et j’en garde une déformation professionnelle qui m’est à présent utile au quotidien. Je faisais beaucoup de veille, je visionnais beaucoup de séries étrangères, je lisais beaucoup de scripts… Je m’efforce de continuer à faire tout cela, et de rester informée sur les actualités de la fiction étrangère.
Comment penses-tu la musique lorsque tu écris ? Entre-t-elle en compte, ou la laisses-tu entièrement au / à la réalisateur.ice ?
Je ne suis pas réalisatrice, et je ne sais pas si je voudrais l’être un jour. Je dirais que je ne pense pas forcément à la musique lorsque je développe un projet. Cependant, il faut aussi savoir qu’à part la télévision, mon autre grande passion c’est la comédie musicale à la Broadway ! Mon rêve est de pouvoir, un jour, développer un projet musical avec de véritables moments musicaux — que ce soit un film, une série ou une comédie musicale sur scène. Pour ce genre de projet, cela peut être très intéressant de travailler aux côtés d’un.e compositeur.ice… Je rêve de ce type de collaboration !
Comment se passent les rencontres avec les producteur.ice.s ? Est-ce toi qui les démarches, ou inversement ? Quelle serait ou quelle est la relation idéale que tu pourrais avoir ou que tu as avec un.e producteur.ice ?
Au début de ma carrière, j’ai procédé à beaucoup de démarchages “au culot”. J’ai été agréablement surprise par l’écoute dont faisaient preuve les producteur.ice.s. Iels prenaient le temps d’échanger des emails avec moi, de m’appeler, d’organiser des rendez-vous dans des cafés — que ce soit pour me donner des conseils ou pour me permettre de présenter et de pitcher mes projets. Au fil de ma carrière, je me suis rendu compte que presque tout fonctionne grâce au bouche à oreille. Des producteur.rice.s satisfait.e.s de mon travail me recommandaient à d’autres. Certain.e.s qui avaient entendu parler de mes projets me contactaient. D’autres, avec qui j’avais déjà travaillé, me proposaient de nouvelles collaborations, etc. De la même façon, j’ai tendance à contacter à nouveau des producteur.rice.s avec qui j’ai aimé travailler.
Ce que je trouve aussi formidable, dans ce métier, est le fait d’avoir des interlocuteur.rice.s différent.e.s et de faire des rencontres, alors j’essaie de ne pas rester sans arrêt dans ma zone de confort.
Si j’entends parler d’un.e producteur.rice dont j’aime les projets, l’approche et qu’on me dit qu’iel a une formidable écoute, je le.a rencontre avec plaisir. Je tente donc à la fois de rester fidèle à celleux qui m’ont beaucoup apporté, mais aussi de me donner les moyens de rencontrer de nouvelles personnes avec qui cela peut aussi très bien se passer. Même s’il est assez chronophage d’aller à des rendez-vous avec des producteur.rice.s lorsque l’on a des projets à écrire, je m’efforce de rester en contact avec celleux-là afin d’échanger au sujet de nos projets respectifs et de nos actualités. C’est, d’une part, agréable, et cela permet de parfois trouver un “bon match” pour un projet et une collaboration entre producteur.rice et auteur.rice.
Penses-tu que le fait d’avoir remporté, avec ta première co-autrice, le prix de la Fondation Lagardère et le FAIA t’a aidée à t’accomplir en tant que scénariste et t’a apporté des opportunités ? Si oui, lesquelles ?
Cela m’a surtout apporté de la visibilité. J’étais impressionnée par le nombre de rencontres provoquées par cette visibilité. Grâce à cette mise en lumière, le projet a pu séduire beaucoup de producteur.ice.s. Cela a d’ailleurs été difficile d’en choisir un.e. De nombreuses propositions et rencontres ont été intéressantes et auraient pu convenir au projet.
Humainement, cela m’a aussi apporté beaucoup puisque cela m’a permis de me guérir en quelque sorte de ce syndrome de l’imposteur — qui, je pense, sera toujours là, c’est toujours le cas chez des scénaristes qui ont beaucoup plus d’expérience que moi.
Ce n’est pas en vendant son premier projet ou en ayant un agent que l’on se dit qu’on est scénariste : on a toujours l’impression d’être là par hasard et que cela peut s’arrêter à tout moment. Le fait de gagner un prix de scénariste qui récompensait mon travail sur un scénario m’a permis de me dire : “ça y est, je suis scénariste, je ne suis plus du côté de la production ni de l’acquisition, je suis scénariste à part entière”. Cela m’a beaucoup aidée à prendre confiance en moi et à réaliser que je suis scénariste et que je compte bien le rester le plus longtemps possible.
Que penses-tu d’une initiative comme Paper to Film ? Est-ce que ça t’a été utile ? On a publié l’un de tes projets il n’y a pas longtemps, as-tu déjà eu des retours sur cette publication ?
J’ai suivi les débuts de Paper to Film et, dès le démarrage de la plateforme, j’ai trouvé que c’était une excellente idée. À l’époque, je faisais encore de la direction littéraire à mi-temps. Je trouvais l’idée vraiment bonne pour pouvoir connaître des auteur.rice.s que l’on n’avait pas forcément encore en tête et créer une relation entre auteur.rice.s et producteur.rice.s. Je trouve aussi cela formidable pour élargir son réseau ! Cette plateforme permet, presque par sérendipité, de découvrir de nouvelles personnes. Mon projet vient à peine d’être publié sur Paper to Film et j’ai déjà reçu plusieurs demandes de contact ou de lecture par des producteur.rice.s que je ne connaissais pas ou que de façon lointaine, et que je n’avais pas eu l’occasion de rencontrer par manque de temps.
Je trouve que c’est une formidable initiative pour les scénaristes confirmés et que cela peut aussi permettre aux scénaristes débutants d’acquérir une certaine visibilité.
De plus, je pense que le hasard des rencontres est généralement très fructueux dans ce secteur. Surtout que Paper To Film rend les rencontres plus faciles et plus informelles.
En tant que femme, as-tu trouvé qu’il était plus compliqué de créer ta place dans le milieu de l’audiovisuel français ?
J’avais beaucoup d’appréhension par rapport à cela, et j’ai été agréablement surprise de ne jamais être mise de côté parce que j’étais une femme. Pour le moment, cela n’a jamais été un véritable désavantage pour moi. Mais peut-être qu’inconsciemment, pour exister en tant que scénariste, j’ai développé des personnages de femmes que j’ai voulu, dans la mesure du possible, rendre les plus subtils, nuancés et complexes. J’ai peut-être donc inconsciemment compensé par les personnages féminins que je pouvais écrire. Pour vous raconter une petite anecdote, tous mes projets sont portés par un personnage de femme, à l’exception d’un projet qui était porté par un personnage d’homme astronaute que j’ai finalement transformé en femme. Je dirais donc que, peut-être 95% de mes projets, si ce n’est 100%, sont portés par des personnages féminins forts et que je souhaite complexes. C’est peut-être cela qui m’a aidée à exister en tant que scénariste féminine et qui m’a donné une certaine légitimité.
Paradoxalement, ce que j’ai trouvé le plus difficile pour être prise au sérieux était en fait mon âge.
La plupart des scénaristes que j’ai l’occasion de croiser son plus âgé.e.s que moi. C’est pour cela que j’ai toujours eu peur que l’on me prenne pour la stagiaire ou que l’on pense que je n’ai pas une expérience suffisante de la vie et donc que je sois capable d’écrire sur certaines choses — comme le mariage, le divorce et d’autres moments que je n’ai pas connus personnellement. Cependant, globalement, j’ai l’impression que mon « jeune » âge n’a jamais été un frein. C’est donc un message d’espoir que je souhaite transmettre à tous les scénaristes dans l’autocensure qui, comme moi, sont entré.e.s dans ce milieu avec de nombreuses appréhensions.
Son projet sur Paper to Film
Isabelle et le clochard : Une flic bourgeoise en quête de sens et un SDF en quête de rédemption. Une rencontre inattendue entre deux individus que tout oppose. Finalement quoi de mieux que ce duo pour résoudre des enquêtes à la forte dimension sociale ?