Le Pilote club : Vortex

Créé par Alysse Hallali et Marjorie Bosch avec le collectif La Claque, le Pilote Club invite des créateurs de série à diffuser le pilote de leur série et à échanger autour de la l’écriture de celui-ci ainsi qu’autour du processus général de création d’une série.

Julian
Paper to Film
17 min readJan 18, 2023

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Les invitées de ce premier Pilote Club sont Sarah Farkas et Camille Couasse, créatrices de la série Vortex, produite par Iris Bucher et Roman Turlure chez Quad Drama. Diffusée ce mois-ci (janvier 2023) les lundis sur France 2, elle est accessible intégralement en ligne sur france.tv.

L’entretien est modéré par Alysse Hallali et Marjorie Bosch.

L’écriture et les origines du projet

Quand on vous a appelées pour reprendre le concept de Franck Thilliez qu’est ce qui vous a séduites ? Qu’est ce qui vous a convaincues ?

Camille : Cela a commencé à Série Mania en 2015, nous avons rencontré Roman Turlure et Iris Bucher, qui nous ont dit “Franck avait écrit une idée : deux personnes qui ne se connaissaient pas, qui écrivaient et qui résolvaient des enquêtes policières en communiquant à travers un vieil ordinateur dans deux temporalités différentes, entre 1995 et de nos jours”. Franck n’étant plus disponible, ils nous ont demandé de nous réapproprier l’idée et de la moderniser avec une histoire d’amour. A l’époque, nous regardions Black Mirror, dans un des épisodes le protagoniste peut, via des lentilles, revenir en arrière. Cela a été un début d’inspiration. On s’est demandé quel pourrait être l’usage d’une telle technologie au sein d’un service de la police pour la résolution d’une enquête. On a travaillé un an sur la bible puis on l’a proposée à France 2 avec qui on est parties en convention d’écriture !

Qu’est ce qui reste aujourd’hui de cette idée de Franck Thilliez ?

Camille : Il y a toujours la communication sur différents plans temporels, ainsi que les personnages principaux qui portent encore les mêmes prénoms : Ludovic et Mélanie.

Le projet a beaucoup changé mais Franck a été très respectueux de notre travail et des modifications que nous avons apportées.

Est-ce que vous pouvez nous dire combien de versions d’écriture sont nécessaires pour arriver à un pilote comme celui-ci ?

Sarah : J’allais dire 7 mais Camille vient de me dire 12 ! Le pilote a été un cas particulier, car pour le reste de la série nous avions trois auteurs supplémentaires avec nous, mais pour le pilote nous étions seulement toutes les deux. La chance que nous avons eue a été d’obtenir le FAIA, ce qui nous a permis de rémunérer l’écriture du pilote que France TV a lu directement. Nous ne sommes donc pas passées par des versions de séquenciers. Même en interne, il n’y en a pas eu, ce qui était génial et très rapide. La chaîne a aimé le pilote, ce qui ne nous a malgré tout pas empêchées de faire huit versions.

Camille : Les autres versions se sont faites avec les repérages, nous les avons modifiées pour des raisons pratiques.

Sarah : Il y a eu pas mal de petites versions finales. Dans les faits, je dirais qu’il n’y a pas eu tant de “vraies” versions que ça. Il a dû avoir 6 ou 7 versions qui se sont faites avec le retour des diffuseurs, des scènes à rajouter et des scènes à enlever. Les 12 versions officielles sont dûes aux lectures comédien, aux modifications de dialogues, aux changements de décors, à la réalité du tournage et des contraintes techniques en somme.

A propos de la structure …

Avec Vortex, nous sommes dans un mélange de genres, il y a de la science-fiction, du polar et une histoire d’amour. On remarque que dans le premier épisode vous utilisez, non pas des cliffs polar, mais des cliffs drama alors que nous sommes dans un polar, est-ce que vous pouvez nous parler de ce choix ? Comment avez-vous structuré ces différents éléments ?

Sarah : Pour nous c’était très important que l’intrigue A (principale) soit vraiment centrée sur l’histoire d’amour et sur l’objectif de Ludovic, sauver Mélanie ; et non pas sur le polar, savoir qui a tué Zoé Levy, ainsi que les autres femmes et in fine Mélanie. Nous voulions toujours revenir à notre thématique qui était le deuil impossible, le dilemme entre deux amours : la survie de Mélanie (sa femme défunte) signifie la disparition de sa relation avec Parvana (sa nouvelle femme). On voulait que tous nos cliffs soient liés à l’amour de Ludovic pour ces deux femmes plutôt qu’à une quête de nouveaux indices. Cette volonté initiale est un très bon exemple des compromis à réaliser lors de l’écriture d’une série car nous avons échoué. En effet, le cliff du pilote est un cliff polar même si nous avions mis une énergie folle à convaincre nos producteurs de l’intérêt d’un cliff émotionnel, nous n’y sommes pas parvenues.

Si vous regardez le teaser de l’épisode 2, il s’avère que c’était le cliff de l’épisode 1. Car, pour des raisons de minutage d’épisodes, ils n’ont pas pu tout faire rentrer dans le pilote, une très bonne leçon pour les prochaines fois !

Le mélange des genres

C’est une série de science fiction, vous avez créé tout un monde autour de la VR, pouvez- vous nous dire comment vous avez fait pour concevoir ce monde et clarifier les choses auprès des producteurs et des diffuseurs ?

Camille : Nous avons créé un document qui s’appelle la charte du Vortex qui faisait une petite dizaine de pages où il y avait tout un Q&A avec des questions telles que : peuven- ils se toucher ? Comment se déplacent-ils ? etc…

On a mis toutes les réponses aux questions que l’équipe pouvait se poser, cela a permis de clarifier les choses pour tout le monde, et nous avons pu gagner un temps fou.

Vous avez fait de nombreuses recherches sur le fonctionnement de la VR, pouvez-vous nous parler de la façon dont vous avez conçu les détails techniques ?

Camille : Nous avons eu la chance de pouvoir poser des questions à un gendarme qui nous a expliqué qu’aujourd’hui il était déjà possible de modéliser une scène de crime en 3D avec un ordinateur dans le cadre d’une enquête. Il ne trouvait donc pas invraisemblable qu’un jour on puisse être dans une salle de VR. On a également pu interroger un cousin de Sarah qui travaille dans le domaine de la VR et qui nous a aidé à rendre les choses le plus réaliste possible.

Vous avez une enquête sur deux temporalités avec plusieurs fausses pistes, pouvez-vous nous raconter comment vous avez construit le polar sur le premier épisode, où il fallait poser beaucoup d’éléments ?

Sarah : Pour l’aspect polar nous nous sommes inspirées de notre “mère à tous” la série Engrenages, parce que nous trouvons que c’est la série la plus réaliste dans ce domaine. Il y a toujours de la tension, on s’attache énormément aux personnages. La chaîne a été également très attentive au fait que l’enquête soit crédible, compréhensible et qu’elle avance alors que par moment Ludovic ne comprend pas lui-même ce qu’il se passe à cause des effets papillons. Et surtout, on a pu collaborer avec un consultant policier, Christophe Gavat, qui relisait tout ce qu’on l’on rédigeait pour le rendre le plus crédible possible. Il a été très vertueux sur les dialogues, par exemple nous avions écrit : “Je vais te coffrer pour obstruction”, il nous a expliqué que c’était légalement impossible en France, que cela ne fonctionnait que dans les séries américaines. Tout comme lorsque l’on avait écrit une scène d’interrogatoire avec des vitres teintées, il nous a informées qu’il y avait peut-être deux salles d’interrogatoires avec vitres teintées dans toute la France, vraisemblablement à Paris, mais avec certitude pas à Brest.

L’histoire que vous racontez est celle d’un amour impossible, comment avez-vous fait pour que cela reste le fil rouge narratif et que l’on ne se laisse pas emporter par d’autres éléments de l’intrigue ?

Camille : Nous avons dû défendre ce parti pris auprès de la chaîne qui voulait plutôt complexifier la partie polar. Sans jamais entrer en conflit, nous avons tenu notre positionnement : l’histoire d’amour était notre trame principale. Nous avons vraiment réussi à convaincre nos producteurs de cela et ils ont été d’une aide précieuse pour défendre cette idée. Nous étions et sommes toujours convaincues que l’histoire d’amour est le moteur le plus émotionnel, encore plus important que l’intrigue polar. Le gros challenge de cette histoire d’amour impossible était de mettre au même niveau Parvana et Mélanie, que l’on n’en préfère pas une plus que l’autre. Alors que naturellement, la relation Mélanie/Ludovic — un mari que retrouve sa femme défunte après 27 ans — a un pouvoir émotionnel dramatique extrêmement puissant. Nous ne voulions pas que Ludovic lui crie “je t’aime” à chaque épisode et que l’on relègue Parvana comme le second choix, le choix par dépit. Il était primordial pour nous que peu importe la force de la relation qu’il avait avec Mélanie, ce qu’il avait reconstruit depuis 15 ans avec Parvana était tout aussi beau et important.

Comment avez-vous réussi à équilibrer l’aspect polar avec le côté émotionnel et humoristique ?

Camille : Pour avoir cet équilibre autour du personnage de Parvana, nous ne voulions pas que Ludovic commence à dire à Mélanie qu’il l’aimait tout de suite. Plus il passait de temps dans cette VR, plus il devait retomber amoureux de Mélanie. Nous voulions qu’il lui dise “je t’aime” au dernier moment où il la voit. La réalité de la réécriture et des compromis a fait qu’il lui dit plus tôt…

Nous ne voulions pas une histoire trop premier degré, plombante. L’humour permettait de souffler et de s’attacher plus facilement aux personnages et donc de contrebalancer l’aspect polar.

Sarah : Nous avons eu la chance d’avoir le réalisateur que nous voulions et nous remercions les producteurs pour cela. Slimane-Baptiste Berhoun, notre réalisateur, a poussé l’aspect humoristique, notamment avec le personnage d’Agathe qui est particulièrement truculent. La chaîne aussi a poussé dans ce sens, car elle avait peur que la série ne soit pas assez émotionnelle et trop technique/technologique. Notre combat en tant que scénariste était de ne jamais tomber dans le pathos, et par moment on était à deux secondes près de ralenti du pathos, mais je crois que nous avons réussi à toujours rester sur la ligne de crête.

Pouvez-vous nous parler de votre méthode d’écriture ? Quelle a été la chronologie de l’écriture sur cette série ?

Camille : On a commencé ensemble, le pilote et les arches. C’est-à-dire un document de 40 pages, très détaillé, presque des synopsis. Ensuite, nous avons fait un atelier séquencier avec trois autres auteurs très talentueux, Guillaume Cochard, Louis Aubert et Marine Lachenaud. Perl Samama était notre coordinatrice d’écriture. Ensemble nous avons “breaké” tous les épisodes, exploré toutes les possibilités et les impasses. Nous avons écrit les séquences sur place pendant 5 semaines.

Comment avez-vous organisé l’atelier d’écriture ?

Camille : On a mis en place des règles. Tout d’abord, on avait proscrit le portable pendant les séances d’écriture. Ensuite, on s’est engagé à ne jamais jeter une idée. Il n’y avait pas “d’idées de merde” mais des idées moyennes : il y a toujours possibilité de rebondir sur une idée pour en trouver une qui convient mieux au ton de la série. Nous avons fait des journées complètes, ce qui était très dense. Pour des prochaines rooms, nous opterons probablement pour des matinées uniquement mais sur une plus longue période.

Sarah : On a appris au fur et à mesure. Par exemple, nous avions trois règles d’or de la room au commencement et presque une vingtaine à la fin… Les auteurs ont été très prolifiques, fourmillant d’idées. Nous avons eu besoin de moment en tête à tête avec Camille pour choisir ce qui pour nous fonctionnait le mieux. Deux fois par jour nous prenions entre 10 et 40 minutes à deux pour résoudre les problèmes, structurer et trouver la ligne directrice ensemble.

La production était sur place, nous avons donc pu les informer de notre progression tout au long de l’atelier. L’écriture avait lieu du lundi au jeudi. Heureusement que nous avions notre vendredi de off parce que les semaines étaient intenses ! On a fait quatre semaines sur ce modèle-là. Ensuite, nous avons proposé une semaine de pitch. Tous les auteurs devaient pitcher leurs épisodes face aux producteurs, chacun pendant une heure et demie, deux heures. Ce qui était génial dans cet exercice, c’est que nous n’avons pas eu à faire de version écrite, ils nous disaient tout de suite ce qu’ils pensaient de nos idées et des moyens de les réaliser. Ce qui nous a fait gagner énormément de temps.

Pour la sixième semaine, tout le monde a écrit la première version du séquencier de son épisode. Le fait d’être dans les mêmes bureaux a permis de gagner en qualité et efficacité, car bien que pour cette dernière semaine chacun écrivait de son côté, dès que l’un d’entre nous bloquait, nous brainstormions tous ensemble pour trouver la solution.

Il y a eu plusieurs versions du teaser pour que l’on s’attache aux personnages de Ludovic et Mélanie, pouvez-vous nous raconter la réflexion autour de cela ?

Camille : On a essayé plusieurs teasers dont un où Ludovic résolvait une enquête via la VR pour essayer d’expliquer la VR. Ce n’était pas le plus intéressant. Nous avons écrit un autre teaser dans lequel Ludovic et Mélanie se disputaient mais cela faisait que l’on ne s’attachait pas au couple. Finalement nous avons imaginé un teaser autour de l’enfant qui fait enfin ses nuits et la façon dont Mélanie y réagit. L’idée était de ne pas montrer un couple extraordinaire, ou un moment extraordinaire mais au contraire un couple normal dans une scène intime du quotidien. De montrer la force et la beauté de leur amour dans cette normalité. Cela les rendait immédiatement humains et attachants.

Il y a eu un travail sur la lumière pour équilibrer les scènes de Parvana et Mélanie, pouvez-vous nous en dire plus ?

Sarah : Comme nous l’évoquions, l’équilibre Parvana/Mélanie a été l’un des grands enjeux de la série. Mélanie a autant de scènes que Ludovic dans la série alors que Parvana en a beaucoup moins. De plus, comme notre pilote faisait 1h10, il y a des scènes de complicité entre Ludovic et Parvana qui ont été coupées. Notre chef opérateur, pour pallier ce déséquilibre, a fait une lumière toujours plus chaleureuse sur Parvana pour qu’inconsciemment le spectateur l’apprécie. Toute l’équipe a utilisé de sa magie pour parvenir à cet équilibre, c’était particulièrement agréable car tout le monde voulait raconter la même histoire.

Les relations entre les scénaristes et le reste du plateau

Comment avez-vous fait pour gérer la préparation de la série ?

Camille : Nous avions un groupe WhatsApp avec la scripte Delphine Duché, le premier assistant, Ronnie Franco, et son second, Jordan Fleury. Un autre groupe avec le réalisateur et aussi un avec seulement la scripte. Nous les aidions à gérer certains problèmes techniques et à faire en sorte de trouver des solutions qui correspondent à notre histoire. Par exemple, nous avions initialement placé notre intrigue sur la plage du Petit Minou, qu’on avait renommé plage du Phare, mais lors des repérages ils ont trouvé la plage de Corsen qui était plus grande et beaucoup moins fréquentée, qui s’est avérée être un super choix.

Sarah : Nous avons aussi pu donner notre avis, bien que consultatif, sur les castings mais c’était très agréable ! Nous avons regardé toutes les vidéos de tous les comédiens avec l’équipe de mise en scène. Nous avons aussi pu faire les repérages à Brest, cela nous a permis de faire un mood board avec énormément de photos des endroits où on voulait placer l’histoire, ce qui nous a beaucoup aidées pour l’écriture. Nous en avons profité pour mettre les comédiens rêvés pour notre série : pour le rôle principal nous avions proposé Hugh Jackman sans trop de conviction, et nous avons eu son pendant français, Tomer Sisley ! Nous avions aussi mis Zineb Triki que nous avons eue sur la série. Cela a permis d’influencer certains choix.

Par rapport aux comédiens, avez-vous eu l’occasion de faire des lectures avec eux ?

Sarah : On a fait une lecture de certaines scènes mais sans une partie du casting qui n’a pas pu être présente pour des causes d’emploi du temps. C’était dommage, car pour l’avoir fait sur Hors Saison, cela permet vraiment de bien reprendre toutes les intentions, de réécrire les dialogues et de les adapter à chaque comédien.

En revanche nous avons eu la chance d’aller très vite sur le tournage, ce qui nous a permis d’éviter tous les petits problèmes sur place.

Quel était votre rapport avec Slimane-Baptiste Berhoun, le réalisateur ?

Camille : C’était génial ! On ne peut que le recommander. Il a été très professionnel. Il nous posait des questions précises. Notamment, sur comment marquer la différence entre Ludo dans la VR et Mélanie en 1998. Il a proposé l’idée des bruits de pas de Ludovic dans la salle de VR alors qu’elle marche dans le sable, le vent sur elle et non sur lui. Il a vraiment apporté son sens de la mise en scène au service du récit.

Sarah : On était en échange permanent et surtout on voulait raconter la même histoire. Slimane a accepté notre présence sur le plateau. Mais aussi, il nous a partagé les premières versions de montage et a pris en compte nos retours. Nous avons vraiment fonctionné en équipe sur toutes les étapes du tournage et montage.

Avez-vous eu d’autres alliés sur le plateau pendant la période du tournage?

Sarah : La scripte ! En dehors du plateau, on échangeait souvent. Le réalisateur a beaucoup de travail sur un plateau, la scripte, elle, a toujours le texte en main ou en tête. Elle venait nous voir sur le plateau, pour nous partager des craintes sur certaines intentions. Notamment l’intention de jeu de certaines scènes. Les comédiens ont par ailleurs été de très bons alliés.

Camille : Les autres supers alliés étaient aussi les producteurs, Iris (Bucher) et Roman (Turlure). Ils croyaient vraiment à l’histoire, nous défendaient énormément, faisaient des retours très précis. Ils ont toujours fait bloc avec nous.

Pouvez-vous nous parler des éléments qui ont été coupés au montage entre le pilote écrit et le pilote final ?

Camille : Il y a eu beaucoup de scènes d’émotions qui n’ont pas passées l’épreuve du montage. Le pilote était trop long, on a dû privilégier le policier. Par exemple, il y a une scène entre Ludo et la sœur de Zoé Lévy, Anne-Laure. Ils discutent de l’éventuel suicide de Zoé mais quand on l’avait écrit, le dialogue parlait davantage de la solitude d’Anne-Laure, suite à la mort de Zoé, et qu’elle devait accepter l’aide qu’on lui proposait. Pour nous c’était une sorte de rappel de la situation qu’avait vécue Ludovic, l’aide que lui n’avait pas acceptée et qu’il mettait en avant pour que d’autres ne fasse pas la même erreur que lui. Mais comme il s’agissait d’une “queue” de scène et que cela ne participait pas directement au déploiement de l’intrigue, le temps manquant, cela a été coupé.

Sarah : Il y aussi des scènes qui ont été ajoutées. Ce qui a rallongé le pilote. Les diffuseurs et producteurs souhaitaient en rajouter pour que l’univers de la VR soit bien lisible pour le spectateur et qu’on incarne tous les personnages. De fait, le personnage du Procureur Nicolas Orsat ne devait pas apparaître, il intervenait uniquement au téléphone. Mais on nous a demandé de le voir. On le voit dans le présent au tribunal, dans le passé avec Mélanie et Florence. De même quand Ludovic se rend chez Nathan qui est en train de fêter ses 27 ans avec Florence et leur deux enfants. Ils ont insisté à raison, si nous voulions que les effets papillons aient une réelle charge émotionnelle, il fallait effectivement incarner les personnages de la sorte.

Comment vous êtes-vous intégrées à l’étape du montage ? Comment ça s’est passé en salle de montage ?

Sarah : On n’a pas été invitées ! (rires)

Camille : On nous a envoyé une version du montage, on l’a regardée ensemble avec Sarah. On a fait un retour très positif à Slimane. On soulevait des interrogations mais toujours de manière très positive. Il y a certains épisodes où l’on avait très peu de retours, sauf bizarrement l’épisode 4, enfin peut être logiquement finalement car nous avions déjà eu beaucoup de questionnement lors de l’écriture.

Relation avec les producteurs et les diffuseurs

Pouvez-vous nous parler de vos échanges avec les producteurs et diffuseurs ?

Camille : À chaque nouveau projet, il y a une période d’ajustement. Au début du travail de Vortex, les producteurs nous faisaient des remarques dans le texte, très directes. Cela était un peu trop direct pour nous. Nous leur avons simplement demandé d’apporter leurs remarques dans la marge du texte. Il suffisait de communiquer pour s’accorder, le reste de la collaboration a été idyllique.

Pour les diffuseurs, c’était pareil. On avait parfois des remarques très directes. Il a fallu dérouler le fil de leur remarque, en les questionnant précisément pour trouver les solutions qui convenaient aux différentes parties. Ce qui a été très agréable a été d’envoyer directement le dialogué aux chaînes et non le séquencier comme cela est généralement le cas. Les séquenciers étaient tout de même écrits en interne, pour qu’en cas de problème on puisse y revenir. Mais l’envoi direct des dialogués a permis au diffuseur de garder une “fraîcheur” de lecture. Lorsque l’on lit 6 ou 7 versions entre les séquenciers et les dialogués, il est très difficile de garder un œil neuf pour le lecteur et de susciter un enthousiasme renouvelé à la lecture pour le scénariste. Cela a permis aux diffuseurs d’apporter un vrai regard en ne les surchargeant pas de textes.

Sarah : On a aussi observé un pattern “du parcours émotionnel du diffuseur”. Au début, tout est génial, on est les meilleures scénaristes du monde. Une avalanche de compliments, un bonheur extrêmement rare !

Il y a un engouement très fort à l’acquisition, une lune de miel en quelque sorte.

Puis s’ensuit une période de stagnation, une crainte inconsciente, le doute s’immisce et tout devient nul. Là, c’est très dur. Il faut garder la tête froide et poser des questions précises pour trouver les points de crispations et les corriger.

Vient enfin l’arrivée du greenlight et tout redevient génial. J’ai vécu la même chose sur Hors Saison.

À quels moments les producteurs ont été des alliés importants ?

Camille : En premier lieu, la qualité de leurs retours. Lors des réunions avec la chaîne, ils défendaient beaucoup le texte.

Sarah : Ils connaissaient par cœur le texte. Donc lorsque la chaîne faisait une remarque, ils pouvaient citer le texte, argumenter et défendre notre travail presque mieux que nous !

Quand Slimane est arrivé, il a voulu changer une réplique du pilote, mais même là, notre productrice a tranché : “On ne change pas le texte”. Également en post-prod, ils sont restés fidèles aux intentions de départ et à notre travail.

Camille : On doit également vous faire un aveu… Comme l’histoire se déploie sur deux temporalités et génère des effets papillons, nous avons également utilisé ce garde-fou pour justifier l’impossibilité de changement des répliques. Un mot pouvait réellement créer une incohérence profonde, mais il est possible que certains changements n’étaient pas aussi délétères…

Bilan de l’expérience

Sur une prochaine création, qu’est-ce que vous aimeriez faire évoluer dans votre méthode de travail ?

Sarah : Pour les prochaines rooms d’écriture, nous privilégierons les matinées pour l’écriture et un temps plus long de développement idéalement 8 semaines. Nous souhaitons par contre garder le pitch oral pour présenter les séquenciers aux producteurs, car cela est vraiment très efficace et permet de garder de la fraîcheur pour la V1 dialoguée.

Concernant le pilote, nous avons appris notre leçon. En tant qu’épisode qui ouvre la série, il doit par essence présenter toutes les clefs d’entrée du récit. Il vaut mieux faire plus court car les producteurs et diffuseurs, grâce à leur expérience apportent ensuite des éléments. Une V1 de 45 pages permet donc de rester dans les clous des 55 pages en Vdef.

Et sur le tournage ?

Sarah : Nous aimerions être rémunérées durant le tournage. On nous a demandé de nombreux nouveaux éléments d’écriture. Notamment de résumer les épisodes, parfois la veille pour le lendemain, pour des magazines ou en interne pour la chaîne. Nous avons aussi fait des synopsis courts de 5, puis 15, puis 20 lignes… La rédaction des articles de presse que l’on va voir à l’écran… Au final, mis bout à bout, c’est un travail réel et assez chronophage. Cela serait donc logique d’avoir un salaire en contrepartie.

Alysse et Marjorie : Merci pour cet échange et pour cette belle série. On vous souhaite de belles audiences pour la dernière soirée de VORTEX ! Et une longue vie à la série. C’était un véritable plaisir de faire ce premier Pilote Club avec vous !

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