Virginie J. Perez : “Je note tout dans des carnets que je ne relis pas”

Diplomée de la formation Série TV de La Fémis, Virginie J. Perez est actuellement en train de développer une série pour France 2 avec Solen Roy-Pagenault (Candice Renoir). Elle revient avec nous sur son parcours et ses envies d’écriture.

Raphaël Tilliette
Paper to Film
7 min readMar 28, 2018

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Tu as commencé par une faculté de cinéma à Montpellier. Quelle a été la suite de ton parcours ?

Je me suis dirigée vers l’ESAV, à Toulouse. Durant ma troisième année, j’ai pu partir en échange à la School of Visual Arts de New York, ce qui a été une expérience très enrichissante. Les Américains sont très spécialisés dès les premières années, contrairement à la France où ces dernières restent généralistes. Les moyens mis à disposition étaient colossaux, nous avions notre propre studio et tout un matériel de tournage de pointe. En quatrième année d’études, j’ai fait un stage dans une compagnie de production à New York. J’ai pu travailler dans différents domaines : le montage, la prise de vue… j’ai même été stagiaire caméra sur l’un de leur long-métrage. Cela a été une expérience infiniment enrichissante.

De retour en France, mon envie d’écrire se faisait de plus en plus forte, et la plate-forme Cinéaste.org m’a permise de rencontrer mon co-auteur des Enfants de Judas. Avec ce projet de série que nous avions créé, nous avons été sélectionné au Parcours Pitch du Pôle Emploi, ce qui nous a permis d’avoir un mois et demi de formation et rencontres. Grâce à cette sélection, nous avons été optionnés par Panama Production. Finalement, pour différentes raisons, le projet n’a pas vu le jour. Mais cette expérience m’a donné envie de poursuivre dans la série, et j’ai commencé à écrire d’autres projets.

Puis la Fémis a créé le Cursus création de séries TV. J’ai eu le concours au bout de la troisième fois. L’année a été très intense, et j’ai eu la chance de rencontrer Solen Roy-Pagenault, la créatrice de la série Candice Renoir. En sortant de l’école, en 2016, Solen me propose de travailler avec elle sur un projet avec Morgane Production. Nous avons alors commencé à développer la série en 26 minutes. France 2 a manifesté son intérêt en nous demandant de la repenser dans un format 52 minutes. En septembre 2017, nous nous engageons alors dans l’écriture des deux premiers épisodes, et aujourd’hui nous venons d’envoyer l’épisode 2 dialogué à la chaine. Nous attendons maintenant des retours. S’il y a validation, nous pourrons écrire toute la première saison, de six ou huit épisodes.

En ce moment, je travaille aussi pour une commande de Cinétévé, un unitaire sur le burnout maternel. J’ai aussi d’autres projets plus personnels qui sont en option chez différents producteurs.

Tu as grandi avec la télé. Comment en es-tu arrivée au cinéma ?

Je n’ai vu mon premier film qu’à 14 ans, car la première salle de cinéma était à 45 minutes en voiture et mes parents n’étaient pas cinéphiles. J’ai donc découvert le monde du cinéma assez tard, et je n’ai pas voulu me poser de barrières. J’étais à un moment de ma vie où j’avais besoin de faire les choses par envie et plus par devoir. J’aimais écrire, alors je me suis lancée.

Aujourd’hui cela fait réellement un an et demi que je vis de mes scénarios. Avant, j’ai pu faire des films institutionnels pour des entreprises, que j’écrivais et réalisais, en répondant à des annonces. J’avais un peu d’économies, je vivais du RSA, et j’ai pu survivre pendant cinq ans de cette façon à Paris. C’est un choix que je ne regrette pas, mais il faut tenir. Je ne m’imaginais pas ailleurs, c’était ça ou rien. Quand on se lance dans un métier comme celui-ci, il faut s’attendre à ce qu’il y ait des hauts et des bas.

J’ai aussi d’autres projets que le cinéma et la télévision en tête. La mise en scène de théâtre m’intéresse beaucoup, par exemple, car il me semble qu’elle apporte une certaine simplicité dans le travail, sans toute la machinerie d’un tournage. Mais pour cela, il faut trouver le temps et le bon projet.

Comment te motives-tu pour écrire ?

J’ai besoin d’aimer ce que j’écris. J’ai du mal à travailler sur un projet qui ne me porte pas, ou plus.

Je travaille chez moi avec des horaires dits « de bureau » et j’essaye de maintenir un rythme régulier. Je me lève, puis je prends mon petit-déjeuner et je travaille jusqu’à ma pause déjeuner. Ensuite, je reprends le travail en début d’après-midi. Ma créativité fluctue en fonction des jours, mais généralement, lorsque je suis bien partie, je travaille jusqu’au moins 18 heures. Si je ne trouve pas l’inspiration ou la motivation nécessaire, j’écris une autre séquence ou je passe sur un autre projet. Le soir, j’ai besoin de vraiment couper ma journée de travail. Je fais de la boxe française trois ou quatre fois par semaine.

À peine l’écriture d’un projet finit, j’ai besoin d’en écrire un nouveau. Réaliser un projet que j’ai écrit me donne le sentiment de recommencer un travail qui, dans ma tête, est déjà terminé. Je pense alors, sans avoir eu l’occasion de le confirmer, que je préfèrerais réaliser un projet que je n’ai pas écrit. Peut-être qu’à ce moment je ressentirai un plaisir de renouveau.

J’écris souvent avec des coauteurs, dont Solen pour le projet avec Morgane Production. L’avantage est qu’elle a un bureau, ce qui me permet d’avoir un lieu dédié à l’écriture, bien que je travaille encore souvent de chez moi.

Préfères-tu écrire seule ou avec des coauteurs ?

J’aime l’interaction et je préfère travailler à plusieurs. Je trouve que cela crée une stimulation que l’on ne retrouve pas forcément seule. Je ne suis pas très solitaire dans l’écriture, cela devient vite difficile, même si j’ai écrit Aubeville 1440, Les Brouilleurs, mon projet de la Fémis, et certains courts-métrages sans coauteur.

Que fais-tu quand tu as une nouvelle idée ?

Quand une idée me vient à l’esprit, j’ai tendance à la laisser germer assez longtemps. Si je pense à quelque chose, je le note, mais j’ai besoin de dérouler l’idée avant d’écrire. Cela va faire un an que j’ai envie d’écrire un roman de jeunesse. Les personnages principaux, les lieux, le concept sont posés, mais il me manque quelque chose. J’ai besoin de trouver cet élément pour pouvoir me mettre à l’écrire. Pour l’instant, tout est encore dans ma tête.

Aubeville 1440, par exemple, est partie d’une photo que j’ai prise il y a longtemps. Je peux m’inspirer d’une phrase entendue aussi, et à partir de cela je crée un personnage ou une action.

Je note tout dans des carnets que je ne relis pas car la majorité des choses restent inscrites dans ma tête. Ça me rassure, mais au fond quand une idée me semble bonne je n’ai pas besoin de la noter. Si je l’oublie je crois que c’est parce qu’elle n’en valait pas la peine…

Quelle est la relation avec ton agent, Solène Édouard, et comment l’as-tu rencontrée ?

J’ai rencontré Solène lorsque nous cherchions un agent pour négocier le contrat des Enfants de Judas avec Panama Production. Elle voulait travailler avec de jeunes auteurs, le projet lui plaisait, nous nous sommes immédiatement bien entendues. Après mon cursus à la Fémis, j’ai été démarchée par d’autres agents, mais j’ai refusé parce que je suis bien avec elle.

Si j’ai un problème avec un producteur ou un projet, je l’appelle. Elle me conseille beaucoup, c’est rassurant de savoir que quelqu’un est là pour vous accompagner au quotidien, elle trouve toujours la solution. Être agent c’est faire 90% de psychothérapie et 10% de négociation de contrat !

La relation avec son agent est capitale, elle doit être humaine avant tout.

Tu as rencontré plusieurs producteurs ces dernières années. Quel est ton point de vue sur leur métier ?

J’ai remarqué que certains sont très pointilleux. Par exemple, un producteur enthousiasmé sur une bible de série nous l’a pourtant fait réécrire plus de cinq fois. Le projet a par essence beaucoup bougé, et il en devient parfois difficile pour un auteur de parvenir à tout de même garder le cap et l’envie de départ.

J’aime particulièrement travailler avec des producteurs passionnés, qui ont une envie qui n’est pas seulement contrite par une approche commerciale. C’est important pour un auteur de sentir son projet aimé et défendu. Gilles Daniel et William Chiflet, de Morgane Production, ont cet accompagnement. J’ai par exemple été invitée aux repérages de notre future série pour nourrir l’étape de l’écriture, ce qui est rare. Choyer un auteur est le meilleur moyen de l’investir sur un projet et d’en tirer le meilleur.

Préfères-tu travailler avec une jeune société de production ou une très installée ?

Je n’ai pas de préférence, les deux me conviennent. Ce qui va m’orienter est l’humain et les possibilités. Sur une série TV, si tout se passe bien, le projet dure généralement des années, il faut donc bien choisir les gens avec qui l’on va travailler.

Pourquoi avoir choisi Paper to Film ?

J’ai connu la plate-forme grâce à mon agent, puis à la Guilde française des scénaristes. Certains de mes projets manquaient de visibilité, j’ai alors décidé de les placer sur le site. Paper to Film est comme une bibliothèque dans laquelle j’ai déposé mes livres. Cela offre à mes projets une seconde opportunité.

Ses projets sur Paper to Film :

AUBEVILLE 1440 Quand Morgan revient involontairement sur son lieu de naissance, il découvre un mystérieux village où le nombre d’habitants doit toujours rester constant… et ce quel qu’en soit le prix.

WOMEN’S LAND « Une femme pour sauver tous les hommes »

STOCKHOLM Cassandre Dumas a été séquestrée durant 6 mois alors qu’elle était adolescente. Aujourd’hui commandant de police, son enquête sur l’enlèvement d’une fillette la replonge sur les traces de son ancien ravisseur. Atteinte du syndrome de Stockholm, elle est déchirée entre son devoir de flic et la promesse faite à son kidnappeur de le protéger.

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