Prendre la pause

L’urgence

Ariane Picoche
Paris tout cru
Published in
2 min readMay 25, 2015

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Je viens de fêter mes 28 ans. Ça faisait six mois que je me donnais cet âge, pour m’habituer, me montrer plus maligne que le temps. Je vis la jeunesse comme une urgence. Celle d’expérimenter, d’apprendre et d’accomplir. Comme si mon cerveau et mon corps avaient une date de péremption. Oui, j’ai peur du moment où je n’aurai plus l’énergie d’affronter ce monde. Car il s’agit bien de lutte. Avec soi-même et les autres. Je suis en compétition dans le travail, l’amour, le quotidien, malgré moi. Pour trouver ma place. Rien qu’une place. Taux de chômage chez les jeunes Français : près de 25%. Utilisateurs d’applis de rencontres : beaucoup. Sièges libres dans le métro parisien : peu.

Je suis sur la sellette. Donc je reste ultra-connectée. Mon smartphone n’est jamais loin. Et si je ratais une opportunité ? Je me sens sollicitée en permanence et j’ai du mal à choisir — trop de choix, la ville n’aidant pas. Noyée dans un flot de créativité imposée. Obsédée par la performance. Adaptable et recyclable à souhait. Un meuble Ikea. Je réfléchis le jour et la nuit. J’analyse. J’organise. Je rentabilise en travaillant dans le train ou la salle d’attente du kiné. Je marche vite. Je me fous de ma santé. J’agrémente cette course effrénée de petits plaisirs : des shoots sociaux et culturels pour me requinquer. Je culpabilise quand je me déconcentre. Je serais capable de mépriser la lenteur. Cette vie hyperactive fait de l’ennui un cauchemar. Ai-je le droit de me reposer ?

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