#1 — Présentation
Le pass Culture est un nouveau service public développé par le ministère de la Culture qui vise à renforcer et diversifier les pratiques culturelles de tous les résidents du territoire national. Ce blog ne porte que sur l’un des aspects du projet : la conception de la plateforme numérique sur laquelle le service public est développé. Des informations sur les autres sujets se trouvent sur notre site (pass.culture.fr), dans notre documentation (docs.passculture.app) ou en nous contactant directement (support [at] passculture.app). Envie de rejoindre l’aventure ? Envoyez-nous un message sur candidatures [at] passculture.app
Le pass Culture est une nouvelle forme de politique culturelle ciblée sur la reconquête d’un public particulier : les 18 ans. Il s’agit d’un défi complexe, sur lequel de nombreux acteurs s’attellent depuis bien des années, et le projet est doté de moyens ambitieux : 500€ pour environ 900 000 personnes par an (soit 450 M€), dont environ un quart est financé par de l’argent public.
Pour résoudre pas-à-pas ce défi, nous nous concentrons sur une approche pragmatique : plutôt que de ré-inventer une réponse unique et absolue, nous cherchons à développer un nouvel outil pouvant servir à l’écosystème existant. Nous appliquons pour cela une méthodologie agile, avec une équipe DevOps au plus près du métier et une méthode de construction centrée sur les utilisateurs et pilotée par les données d’usage réel. Cette méthode est très largement utilisée dans le développement de services numériques, et a été adaptée aux spécificités de la construction d’une nouvelle politique publique grâce au travail mené depuis 5 ans par l’incubateur de Startups d’État de la DINSIC.
Sur le fond, notre travail repose sur deux hypothèses centrales :
- d’une part, l’écran du smartphone est aujourd’hui une interface essentielle pour s’adresser aux nouvelles générations ;
- d’autre part, la création d’une infrastructure publique permettant de mettre en valeur, réserver et payer tous les acteurs culturels du territoire aurait des bénéfices bien au delà du projet pass Culture.
Notre parti pris a donc été de développer une plateforme numérique pour mettre en lien les jeunes de 18 ans et les acteurs de la médiation culturelle. D’un côté une application mobile, seul endroit à ce stade où les bénéficiaires peuvent utiliser leur crédit pass Culture, et qui vise à terme à devenir un agenda de référence des offres culturelles géolocalisées, un média mettant en avant des offres inédites et spécifiquement pensées pour les 18 ans, et surtout un vecteur de diversification et d’autonomisation culturelle. De l’autre un site professionnel, où les acteurs proposent directement les offres qu’ils souhaitent rendre disponibles, et gèrent leurs réservations et leurs remboursements.
Où en sommes nous ?
Le travail a débuté il y a 18 mois, et le cadre juridique permettant d’ouvrir l’accès à de premiers utilisateurs a été adopté en février 2019 : d’abord limité à 10 000 personnes qui s’étaient pré-inscrites à l’été 2018, puis élargi depuis juin 2019 à tous les résidents de 18 ans de 14 départements.
Nous bénéficions donc de 5 mois de retours réel sur notre « version beta ». Les premiers chiffres sont encourageants (6 500 utilisateurs et 800 acteurs culturels actifs, une moyenne de réservations de 4 offres par utilisateur et 175k€ reversés aux acteurs culturels), et surtout la mécanique de construction est désormais enclenchée. Les briques de base (inscription, réservation, paiement…) sont opérationnelles, et notre produit est testé en permanence par des milliers d’utilisateurs.
Nous n’en sommes néanmoins qu’au début de l’histoire, et un long chemin reste à parcourir. Les difficultés principales sont les suivantes :
- Pour fonctionner, notre application doit devenir un outil « mainstream », c’est à dire utilisé régulièrement par la majorité des bénéficiaires de 18 ans. Sur cette population, les attentes sont très fortes sur l’ergonomie, la performance et le contenu disponible. Les déceptions ne tardent pas à se matérialiser sous la forme d’un abandon total du service, et même la promesse d’un pouvoir d’achat de 500€ n’est pas suffisante pour intéresser les utilisateurs de manière pérenne — en particulier pour les bénéficiaires les plus éloignés de la culture.
- Une fois l’utilisateur actif, la difficulté réelle commence car il faut atteindre l’objectif de politique publique : diversifier et rendre autonome. L’application doit ainsi amener progressivement nos utilisateurs vers la découverte de pratiques qu’ils ne connaissent pas encore. Le service doit être personnalisé, tout en permettant un passage à l’échelle, et sans non plus réduire les questions de médiation culturelle à une simple logique d’algorithme et de calcul — au risque de reproduire les biais et les bulles informationnelles observés dans les services actuels.
- Enfin, la plus grande difficulté est certainement celle de la construction de la plateforme professionnelle. Celle-ci s’adresse à des acteurs de secteurs très variés, avec une grande disparité de taille, de moyens et de besoins. Les librairies veulent synchroniser simplement leur catalogue disponible, les cinémas doivent vérifier en quelques secondes la validité d’une réservation à l’entrée en salle, les sites patrimoniaux ne sont pas tous équipés de système de réservation en ligne, les festivals ont besoin d’éditer rapidement des centaines de billets, etc… Pour tous ces acteurs, l’enjeu du « pass Culture pro » est de proposer un service gratuit, simple d’utilisation et interopérable avec les système informatiques déjà utilisés.
Une approche inspirée du logiciel libre
La seule manière d’aborder un périmètre fonctionnel aussi large est de nous concentrer sur l’indispensable, et de nous appuyer sur les acteurs existants et les technologies disponibles.
Nous appliquons donc une philosophie « d’Etat-plateforme », c’est à dire que nous pensons le pass Culture comme une nouvelle infrastructure publique, ouverte et réutilisable, sur laquelle l’ensemble de l’écosystème d’innovation culturel doit pouvoir se développer. Schématiquement, cette infrastructure est composée de données (personnelles pour ce qui est notamment des données d’usage, mais aussi données de référence sur les acteurs et les offres), d’API standardisées, et d’une bibliothèque logicielle intégrant les briques techniques indispensables à cette politique publique. Les données non protégées sont donc ouvertes par défaut et le code source du logiciel est public et librement réutilisable.
Ce blog sera l’occasion de parler régulièrement des avancées sur ces sujets, en commençant par une première actualité : l’ouverture de l’ensemble de notre code sous la licence Mozilla Public Licence 2.0 permettant une réutilisation large, y compris dans des applications commerciales.
Bonne lecture !