Au plus près des utilisateurs du pass Culture : trois méthodes pour une meilleure compréhension des publics de 18 ans

Mandy Llamas
passCultureofficiel

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Afin de répondre au mieux à son ambitieuse mission de service public, visant à renforcer et à diversifier les pratiques culturelles des jeunes de 18 ans, le pass Culture a mis en place de nombreux outils. A la pointe des savoirs et techniques, ils visent à connaître l’ensemble des utilisateurs, et d’ainsi mettre en place une politique publique la plus cohérente possible avec les comportements culturels et les usages numériques des jeunes de 18 ans.

Cet article s’intéresse particulièrement aux “persona”, aux “regroupements” (clusterisation, en anglais) et aux “profils” utilisateurs, qui couplent, de manière peu explorée jusqu’alors, des approches quantitatives et qualitatives. Il présente les méthodes mises en place, sur la base des 75 000 utilisateurs que comptait le pass Culture en juillet 2020 ainsi que les résultats obtenus. Il revient également sur les premières applications concrètes dans le projet, relatif à la conception d’écran, de fonctionnalités, d’approche en communication ou à l’élaboration d’outils de recommandation.

Ces résultats permettent une approche nouvelle et complète des jeunes de 18 ans, dont les applications peuvent largement dépasser le simple périmètre du pass Culture, pour la conduite des politiques publiques culturelles ou à destination de la jeunesse, et au-delà.

I. À partir d’une méthode quantitative, les “regroupements” permettent d’identifier des profils d’individus en fonction de leurs pratiques culturelles intiales

La méthode de partitionnement (clusterisation) consiste à segmenter une population en un certain nombre de groupes homogènes suivant des critères fixés a priori. Nous avons appliqué cette méthode aux 75 000 utilisateurs que comptait l’application en juillet 2020, à partir des pratiques culturelles qu’ils ont initialement déclarées. Les douze regroupements ainsi obtenus ont ensuite été enrichis grâce aux données sociodémographiques des utilisateurs et aux comportements constatés sur le pass Culture.

Ils permettent de mieux comprendre les parcours de réservation existants, et d’en imaginer et tester toutes les évolutions, en accompagnant par exemple le développement d’algorithmes de recommandation, cohérents avec les pratiques culturelles de nos utilisateurs.

1. Les utilisateurs déclarent leurs pratiques culturelles lors de l’activation de leur pass Culture

Lors de l’activation de leur pass Culture, les utilisateurs sont invités à remplir un questionnaire au sujet des activités culturelles qu’ils ont effectuées au cours de l’année (en termes de fréquence, de supports utilisés et de genre).

En collectant les réponses des utilisateurs à ce questionnaire des pratiques culturelles initiales, il est possible d’attribuer à chacun d’entre eux, une « note », comprise entre 0 et 1, et ce, pour chacune des huit catégories proposées dans le questionnaire : « Musique », « Festival », « Visite », « Spectacle », « Film & Série », « Lecture », « Jeu vidéo » et « Pratique artistique ». Ces notes évaluent les pratiques des utilisateurs, antérieurement à leur expérience dans le pass Culture, à la fois en termes de fréquence (lire beaucoup de livres octroie une bonne note en « Lecture ») et de diversification (si, parmi ces livres, il y a beaucoup de genres littéraires différents, la note « Lecture » est encore meilleure). Ces huit notes forment un score pour chaque utilisateur, qui est ensuite assimilé à un vecteur à 8 composantes.

Matrice de corrélation des scores dans les différentes catégories :

2. L’algorithme kmeans permet d’identifier des groupes d’individus possédant des pratiques culturelles similaires

Une fois le score calculé pour chaque utilisateur, l’algorithme de partitionnement kmeans sépare nos utilisateurs en un nombre fixé de regroupements (et renseigné à l’avance, cf. paragraphe suivant), selon le principe suivant :

  • Il initialise un profil-type d’utilisateur (i.e. un score-type) pour chaque regroupement, puis il assigne à chaque utilisateur le regroupement dont le profil-type est le plus proche (en distance euclidienne) du score de l’utilisateur.
  • Il recalcule ensuite le profil-type de chaque regroupement en faisant la moyenne des scores des utilisateurs dans ce regroupement puis réassigne à chaque utilisateur le regroupement dont le profil-type est le plus proche du score de l’utilisateur (en effet, les profils-types ayant changé, certains utilisateurs peuvent se retrouver plus près d’un regroupement différent de celui qui leur avait été assigné a priori).
  • L’algorithme répète cette dernière étape jusqu’à ce que les profils-types ne changent plus (ou très faiblement) entre deux itérations : il y a alors convergence. Les regroupements ainsi obtenus sont les regroupements finaux, et leurs profils-types permettent de les caractériser.

3. La méthode du coude détermine le nombre le plus pertinent de regroupements

Comme évoqué précédemment, l’algorithme kmeans ne choisit pas lui-même le nombre optimal de regroupements mais calcule les regroupements à partir d’un nombre de regroupements déterminés par le programmeur. Pour choisir ce nombre, il nous faut utiliser une heuristique appelée méthode du coude, qui permet de concilier minimisation de la variance intra-regroupement (pour que les regroupements soient les plus cohérents possibles) et minimisation du nombre de regroupements (pour donner un sens à la notion même de regroupements : expliquer des comportements d’utilisateurs multiples en les regroupant dans un nombre restreint de catégories). Voici la courbe de variance intra-regroupement en fonction du nombre de regroupements donné comme paramètre à kmeans :

La méthode du coude consiste à repérer le “coude” de cette courbe, dont l’abscisse donne le nombre optimal de regroupements. Si nous n’observons pas distinctement de coude sur cette courbe, le nombre le plus pertinent semble être de 12 regroupements.

4. Les douze “regroupements” se répartissent en 5 grandes catégories de pratiques culturelles

Les utilisateurs se répartissent au sein de 5 grandes catégories de regroupement :

  • Pratiques “populaires sur le pass” : Regroupement dans lequel nous retrouvons les pratiques les plus répandues sur le pass Culture.
    - Regroupement Bases — “Musique, festivals, films/séries… et c’est tout” (15% de l’échantillon) : Ensemble des pratiques principalement déclarées par les utilisateurs.
  • Pratiques domestiques : Regroupements au sein desquels les utilisateurs possèdent principalement des pratiques culturelles domestiques.
    - Regroupement Gamer — “Jeux vidéo sans pratiques artistiques ni sorties” (14% de l’échantillon) : Pratiques exclusivement domestiques et principalement axées sur les jeux vidéos.
    - Regroupement Amateur — “Pratiques artistiques sans sorties” (7% de l’échantillon) : Pratiques exclusivement domestiques et principalement axées sur la pratique artistique (jouer d’un instrument de musique, faire du théâtre …).
    - Regroupement Lecteur — “ Pratique de lecture” (8% de l’échantillon) : Pratiques principalement axées sur la lecture de livres.
  • Pratiques de sortie : Regroupements au sein desquels les utilisateurs possèdent des pratiques qui s’étendent aux sorties culturelles.
    - Regroupement Visiteur — “Visites sans pratiques artistiques” (9% de l’échantillon) : Pratiques de sortie exclusivement portées sur les visites (musée et patrimoine).
    - Regroupement Spectateur — “Spectacles” (8% de l’échantillon) : Pratiques de sortie exclusivement portées sur le spectacle vivant (concert, théâtre, danse…).
    - Regroupement Actif — “Visites et pratiques artistiques” (6% de l’échantillon) : Pratiques de sortie axées sur les visites (musée et patrimoine) avec des pratiques artistiques (faire du théâtre, de la danse…).
  • Pratiques culturelles omnivores : regroupements au sein desquels dont les pratiques culturelles s’étendent à plusieurs domaines artistiques différents.
    - Regroupement Omnivore 1 — “Éclectisme dans la culture” (6% de l’échantillon) : Pratiques culturelles très diversifiées : plusieurs domaines culturels sont investis.
    - Regroupement Omnivore 2 — “Éclectisme sans jeux vidéo” (7% de l’échantillon) : Pratiques culturelles très diversifiées : plusieurs domaines culturels sont investis sauf la pratique des jeux vidéos.
    - Regroupement Omnivore 3 — “Éclectisme sans jeux vidéo ni pratique artistique” (6% de l’échantillon) Pratiques culturelles très diversifiées : plusieurs domaines culturels sont investis sauf la pratique des jeux vidéos et les pratiques artistiques (faire du théâtre, de la danse …).
  • “No Culture” populaire : Regroupements qui déclarent ne pas effectuer une activité culturelle répandue au sein des pratiques culturelles françaises.
    - Regroupement No Music — “Pas de musique” (8% de l’échantillon) : Les pratiques culturelles de ses utilisateurs ne comportent pas d’écoute de musique.
    - Regroupement No Cinema — “Pas de films et séries” (8% de l’échantillon) Les pratiques culturelles de ses utilisateurs ne comportent pas de pratiques cinématographiques.

II. À partir d’une méthode qualitative, les “personas” participent à la compréhension des mécanismes de choix des individus de 18 ans

En parallèle de l’approche “regroupements”, fondée sur une méthode quantitative, une analyse qualitative des utilisateurs du pass culture a été menée : les personas.

Les personas sont des personnes fictives dotées d’attributs, de caractéristiques sociales et psychologiques, qui représentent un groupe cible. Ils permettent dans notre cas l’identification des formes de médiation qui permettent d’enclencher la fréquentation et la réservation sur l’application, mais aussi la volonté de diversifier les pratiques culturelles.

Dans le cadre du pass Culture, les huit personas ont été constitués en tenant compte des spécificités suivantes :

  • rapport à la culture : aux œuvres culturelles, sorties culturelles
  • usages numériques : canaux de communication, réseaux sociaux, sites internet
  • rapport aux recommandations culturelles : influence des pairs, des algorithmes de recommandation, des instances publiques
  • motivations du choix : Apprendre / Être en communion avec les autres / Stimuler ses émotions

Débutée en octobre 2019, cette étude ne cesse d’être enrichie. Les données présentées dans cet article sont celles arrêtées à la période de juillet 2020 : construits dans un premier temps au travers d’entretiens réalisés auprès de non-utilisateurs du pass Culture puis consolidés par l’intermédiaire d’un questionnaire testé auprès de 3 000 utilisateurs et finalement administré aux 75 000 utilisateurs que comptait l’application en juillet 2020.

Cette approche permet, par exemple, d’accompagner les réflexions autour de la conception du site internet “vitrine” du pass Culture, ou de la mise en place de nouvelles fonctionnalités au sein de l’application. A titre d’exemple, le site vitrine du pass Culture propose de nombreux éléments visuels adaptés au persona “Intuitif” pour qui l’approche graphique est déterminante dans la construction de ses choix culturels.

Cette étude a été effectuée en quatre temps :

Etape 1. Les témoignages de non-utilisateurs du pass Culture concernant une expérience culturelle vécue sont collectés au travers d’entretiens

La conduite d’une quinzaine d’entretiens a permis la construction d’un corpus de profils. Effectués auprès de non-utilisateurs, les entretiens consistaient à interroger les enquêtés au sujet d’une expérience culturelle marquante.

L’approfondissement du rapport aux œuvres culturelles, aux outils numériques, à la recommandation et à la structure de groupe dans le cadre de pratiques de sortie ont ainsi permis d’identifier un certain nombre de mécanismes de choix culturels.

Etape 2. L’identification de mécanismes de choix similaires entre les individus permet la détermination de personas

Les informations qualitatives collectées lors des entretiens ont été mises en commun afin d’observer les caractéristiques communes entre les individus interrogés. L’identification de ces convergences, analysées au regard des études sociologiques préexistantes, ont permis l’émergence de huit profils de persona.

Il serait évidemment faux de limiter un individu à un persona. Un individu peut correspondre à plusieurs personas à la fois et, selon ses expériences, endosser un profil différent. Au travers de cette étude, nous cherchons à identifier un trait saillant de la personnalité de l’utilisateur : le profil qui lui correspond le plus.

Etape 3. La pertinence des personas identifiés est discutée avec des sociologues et testée auprès d’utilisateurs du pass Culture

Nous avons souhaité confronter nos personas, basés sur une quinzaine d’entretiens, à un échantillon d’utilisateurs beaucoup plus conséquent (3 000 puis 75 000 utilisateurs).

Nous avons ainsi envoyé un questionnaire numérique prenant la forme d’un test de personnalité (Quel personnage de fiction es-tu ?), qui permettait d’attribuer à chaque répondant un persona (chaque “personnage” correspondant en réalité à l’un de nos personas).

En indiquant en fin de questionnaire si ce profil leur correspondait (et si non, pour quelles raisons), cette méthode nous a permis de mesurer la pertinence des personas que nous avions constitués et de les recalibrer : 79% de nos utilisateurs ont déclaré que le profil qui leur avait été attribué leur correspondait. Parmi les 21% d’individus qui ont indiqué ne pas se reconnaître dans le profil proposé, 85% ont indiqué que le profil attribué ne leur correspondait pas pour des raisons annexes à notre approche : le personnage de fiction attribué ne leur plaisait pas (par exemple, Khalessi de Game of Thrones pour le persona “Anticonformiste”).

Parce que la pertinence des personas ne peut se limiter à la perception que les utilisateurs possèdent de leurs propres pratiques, les hypothèses et les résultats du questionnaire ont également fait l’objet d’une réflexion commune, dans le cadre d’une réunion de travail, avec les sociologues spécialisés en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Inseac Cnam Guigamp : Emmanuel Ethis, Damien Malinas et Raphael Roth. Ces échanges scientifiques ont permis l’ajustement de nos hypothèses et le développement de nouvelles perspectives d’études au sujet de nos utilisateurs.

Malgré un taux de réponse concluant, peu d’utilisateurs ont complété le questionnaire
Parce que proposé au sein du parcours d’entrée sur l’application de l’utilisateur (lors de la première connexion), le questionnaire des “Pratiques culturelles initiales” a été complété par la grande majorité des utilisateurs du pass Culture (85% d’entre eux). Ainsi, les regroupements identifiés sont très proches de la réalité de notre échantillon global d’utilisateurs.

En revanche, le questionnaire “persona” est envoyé par mail à l’utilisateur. Le nombre de réponses est représentatif sur le plan statistique, (bien que faible par rapport aux utilisateurs destinataires (3 085 répondants sur 75 000 utilisateurs). Une nouvelle enquête persona sera conduite courant 2021 pour conforter les résultats du premier questionnaire.

Etape 4. Les données d’utilisation du pass Culture alimentent les hypothèses de personas

Cette quatrième étape visait à comparer les hypothèses comportementales des personas avec les pratiques culturelles effectives des individus (pratiques culturelles antérieures à l’utilisation de l’application et données d’usage de l’application).

Il a ainsi été possible de confirmer, d’infirmer et d’enrichir nos hypothèses concernant chaque persona.

Les huit personas se caractérisent selon des modalités de choix spécifiques

  • Le casanier

Le casanier se caractérise par ses pratiques culturelles principalement domestiques. S’il utilise des plateformes de streaming pour effectuer ses pratiques culturelles, il ne fait que très peu de sorties culturelles. Il a du mal à s’éloigner de sa zone de confort par peur de l’inconnu.
Ce profil se caractérise par une prépondérance des individus originaires de départements présentant un fort taux de chômage, des zones où la présence de structures culturelles est plus éparse (Guyane, Ardennes) et dont le statut pourrait suggérer une situation de désocialisation (chômeurs et inactifs). Néanmoins, cet éloignement social fait des individus qui composent ce profil des personnes très ouvertes aux recommandations des algorithmes.
Étudié au prisme de ces derniers mois, ce profil est de plus en plus présent au sein de l’échantillon global des utilisateurs du pass Culture, passant de 19% en juin 2020 à 25% en juillet 2020. Ce phénomène pourrait s’expliquer par le contexte sanitaire de l’année 2020 qui limite les sorties culturelles.

  • L’intuitif

L’intuitif effectue des choix culturels principalement en fonction de ce que l’oeuvre lui inspire. Il a un rapport très visuel aux propositions qui lui sont faites. A titre d’exemple, lors du choix d’un film, ce persona privilégiera sa bande-annonce. Très curieux, les trois offres les plus réservées par ce profil sur le pass Culture sont des propositions sur le thème de la vulgarisation scientifique. Par ailleurs, le spectacle vivant fait partie des pratiques les plus déclarées par ce profil. Pour lui, la culture doit être un moyen de passer un bon moment.
Profil plutôt étudiant, il suit facilement ses amis dans les sorties culturelles qu’ils proposent, parfois plus pour la compagnie amicale que pour la sortie en elle-même. En effet, nous constatons que ce profil, s’il possède des pratiques plutôt omnivoristes, il n’effectue pourtant que très peu de pratiques artistiques : sa curiosité se limite aux pratiques collectives de sortie.
Faisant partie des profils les plus représentés sur le pass Culture (22% des utilisateurs interrogés), il est aussi celui qui aura le plus tendance à diversifier ses pratiques culturelles par l’intermédiaire du pass Culture : curieux, particulièrement sensible aux approches visuelles et enclin à effectuer des choix culturels sans nécessairement s’appuyer sur les recommandations de ses proches.

  • L’anticonformiste

L’anticonformiste se caractérise par sa volonté de faire et de penser différemment des autres. Il déteste l’idée de faire comme tout le monde. C’est un profil qui rejette en bloc toutes formes de recommandation : il a peur du formatage. Pour effectuer des découvertes culturelles, l’anticonformiste doit avoir la sensation que le choix émane de lui, que personne ne l’a influencé. Les individus qui possèdent un statut de chômeur sont surreprésentés au sein de ce profil. Par ailleurs, ces utilisateurs possèdent des pratiques plutôt domestiques et centrées sur les jeux vidéos.
Il s’agit d’un des profils les plus représentés au sein de l’échantillon d’utilisateurs du pass Culture (21% des individus interrogés). Cette observation s’explique par la volonté d’émancipation propre à la période de transition dans laquelle se trouve la grande majorité de nos utilisateurs (du lycée aux études supérieures, au monde du travail).

  • Le partenaire

Le partenaire se caractérise par la façon dont il se nourrit des recommandations de ses proches pour effectuer ses choix culturels. Profil plutôt lycéen, il aura des difficultés à effectuer une sortie culturelle seul. Il manque de confiance en sa capacité à effectuer les “bons choix”. C’est pourquoi il est rarement force de proposition.
Néanmoins très curieux, il est toujours partant pour accompagner ses amis : c’est de cette façon qu’il effectue principalement ses découvertes culturelles. Il s’agit d’un des profils qui diversifie le plus ses pratiques culturelles au travers du pass Culture.
Nous constatons également que les réservations effectuées sur le pass Culture par ce profil sont principalement des sorties de groupe ( festival, cinéma…). Tout comme le persona “Intuitif”, sa curiosité se limite aux pratiques collectives. S’il est ouvert à la recommandation, il se fiera à celle de ses proches. En effet, il accorde très peu de crédit aux recommandations qui lui sont faites par les algorithmes de recommandation.

  • Le spécialiste

Le spécialiste se caractérise par son goût prononcé pour un domaine culturel spécifique. À l’instar du persona “Soif de Culture”, le spécialiste est curieux et motivé par la volonté d’en apprendre un maximum : il fait partie des profils qui déclarent des pratiques culturelles diversifiées. Néanmoins, il a une passion pour un domaine culturel en particulier. Son expertise lui confère un rôle particulier au sein de sa bande d’amis : son avis ou ses conseils seront sollicités concernant les oeuvres de son domaine de prédilection.
D’abord considéré comme un profil plutôt étudiant et cinéphile, l’analyse des pratiques culturelles des individus qui composent ce profil démontre que s’ils ont des pratiques dans différents domaines artistiques, ils possèdent une appétence toute particulière pour le théâtre. Par ailleurs, les festivals font partie des réservations les plus effectuées par ce profil.

  • Le Notion d’Identité

Le Notion d’Identité se caractérise par sa sensibilité à une culture de groupe commune. Ses pratiques culturelles se construisent autour d’un sentiment d’appartenance :
- À un territoire : nous retrouvons surtout des individus originaires de Seine-Saint-Denis ou de Guyane. Il y a toutefois peu de bretons au sein de ce profil.
- À une culture de groupe : ce profil est le deuxième plus gros amateur de mangas.

Le Notion d’Identité effectue des sorties culturelles et échange beaucoup avec les membres de son groupe d’amis. Il accorde beaucoup d’importance aux recommandations des membres de son groupe. Il a tendance à se limiter aux recommandations de ce groupe et aura du mal à sortir du domaine culturel qu’il fédère.

  • Le Représentation de soi

Le Représentation de soi se caractérise par son hyper connectivité aux réseaux sociaux et plus largement au monde numérique. À la pointe des dernières tendances, il accorde beaucoup d’intérêt aux recommandations des influenceurs. Il déclare des pratiques culturelles diversifiées.
Il s’agit d’un profil très urbain (beaucoup d’individus originaires de Seine-Saint-Denis). C’est un profil plutôt féminin, et les réservations qu’il effectue sur le pass Culture sont très axées sur les tendances culturelles des individus de 18 ans (concert de Niska, billet pour le Musée d’Orsay).
Pour lui, la Culture se diffuse et se partage auprès de sa communauté de followers : il aime saisir l’opportunité d’une sortie culturelle pour se mettre en scène au travers de ses stories. C’est pourquoi les activités culturelles qui lui sont proposées doivent être cohérentes avec celles qui sont plébiscitées par sa génération.

  • Le Soif de Culture

Le Soif de culture se caractérise par sa grande curiosité et son omnivorisme culturel. Lors de l’activation de son pass Culture, ce profil a déjà des pratiques très diversifiées et s’est initié à des pratiques artistiques.
Le Soif de culture veut pleinement investir la culture. Pour lui, elle est un moyen de parfaire sa culture générale. Ses réservations sur le pass Culture sont surtout des offres axées sur la découverte (livres audios, Sciencetips). C’est pourquoi il ne se cantonne pas à un domaine culturel spécifique et appréciera de se confronter aux grandes figures de l’art.
Si ses réservations investissent différents domaines artistiques, elles n’entraînent pas de diversification de ses pratiques par rapport à celles antérieures à l’activation du pass Culture : ces individus ont entamé la démarche de diversification de leurs pratiques avant d’utiliser le pass Culture.
Saisissant toutes les opportunités d’effectuer des découvertes, il est l’instigateur des sorties culturelles qu’il va faire avec ses proches. Il est très friand de recommandations notamment si elles émanent d’instances en lien avec le monde professionnel ou scolaire.
Cependant ce profil est très peu représenté au sein de l’échantillon d’utilisateurs du pass Culture (seul 2% des individus interrogés). En effet, si les utilisateurs du pass Culture pourraient tendre vers ce profil au cours de leur expérience, il demande une capacité d’investissement et une accumulation d’expériences culturelles que la plupart des utilisateurs n’ont pas encore eu la possibilité d’initier en raison de leur âge et de leur dépendance financière au foyer familial (qui justifie le crédit octroyé par le pass Culture).

III. En associant les données qualitatives et quantitatives collectées, les profils “utilisateur” offrent une vision holistique de nos utilisateurs

La construction des profils “utilisateur” émane d’une volonté de réconcilier les approches quantitatives et qualitatives de nos utilisateurs.

Les huit profils ont été obtenus à partir du croisement des “regroupements” et des “personas”. Ils permettent de présenter une vision holistique de nos utilisateurs en tenant compte de leur rapport à la Culture tant sur l’application qu’en dehors de celle-ci.

  1. La méthodologie des “profils “utilisateurs”” est basée sur les données des “regroupements” et des “personas”

Afin d’effectuer cette démarche, chaque utilisateur auquel a été attribué un regroupement et un persona a été placé dans une micro-catégorie parmi les 96 existantes. (le chiffre “96” correspondant aux 12 regroupements multipliés par le nombre de personas — soit 8.). La taille de chaque micro-catégorie a été calculé en appliquant un redressement des données statistiques (le nombre d’individus auxquels un persona a été attribué étant nettement inférieur à celui des individus répartis au sein des regroupements).Les micro-catégories sont sélectionnées par taille décroissante jusqu’à englober 80% de nos utilisateurs. Les micro-catégories sont regroupées selon des caractéristiques sociologiques communes afin de constituer des “profils “utilisateur””.

2. Les premiers résultats offrent un aperçu des profils les plus représentés au sein de l’échantillon d’utilisateurs du pass Culture

En croisant les données qualitatives (personas) avec les données quantitatives (regroupements) de nos utilisateurs, nous avons été en mesure d’approfondir notre connaissance des publics qui composent le pass Culture :

  • Suiveurs (28%) : regroupements les plus représentés des personas sensibles aux recommandations de leurs pairs. Ce profil se compose des utilisateurs dont le persona attribué est “casanier”, “notion d’identité” ou “partenaire”. Leurs regroupements de référence se composent de pratiques domestiques (“Gamer”, “Lecteur”…).
  • Culture de niche (26%) : regroupements de pratiques plutôt domestiques de personas enclins aux sorties culturelles. Ce profil se compose des utilisateurs dont le persona est “intuitif” ou “anticonformiste”. Leurs regroupements intègrent de pratiques domestiques (“Lecteur”, “Gamer”, “Amateur”…). Ce profil est probablement très représenté en raison du contexte sanitaire qui limite la possibilité d’effectuer des sorties culturelles.
  • Curieux (15%) : regroupements avec beaucoup de pratiques de sortie des personas sensibles aux découvertes fortuites. Ce profil se compose d’utilisateurs dont le persona attribué est “partenaire ou “intuitif”. Leurs regroupements sont axés sur des pratiques diversifiées (regroupements “omnivoristes”) et des pratiques de sortie (regroupements “visiteur”, “spectateur”…).
  • Pratiques populaires collectives (9%) : regroupement “bases” des personas sensibles aux sorties collectives. Ce profil est composé d’utilisateurs dont le persona attribué est “spécialiste”, “partenaire” ou “intuitif” et dont les pratiques culturelles sont celles du regroupement “Base” (musique et film en streaming, festival).
  • Anticonformiste avec pratique de sortie (7%) : persona “anticonformiste” sensible aux pratiques de sortie (regroupements “visiteur”, “spectateur”, “actif”).
  • Casanier omnivore (5%) : persona “casanier” avec des pratiques diversifiées (regroupements “pratiques omnivores”).
  • Anticonformiste omnivore (5%) : persona “anticonformiste” avec des pratiques diversifiées (regroupements “pratiques omnivores”).
  • Casanier avec pratiques de sortie (5%) : regroupements de pratiques de sortie d’un persona plutôt enclin aux pratiques domestiques. La représentation de ce profil est potentiellement influencée par le contexte sanitaire qui contraint des individus possédant initialement des pratiques de sortie assidues à des pratiques culturelles plus sédentaires.

3. Les “profils utilisateur” gagneront en pertinence avec le temps

En comparaison du nombre d’individus possédant un regroupement, l’échantillon d’individus auquel un persona a été attribué est extrêmement réduit. Ce déséquilibre, bien que compensé par le redressement des données, suppose une représentation biaisée des individus au sein des micro-catégories. À ce titre, les profils “utilisateur”, pour gagner en pertinence, devront être recalculés une fois qu’il sera rendu possible d’avoir un échantillon “persona” plus conséquent.

Néanmoins, la méthode utilisée permet d’ores et déjà de faire émerger des catégories de profils cohérents tant au regard des personas que des regroupements.

Les trois approches présentées, dont la méthodologie et les résultats sont régulièrement enrichis et mis à jour, sont constamment intégrés à l’ensemble des réflexions conduites au sein du pass Culture, dont ils influencent les conclusions :

  • les personas ont ainsi par exemple permis d’aborder avec précision et finesse certaines modalités de l’application, comme les canaux de recommandation et de diversification (certains personas sont averses aux recommandations générées par des algorithmes, alors que d’autres en sont friands) ou encore la géolocalisation de l’application (certains personas ne voient pas l’intérêt de la géolocalisation alors que d’autres en font un des avantages du service…). En période de confinement, des approfondissements des personas ont permis de mieux comprendre leur réaction vis-à-vis de cette période, et d’ainsi adapter au mieux le produit et les offres qu’il contient ;
  • les regroupements, quant à eux, ont pu par exemple nourrir les réflexions portant sur la constitution du parcours de diversification. Il s’agit, en fonction des informations initiales que l’utilisateur communique, d’être en mesure de lui faire des premières réservations, visant à légitimer ses pratiques et à assurer un bon niveau de confiance dans les promesses de l’application, avant de l’emmener vers des propositions dont il est éloigné.

Il ne s’agit là que de quelques exemples des très nombreux champs d’application de ces outils, qui peuvent par ailleurs dépasser largement le simple périmètre du pass Culture.

Article écrit en Juillet 2020.

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Mandy Llamas
passCultureofficiel

Responsable du pôle Etudes & Recherche — pass Culture